Les événements des deux dernières semaines dans les banlieues font couler beaucoup d'encre : les analyses pour tenter de comprendre la "crise des banlieues" sont fort nombreuses mais n'ont pas toutes le même intérêt, loin de là. Néanmoins, mon dossier sur ce thème ne cesse de grossir et j'y rajoute chaque jour une bonne vingtaine de pages découpées dans la presse, quotidienne ou hebdomadaire.
Un article de Dominique Quinio paru dans "La Croix" vendredi 4 novembre mérite d'être cité et complété : sous le titre "Autorité et cohérence", la journaliste écrit :"Les échecs que ces émeutes révèlent sont les échecs des gouvernements successifs, de gauche comme de droite: qu'il s'agisse de politique de la ville, d'emploi, d'urbanisme, d'intégration des populations d'origine immigrée, de cohésion familiale, d'éducation, aussi".
Il est vrai que, depuis une trentaine d'années, malgré quelques effets d'annonce et des mesures parfois intéressantes mais pas assez soutenues par la volonté politique, la situation des "périphéries" ne s'est guère améliorée. A bien y regarder, la "crise des banlieues" n'est que le révélateur d'une crise de la société mais aussi, plus profondément, d'une crise de civilisation et d'une faillite des institutions. Ce que, d'ailleurs, souligne d'une certaine manière Dominique Quinio en évoquant la question de "l'autorité" : "L'autorité est au coeur de ces événements. L'autorité de l'Etat, l'autorité des différentes institutions (police, justice...), l'autorité des parents aussi (...). Quelle image de cette autorité si ceux qui sont censés l'incarner [au niveau de l'Etat] se déchirent à belles dents, se jettent des anathèmes? Quelle efficacité de cette autorité, si certains sentent qu'ils peuvent s'engouffrer dans quelque brèche, mettre un coin à l'intérieur d'une équipe ministérielle? "
Ainsi, tandis que les ambitions présidentielles se faisaient fort bruyantes ces derniers mois, l'autorité de l'Etat, elle, ne cessait de faiblir : or, la nature, sociale comme politique, a horreur du vide, et l'affaiblissement de cette autorité institutionnelle entraîne mécaniquement le renforcement des comportements "féodalistes" (et c'est vrai aussi en économie), que cela soit dans les allées du Pouvoir ou celles des banlieues "chaudes".
A travers ces voitures et ces quartiers qui flambent, c'est tout l'échec d'une République coincée entre deux élections, d'une République livrée aux ambitions politiciennes, d'une République qui s'agite mais n'agit plus vraiment en profondeur, véritable "paralytique" institutionnelle...
Oui, vraiment, quel échec ! Il faudra bien, lorsque les feux auront été ou se seront d'eux-mêmes éteints, repenser une véritable politique de l'aménagement des territoires urbains, de la remise en ordre de ceux-ci et de la remise en cause des "grands principes" qui n'ont que trop échoué à saisir les réalités d'aujourd'hui.
Il ne faudra pas, comme cela est trop souvent arrivé dans le passé, "oublier" en attendant la prochaine explosion. Concilier l'autorité et la patience, l'écoute et l'action, l'ordre et la discussion, voici l'oeuvre nécessaire d'un Etat qui ne doit pas, pour être efficace en ce domaine, être soumis aux continuelles alternances gouvernementales, mais qui soit capable d'une vision et d'un engagement sur le long terme. "Gouverner, c'est prévoir", dit le proverbe: c'est aussi "prévenir", me semble-t-il. La République n'a su faire ni l'un, ni l'autre... Elle s'est ainsi condamnée à parodier l'autorité, incapable qu'elle est, désormais, à l'incarner...
Ne sera t-il pas temps une fois les feux éteints de songer à tout ce qu'ils impliquent ? N'est il pas temps en ce moment de les éteindre plutôt ?
Rédigé par : Matthieu | 09 novembre 2005 à 21:57
Matthieu,
La politique ne consiste pas à mon avis à éteindre dans l'urgence les feux qu'on déclenche, mais plutôt à empêcher que des feux démarre à court terme, moyen terme et long terme. Lorsque tu construis une maison il ya 2 possibilités:
- construire un batiment qui durera des siècles, et pour lequel en fait il faut des fondations solide, un site adéquat, etc...mais ca coute cher
- construire des maisons en 7 jours tout en bois qui s'envole à la première rafale de vent (voir les etats Unis et les dégats de la Louisianne). Cette seconde est la moins cher, elle permet souvent de répondre à un besoin ponctuel mais peux entrainer une véritable catastrophe au moindre coup de vent.
La seconde solution est actuellement très à la mode chez la plupart des économistes, et proche des mouvements libéraux voir ultra-libéraux car répond à leur besoins:
- montrer des résultats rapides à leurs électeurs
- permettre de prendre des décisions inadéquates mais populaires pour assurer leur réélections
elle satisfait plainement les médias, car en fonction d'un sondage on apporte une solution à court terme qui semble convenir à tout le monde, tous ceux qui n'ont pas pris le temps de réfléchir plus loin que leur bout du nez...
La première solution est souvent impopulaire, elle va à l'encontre des sondages, et pire que tout coute souvent très cher. Mais comme tous les projets informatiques ou architecturaux, la première solution souvent apporte une entière satisfaction du client, avec finalement un coup justifié, alors que la seconde entraine de lourd gaspillage...Mais apèrs tout, notre société ultra-libéral ne vit que de gaspillage:)
Rédigé par : agape | 12 novembre 2005 à 17:58
Ce n'est pas seulement de la "crise des banlieues" françaises qu'il s'agit, mais c'est la crise de la République et de la société françaises toutes entières. La liste serait longue si je devais citer l'ensemble des problèmes économiques et sociaux qui affligent notre pays. Trouvez-vous normal par exemple, qu'au nom de l'aménagement territorial, on détruise des immeubles pouvant encore loger des centaines de gens. Pour moi, c'est gaspiller l'argent public. Dans le même temps on construit des immeubles neufs certes, mais combien de gens demandent en Mairie, parfois depuis plus de 10 ans, un logement ? Ce n'est pas en relogeant des personnes dans des maisons individuelles qu'on leur rendra la vie meilleure. Il vaudrait mieux s'attaquer aux problèmes plus urgents que sont le chômage et l'emploi précaire. Acceptons qu'il-y-aient diverses communautés dans notre pays qui est 1 seule communauté; sans toutefois tomber dans le communautarisme et le fanatisme religieux... À l'heure actuelle, tous les pays du monde sont pluri-ethniques et multiculturels. C'est une illusion de croire qu'il puisse en être autrement !
Rédigé par : Simon | 20 novembre 2005 à 20:10