Il y avait un lycée au nom de Thierry Maulnier à Nice depuis plusieurs décennies : il sera débaptisé à la rentrée prochaine, après une campagne de haine et surtout de bêtise de la part d’une élue d’extrême-gauche « verte » relayée obligeamment par quelques journalistes peu soucieux de s’intéresser vraiment à la personnalité visée et préférant se contenter de quelques fiches de police de la pensée ; mais c’est le président du conseil régional, M. Renaud Muselier, qui a porté le coup fatal, cédant à la pression de quelques uns et à la doxa dominante contemporaine. Ainsi, Maulnier disparaîtra tranquillement de la cartographie niçoise, et il est peu probable que son nom soit redonné à une rue ou une école de la République française… Cet effacement public d’un nom, pourtant paré du titre d’académicien français et témoin engagé d’un temps où le débat d’idées pouvait exister sans excommunier (même si ce temps n’a sans doute jamais été très long et, en tout cas, pas vraiment pérenne), n’est pas une bonne nouvelle : sans doute annonce-t-il de prochaines épurations toponymiques dont nombre de nos références culturelles et civilisationnelles feront les frais, des héros de la Chouannerie en Bretagne (Georges Cadoudal a son square à Rennes, par exemple) aux grands écrivains parfois mal-pensants (un autre Georges, Bernanos, entre autres, mais aussi Anatole France, parce qu’il a osé écrire un livre contre les mécanismes de la Terreur, Les dieux ont soif…), sans oublier les saints locaux ou plus généraux qui seront accusés d’être des atteintes à la laïcité ou aux idéologies dominantes du moment…
Plus subtile parfois est la dénomination de nouveaux bâtiments, publics en particulier, ou des rues et squares nés des poussées urbaines ou rurbaines : des références mondialisées, souvent d’origine états-uniennes et en rapport avec les « luttes » d’outre-Atlantique, grignotent peu à peu la toponymie française. Sans oublier ces noms engagés qui incarnent une des nombreuses causes communautaristes actuellement en cours, du féminisme au décolonialisme, voire au racialisme… Nommer une rue, un lotissement, une école est un acte hautement politique, et n’a rien, aujourd’hui encore moins qu’hier, de neutre !
Cette politique d’effacement et de remplacement ne se limite pas à l’espace public commun, il peut aussi concerner des institutions mêmes de l’espace civique et hautement politique. Un exemple significatif, datant d’il y a quelques années à peine, du temps de la Hollandie (2015) : Au cœur même de l’Assemblée nationale, dans la salle (médiatique) des quatre colonnes, il y a quelques années, le buste du député catholique social Albert de Mun, élu royaliste avant que de rejoindre le Ralliement à la République (tout en demeurant royaliste, d’ailleurs…), a été déplacé en un lieu beaucoup plus « discret » et remplacé par celui d’une femme qui n’a jamais (et pour cause !) été élue au siège de député, Olympe de Gouges, et cela pour des raisons bassement politiciennes et démagogiques (1). Personne, ou presque, ne s’en est ému, et Albert de Mun a ainsi disparu, sans bruit : d’ailleurs, qui s’en souvient ? A-t-il même existé, pourrait-on légitimement se demander ? En effaçant sa présence en ce lieu emblématique de l’activité parlementaire, c’est une grande partie de l’histoire de la construction d’une législation sociale en France que l’on a ainsi mise sous le boisseau… Comme si rien n’avait, sur ce sujet, existé « à droite », et rien non plus, ou presque, avant Mai 1936…
Je n’aime pas ce programme d’amnésie vindicative, de chasse aux sorcières et de « remplacisme » toponymique sans fin qui rappelle cette politique de la Première République débaptisant lieux et monuments quand elle ne les faisait pas détruire, physiquement. Mais, puisque Thierry Maulnier et Albert de Mun ont disparu du paysage des noms et des bustes, il n’est pas interdit, comme pour leur rendre un hommage vivant au-delà de leur éviction, de les relire, de les citer mais aussi de leur rendre leur vraie personnalité, leur véritable histoire qui ne sont pas celles des censeurs et des effaceurs contemporains. « Messieurs les censeurs, bonsoir ! », s’exclamait Maurice Clavel en quittant un plateau de télévision, furieux de la disparition dans un de ses films documentaires de quelques mots ôtés par la direction de la télévision de l’époque (la fameuse ORTF). Cela claque bien, et frappe les esprits ; mais il s’agit désormais d’aller plus loin : vous vouliez effacer, nier, diffamer, messieurs (et mesdames, d’ailleurs, à Nice) les censeurs ? Tant pis, nous, nous maintiendrons, nous lirons, nous ferons connaître ceux que vous vouliez rayer de la mémoire de cette nation : ainsi, nous ferons revenir à la vie ces fantômes qui vous hantent et qui, eux, sont des esprits qui nous inspirent encore…
Notes : (1) : Cela n’enlève rien, d’ailleurs, à tout l’intérêt qu’il est possible et même nécessaire de porter à Olympe de Gouges, qualifiée aujourd’hui de fondatrice du féminisme en France mais empêchée de Panthéon il y a quelques années parce que trop peu républicaine et, même, accusée de monarchisme par quelques uns des plus robespierristes de l’échiquier politique français…
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