« Plaie d’argent n’est pas mortelle », dit le proverbe, mais elle n’est pas forcément anodine, surtout dans une mondialisation qui a tant valorisé la finance au détriment du partage et de l’usage commun, et qui a fait sienne la sinistre formule de Benjamin Franklin, « le temps, c’est de l’argent ». Mais, au-delà de cette appréciation, encore faut-il reconnaître que l’ancienne Monarchie d’avant 1789 fut confrontée au même souci de financement que l’est notre République de 2024 : Pierre Gaxotte avait résumé la situation du royaume de Louis XVI par une formule simple, « Un Etat pauvre dans une France riche ». La citation reste sans doute d’actualité, même si les proportions de l’endettement public contemporain (auquel il serait juste de rajouter – sans les confondre pour autant – l’endettement des particuliers et des entreprises) ne sont pas forcément les mêmes, tout comme le contexte et les conditions de celui-ci. Pour ne parler que d’aujourd’hui, il ne faut pas oublier que nous vivons dans une société de consommation et de loisirs très dispendieuse et de plus en plus financiarisée, et que l’État français est devenu un État-providence qui, depuis quelques décennies, confond légitime et nécessaire assistance avec lourd et coûteux assistanat.
« Un pays trop endetté est un pays impuissant », déclare le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici dans un entretien paru dans Le Parisien de ce dimanche 8 septembre, en oubliant qu’il a lui-même, quand il était ministre de l’économie de François Hollande, participé à cette dégradation des comptes publics qu’il dénonce aujourd’hui… Néanmoins, ce qu’il dit est malheureusement vrai, et d’autant plus en temps de mondialisation financiarisée, et les 3.200 milliards d’euros de dette publique française pèsent de plus en plus sur les capacités de manœuvre de l’Etat, et cela au moment même où l’histoire semble s’accélérer, entre périls géopolitiques et craintes environnementales. Ce premier constat fait, encore faut-il dresser un état des lieux financier de l’exercice de l’État, de ses fonctions régaliennes, de ses services publics et de ses politiques d’aides diverses et variées, etc., et cela pour pouvoir réagir et limiter, autant qu’il est possible de le faire, les dépenses de l’État. Cure d’austérité, diront certains sur ce dernier point en oubliant simplement que toute dépense n’est pas forcément légitime ni utile, et qu’il s’agit plutôt ici de mieux les ordonner plutôt que de les supprimer toutes, corps et biens : favoriser les dépenses d’investissement dans les services publics fondamentaux et dans les secteurs industriels stratégiques, en particulier dans le domaine de l’énergie, de la défense militaire, de l’intelligence sous toutes ses formes, voilà qui est bon et nécessaire. En revanche, toute politique d’assistanat sans contrepartie d’efforts et de travail productif, voilà qui doit être revu et limité au maximum, ne serait-ce que par souci de la justice sociale qui, ne l’oublions pas, n’est pas une prime à la paresse ou à l’égoïsme ! Encore faut-il, évidemment, que l’État soit attentif à ce que personne, dans notre société, ne soit socialement négligé et que le travail de chacun, selon ses aptitudes, compétences et efforts fournis (qui, parfois, rentrent aussi dans le cadre de la pénibilité), soit justement récompensé, et cela plus que les jeux de la finance et les rentes spéculatives.
Pour réduire le lourd déficit français, l’action de l’État sera évidemment déterminante, mais sera-t-elle suffisante ? Il y faudra l’aide des entreprises et des consommateurs : le « Fabriqué en France » doit être suivi par le « Consommer français », malgré les habitudes de consommation beaucoup plus individualistes désormais de nos concitoyens et encore renforcées par le commerce électronique et ses géants qui poussent à une consommation effrénée et mondialisée, « sans entraves »… Si un certain nationalisme économique de l’État est souhaitable, il doit s’accompagner d’une nationalisation des comportements d’achat des Français qui peut permettre, à plus ou moins long terme, la relocalisation d’industries parfois parties très loin et, surtout, le maintien des entreprises qui, aujourd’hui, produisent en France mais subissent la pression de leurs actionnaires pour dégager plus de profit en s’installant hors de notre territoire. « Nos emplettes sont nos emplois », disait-on jadis : il faudrait rajouter que celles-ci, dans le même temps, peuvent jouer un rôle dans la limitation de l’endettement public par le soutien aux producteurs locaux et nationaux. Effectivement, en activité ici et maintenant, ils coûtent moins cher aux contribuables français que s’ils étaient au chômage (pour les producteurs de base) pour cause de délocalisation, ce vecteur important d’une désindustrialisation dont tout le monde s’accorde désormais à dire qu’elle a plus affaibli la France qu’elle n’a enrichi durablement les Français…
(à suivre : Quelles économies faire, et dans quels secteurs ? ; désétatiser, oui, mais comment ? ; Comment trouver de l’argent frais ? etc.)
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