Durant le débat autour de la réforme des retraites de Mme Borne, j’ai participé à de nombreuses discussions sur ce thème, en particulier sur la toile, véritable agora politique et émotionnelle. Adversaire de cette réforme qui me semblait (et me semble toujours) inappropriée et trop égalitaire (1) pour être juste et efficace, je me suis souvent heurté à des partisans (y compris monarchistes) du report de l’âge de la retraite qui avaient des argumentations « économiques d’abord », mais qui n’étaient pas forcément dénuées d’intérêt : elles méritent donc à leur tour quelques réponses, au moment où le débat se ranime (peut-être en vain, mais qui sait ?) et s’anime, le nouveau premier ministre étant, lui, un partisan du report à 65 ans sans avoir, a priori, les moyens politiques de cette ambition…
Propos 1. : « En pleine guerre économique, avec une démographie en berne, des finances dans le rouge et une économie atrophiée, les opposants au report de l'âge de la retraite à 64 ans sont l'exact pendant des pacifistes à courte vue de 1913 opposés au service militaire de trois ans. »
Ma réponse, première partie : Si je puis être d’accord avec le contexte évoqué, je ne partage pas la sentence finale. Oui, la mondialisation, c’est bien effectivement une forme de guerre économique, de tous contre tous (avec des alliances qui, comme le signalait le général de Gaulle, sont saisonnières), et elle est aussi brutale, cruelle, sourde souvent mais tout aussi destructrice, particulièrement pour les vaincus ou les plus faibles, les moins prêts à cette guerre, à cette mondialisation qu’on leur vantait heureuse pour mieux les rallier à icelle, mieux les y attacher, les insérer dans une société de consommation qui, en fait, distrait et aliène… Oui, il faut néanmoins faire cette guerre puisqu’elle est là, et je ne me sens guère l’âme d’un pacifiste qui détournerait le regard du champ de bataille alors qu’elle est aussi sur notre territoire et qu’elle le dévaste par la désindustrialisation, par la fermeture d’usines pas assez rentables pour les grandes Transnationales et pour les actionnaires (principalement les « gros » actionnaires et les purs spéculateurs) (2), par la mise au rebut de centaines de milliers de travailleurs industriels, agricoles ou « tertiaires »… Néanmoins, il s’agit pour nous de faire cette guerre sans négliger nos propres valeurs : ce n’est pas le malheur des travailleurs des pays concurrents que nous souhaitons, mais la préservation des intérêts de nos propres concitoyens au travail et de notre nation politique. Notre nationalisme économique, si l’on peut s’exprimer ainsi, est défensif, préservateur, humaniste. Il ne peut être sans la justice sociale, c’est-à-dire le soin apporté à respecter la dignité du travail autant que celle des travailleurs, et à la valoriser avant les seuls critères financiers : là encore, et comme souvent écrit sous ma plume : « l’économie doit être au service des hommes, et non l’inverse »… Si nous pratiquions cette guerre économique sans en tenir compte, que vaudrions-nous face à ceux qui exploitent sans vergogne et détruisent la planète comme les sociétés et leur équilibre, et qui ne respectent que le seigneur Argent ?
(à suivre…)
Notes : (1) : Je qualifie cette réforme des retraites d’égalitaire parce que, malgré quelques aménagements pour certaines situations professionnelles particulières et souvent pénibles, elle « globalise » la société et le monde du travail en appliquant le même âge légal de départ à la retraite pour tous, sans prendre en compte (ou de façon très marginale, ce que reconnaît dans ses récentes déclarations le nouveau premier ministre…), par exemple, les différences d’espérance de vie entre catégories sociales, ce qui accroit des inégalités qui, là, ne sont pas du tout protectrices mais bien démesurées et, donc, méritent le titre d’injustices.
(2) : L’actionnariat n’est pas forcément un mal, et je distingue le spéculateur pur, souvent sans scrupules, de l’actionnaire qui, par exemple, investit dans sa propre entreprise ou qui a des actions d’icelle au titre de l’intéressement, ce qui me semble un moyen juste et intelligent de concilier, pour le coup, finance et travail.
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