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Après les coups d'épée dans l'eau...

 

Peut-on dire que les 10 et 18 septembre ont été utiles pour la cause ouvrière et, plus généralement, pour le combat social ? Personnellement, j’en doute fortement, et cela pour plusieurs raisons : d’abord, le côté trop rituel et traditionnel des modes de lutte, entre manifestations de rue et blocages de places ou de lycées ; ensuite, l’omniprésence de drapeaux palestiniens qui, quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir sur ce conflit « si loin, si proche », brouille le message proprement social et politique français, voire détourne les regards et les énergies des vraies luttes du moment ; sans oublier la mainmise des partis de gauche (malgré la prudence des syndicats, du moins de ceux qui sont d’abord professionnels avant d’être partisans) qui, depuis si longtemps, confisquent la parole protestataire ou revendicative, sans grand profit pour cette dernière. La presse libérale, d’ailleurs, paraît rassurée par l’échec des deux journées de manifestations bloquantes, et titre, pour L’Opinion, « Une France de non-grévistes », ce que peut effectivement prouver, numériquement parlant (1), les décomptes de 500.000 manifestants sur 68 millions de Français (soit moins de 1 %, si l’on rapporte cela aux proportions des uns par rapport à l’ensemble des Français). Pour autant, ce même quotidien n’est pas totalement rassuré : « Est-ce plutôt le résultat – inquiétant – d’une sorte de découragement, d’à-quoi-bonisme social ? Si tel était le cas, ce serait le signe que cette France protestataire n’espère déjà plus du nouveau Premier ministre, préférant attendre la grande remise à plat, à plus ou moins long terme, d’une élection présidentielle. » N’est-ce pas, là encore, une illusion électorale présidentielle maintenue par le pays légal ? Car, en 2017 comme en 2022, le sort des urnes n’a pas débloqué la situation mais a plutôt renforcé le malaise entre le pays réel et le pays légal, ce dernier se rassurant à chaque fois d’un réflexe qualifié de républicain, mais qui ne remet rien à plat, quelle que soit la figure élue du moment. Sans doute arrivons-nous à la fin d’un système qui reposait sur la confiance mise par les électeurs sur celui qui sortait sacralisé par le suffrage universel direct et qui pouvait, dans le même temps, susciter un engouement (voire un enthousiasme) que les élections législatives qui suivaient pouvaient alors confirmer par une nette et franche majorité parlementaire absolue.

 

C’est aussi en cela que la crise de confiance qui plombe l’ambiance politique est aussi révélatrice et porteuse d’une véritable crise de régime : qui croit encore vraiment, au sein du pays réel, dans les possibilités des élections de dénouer le nœud gordien qui, peu à peu, semble se resserrer sur le cou de la France, paralysée par l’impuissance de la République à sortir de cette situation et de ses ambiguïtés ? Et pourtant, l’échéance présidentielle est toujours vue comme « la reine des élections », celle dont tout le reste dépend. En fait, si le moyen n’est pas bon (ni juste, d’ailleurs), la cible n’est pas mauvaise : c’est bien de la magistrature suprême de l’Etat que quelques solutions de déblocage et donc de sortie de crise peuvent venir et s’imposer utilement. La République quinquennale n’est plus appropriée aux défis et aux enjeux contemporains (mais aussi aux souhaits et doléances) du pays réel parce qu’elle a épuisé ses ressources et ses possibilités d’imaginaire et de sentiment qui permettaient aux électeurs d’y croire encore quand ils pouvaient se dire « avec un autre, ce sera mieux et ça ira mieux ! ». Il faut donc pouvoir imaginer autre chose que ce qui existe présentement, comme le clamait un slogan de Mai 68 quand il assurait qu’il fallait mettre l’imagination au pouvoir. Mais faut-il en passer par l’utopie ou bien plutôt considérer l’histoire et, avec elle, imaginer un autre avenir que celui du déclin inscrit dans la nature même (et confirmé par sa pratique) de la République macronienne ? Nous ne nous risquerons pas à l’utopie dont les siècles précédents ont pu signaler les dérives et les pratiques extrémistes (dont cette fameuse « table rase » qui nie autant les hommes que les paysages anciens). Ainsi, il nous reste l’espérance de renouer avec ce qui, historiquement, a permis à la France d’être et de prospérer, et dont l’esprit, régulièrement, traverse nos concitoyens comme une nostalgie ou comme un remords : comment, alors, le ramener aux formes institutionnelles qui furent les siennes, non sous des oripeaux passéistes mais avec les aspects les plus appropriés aux temps contemporains, non par démagogie mais par pragmatisme et pour l’efficacité politique ? La question mérite d’être posée, sans attendre une réponse immédiate et totalement assurée… Mais l’évidente difficulté d’instaurer cette Monarchie royale n’enlève rien à l’urgente nécessité de celle-ci, comme nous le confirme, a contrario, le spectacle du désastre gouvernemental actuel.

 

 

 

 

Notes : (1) : L’histoire nous prouve à l’envi que le nombre compte moins, le plus souvent, que la volonté ou l’organisation décidée et vigoureuse, ou cet heureux concours de circonstances qui transforme l’événement en occasion, la révolte en révolution, par l’action de ce que Maurras nommait « les minorités énergiques ». Encore faut-il qu’il y ait aussi l’envie de faire, un objectif clairement défini (qui peut dépasser les intentions de ceux qui font concrètement – ou accidentellement… - cet événement) et un appareil qui puisse ordonner le mouvement ou récupérer l’événement pour à la fois détruire et refonder : les manifestants avaient-ils vraiment cela en tête et au cœur ? A les entendre sur les chaînes de radio, il semble que ces deux journées étaient plus des démonstrations de force destinées à conforter leurs propres sentiments qu’à emporter la conviction des autres…

 

 

 


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