Le roi n’est pas un homme seul, il s’inscrit dans une suite de rois, dans une famille royale qui incarne la Monarchie : il n’est donc pas un homme sans « histoire », il porte avec lui la mémoire de ceux qui l’ont précédé, et celle de la nation française, née par et avec ses ancêtres, parfois lointains… Ce n’est pas un monocrate sans lendemain, c’est un monarque enraciné.
La Monarchie royale, néanmoins, ne se limite pas à deux hommes, le père et le fils (dans le meilleur des cas, même s’il est arrivé, dans notre histoire de France, que ce soit le petit-fils, voire l’arrière-petit-fils, qui succède au roi trépassé : ainsi, Louis XV et Louis XVI, pour le seul XVIIIe siècle). La Monarchie est aussi un régime « familial », et cela de deux manières : la famille royale est cette famille-chef dans laquelle le pays peut se reconnaître, parce que, en définitive, la Monarchie est, dans le même temps, une « famille de familles » et non un bloc « un et indivisible » dans lequel les uns et les autres seraient ramenés à leur seule condition d’individu « né orphelin et considéré comme fin de lui-même ». Si la Monarchie pense plutôt en termes de personnes, d’égale dignité, elle ne néglige pas que, selon le mot fameux d’Henri Massis, « l’homme est société », et qu’il s’agit de prendre les hommes tels qu’ils sont, avec leurs qualités et leurs défauts, et non de vouloir forger un « homme nouveau », ce vieux rêve des sociétés utopiques, totalitaires ou, selon la forme qui semble dominer aujourd’hui, « globalitaires » (7).
Néanmoins, le souverain en titre est-il le plus compétent pour régner et, selon la tradition royale, arbitrer et décider ? En fait, ce qui importe n’est pas l’intelligence ou les qualités intellectuelles mêmes du roi, et il est arrivé que certains, dans l’histoire de France, se soient plutôt fait remarquer pour leurs frasques que pour leurs idées propres, et que leur réputation, pour la postérité, ne soit pas celle qu’ils auraient pu souhaiter... Mais ce qui importe, c’est leur indépendance politique : un roi ne choisit pas de l’être, mais quand il doit l’être, par le hasard de la naissance et la fatalité de la mort, il assume cette lourde tâche, parfois avec inquiétude et sans certitude pré-établie. C’est sa naissance, ce qui ne s’achète pas, ne se monnaye pas, qui lui assure une liberté par rapport aux groupes de pression et aux coteries, car le roi ne leur doit rien, absolument rien, et son trône encore moins que le reste ! Du coup, il est libre, au-dessus des partis et des féodalités financières, et il peut librement arbitrer et décider, selon son statut de dépositaire de la magistrature suprême de l’État. Libre de sa parole, il n’en est pas moins tenu aux devoirs de justice qui lui sont rappelés par l’un des symboles de la royauté : la main de justice, complémentaire du sceptre de commandement et d’autorité.
(à suivre)
Notes : (7) : Après la chute du communisme eurasiatique dans les pays de l’Europe orientale et centrale, quelques militants rennais d’Action Française évoquèrent (pour la comprendre et la combattre) une nouvelle forme de système de contrainte sociale présente dans les démocraties occidentales, qu’ils nommèrent « globalitarisme » pour la distinguer des « totalitarismes abrupts » du XXe siècle. Si ce sont surtout les régimes occidentaux qui semblent désormais concernés par ce système fortement aidé par les nouvelles technologies et « légitimé » (sic !) par l’idéologie dite « démocratique » mâtinée de « politiquement correct » et de « bonheur obligatoire », il n’est pas interdit de constater que la Chine a réussi à « fusionner » totalitarisme et globalitarisme dans le même mouvement, et en un seul système…
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