Dimanche matin, j’ai prononcé à Paris une petite
conférence dans le cadre du « Cercle Lutétia », cercle
d’études du Groupe d’Action Royaliste, sur le thème « Nation et
unité française ». En voici ci-dessous la première partie de
son résumé.
« La formation de l’unité française »
Il est important de connaître l’histoire, non pas pour la
saisir comme une matière morte, mais plutôt comme le champ des expériences
passées et le terreau des leçons politiques.
Ce cercle porte sur la formation de l’unité française,
c’est-à-dire sur les fondements de la nation française, sur les fondations
d’une unité historique, mémorielle, celle-là même que l’on nomme, parfois sans
un total discernement, l’identité française.
Au début il y a la Gaule, et la formule « Nos
ancêtres les Gaulois » n’est pas si absurde que cela quand on y prête
attention (ce que faisait justement remarquer Jean-Edern Hallier), car il
s’agit d’appréhender et de penser la formule comme un symbole d’ascendance
nationale, historique et non ethnique ! Nous ne descendons pas tous des
Gaulois au sens ethnique, mais au sens « national », au-delà
de l’appartenance ethnique, culturelle, religieuse. C’est d’ailleurs tout le
sens du propos de Bainville, rappelé dernièrement par Rachid Kaci dans son
livre « Comment peut-on être français ? » :
« Le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une
nation. »
Mais c’est la colonisation romaine qui voit le
début d’une unité, qui dépasse les multiples divisions gauloises, qui formalise
des « provinces gauloises » de l’empire et qui trace une trame
urbaine et routière, dont le réseau actuel est l’héritage.
Les invasions barbares qui bousculent l’ordre romain et
traversent ce qui n’est pas encore nominalement la France inscrivent aussi dans
l’histoire des éléments de l’unité que l’on retrouve encore aujourd’hui, ne
serait-ce que le nom de « France » qui nous vient des Francs,
terme qui signifie « hommes libres » et qui peut, après tout,
expliquer le caractère de liberté nationale, qualifiée d’indépendance,
et la volonté de ne dépendre d’aucune autre force que de celle qui soit issue
d’elle-même… En ce sens, ne serions-nous pas encore plus les ancêtres des
Francs, sur le plan du caractère géopolitique, que des Gaulois qui, après
tout, se sont très vite ralliés à la « pax romana » ?
Clovis, par son baptême, inscrit la marque chrétienne, et
particulièrement romaine, dans la définition de la France. Mais la forme de son
baptême permettra aussi de préserver l’indépendance du politique à l’égard
du religieux et de la tentation théocratique pontificale telle qu’elle se
manifestera au milieu du Moyen-âge : en descendant du ciel, comme
l’indique la tradition, la colombe qui apporte l’ampoule de saint-chrème qui
servira au sacre des rois de France permet au monarque de signifier que sa
légitimité sacrée ne vient pas de Rome et du Pape mais directement de Dieu. En
fait, la théorie du « droit divin » est aussi un moyen fort
politique d’éloigner Rome des affaires du royaume…
Si les mérovingiens et les carolingiens, en définitive,
n’arrivent pas à stabiliser leurs constructions politiques, c’est en 987
qu’a lieu la véritable révolution politique qui permet de repérer l’acte
de naissance de la France, de son unité qui, désormais, s’inscrit dans la
réalité durable, politique comme géopolitique : l’année de l’accession au
trône de « Rex Francorum » d’un Robertien, Hugues Capet,
ce roi fondateur de la « nation France », roi dont on n’a
aucun portrait d’époque quand il est pourtant fondamental et bien réel au
regard de l’histoire !
Son règne, plutôt court, est néanmoins déterminant, même
si c’est le recul historique qui nous permet de vraiment le discerner et le
comprendre :
1. : Hugues Capet
décide qu’il n’aura qu’un seul successeur à la tête du domaine royal et
que ce sera son fils aîné, qu’il fait d’ailleurs sacrer de son vivant
pour mieux « l’installer » et ainsi dépasser le rite de l’élection
qui devient juste une confirmation de cette succession et non la vraie
désignation du monarque…
2. : Désormais, le
domaine royal, qui est alors fort réduit et plutôt dispersé (Paris,
Poissy, Mantes, et quelques terres dans l’Orléanais, etc., ce qui représente un
« gros » département français d’aujourd’hui, guère plus !), devient
inaliénable et, donc, le roi n’en est pas le propriétaire mais le
dépositaire. Quant aux autres terres dont les seigneurs sont les suzerains
quand ils sont aussi les vassaux du roi, elles prendront d’ailleurs vite leurs
distances avec les Capétiens, auxquels il ne reste rapidement que leurs
possessions devenues, comme déjà signalé, « domaine royal »…
Ainsi, c’est ce domaine qui est la « première France »,
le noyau dur auquel vont, au fur et à mesure des siècles, s’agréger de nombreux
et nouveaux territoires qui en deviendront des provinces : le règne
d’Hugues Capet est le début d’un processus de formation de ce qui deviendra
l’hexagone métropolitain et qui sera pratiquement achevé quand éclatera la
Révolution française !
3. Sur ce domaine, le
roi n’est plus seulement suzerain suprême, « le premier des nobles »,
mais bien un véritable « souverain » qui s’impose à tous,
au-delà même des simples liens féodaux classiques : c’est là aussi le
début d’un processus, celui de la construction de l’Etat, de ce même Etat qui,
comme signalé plus haut, « fait la France » dans un effort
politique et géopolitique multiséculaire.
En somme, si « les rois ont fait la France »,
c’est Hugues Capet qui, par sa politique personnelle, engage véritablement le
processus et le rend possible en lui donnant les moyens de s’inscrire dans la
durée, au-delà de sa seule personne mortelle…
(à suivre)
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