En février dernier, la Fédération Royaliste de Provence, branche locale de l’Action française, m’invitait à participer à une grande réunion intitulée « Regards de royalistes sur l’économie » qui ne dura pas moins de quatre heures, avec les interventions d’Antoine de Crémiers et de Marc Desgorces-Roumilhac, dans le cadre magnifique d’Aix-en-Provence. De cette réunion, riche en idées, arguments et débats, sont déjà sortis quelques extraits et des vidéos, avant la publication d’une forte brochure qui sera disponible à la mi-juin aux « 3èmes rencontres royalistes du Midi Blanc » et qui reprendra tous les éléments de cette journée du 22 février dernier. En attendant cette publication, je livre aux lecteurs de ce site le compte-rendu légèrement augmenté de ma propre intervention, en plusieurs parties : au-delà de la lecture qui en sera faite, je souhaite que cette série d’articles suscite la discussion, franche et courtoise, celle qui doit permettre d’avancer dans la réflexion pour mieux préparer la nécessaire action royaliste sur le terrain économique et social.
Post-scriptum : j’ai largement gardé la forme parlée de mon intervention, ce qui peut expliquer l’usage de certaines figures de style et un rythme un peu différent de mes textes habituels.
Les royalistes n’ont jamais été indifférents à la question sociale. Parfois, ils ne l’ont peut-être pas traitée autant qu’il aurait fallu le faire, mais il y a toujours eu cette interrogation sur les moyens d’y répondre. Ce sont d’ailleurs souvent les princes qui ont donné l’exemple et je me réfère régulièrement depuis quelques temps à Louis XVI parce que ce roi que nous voyons souvent sous un angle simplement historique ou sous la figure de martyr de la Révolution est aussi un homme qui met en avant la justice sociale, dont il a inventé la formule en 1784 (1). Ce n’est pas négligeable que ce soit aussi lui qui ait recréé les corporations après leur destruction par Turgot, représentant contemporain du libéralisme économique français. Dans son explication du rétablissement des corporations, le roi évoque le bien des travailleurs, le bien des ouvriers, ce qui ne me semble pas totalement anodin.
Je pourrai citer beaucoup d’autres exemples pour illustrer son intérêt pour la condition sociale, y compris pour les plus défavorisés. N’oublions pas que c’est Louis XVI qui va engager 1% du budget de l’État, en 1784, pour lutter contre les conséquences de la grande froidure liée à l’éruption du volcan Laki en Islande qui avait eu des conséquences sur la météorologie, en provoquant un grand froid. La prompte et forte réaction du roi lui avait valu le surnom de Louis le Bienfaisant.
Mais il s’est heurté à un certain nombre d’oppositions, particulièrement celles des privilégiés, et la bourgeoisie a vu aussi là tout l’intérêt de déstabiliser un Ancien régime (la formule n’existait d’ailleurs pas à l’époque), une monarchie qui avait et gardait quelques préventions à l’égard de l’argent, même quand elle en manquait cruellement... Certains se souvenaient, qu’ils soient nobles ou bourgeois ou banquiers, que son prédécesseur du siècle précédent Louis XIV était un roi qui n’avait pas hésité à faire arrêter, enfermer, embastiller l’homme le plus riche de France, celui qui pensait que l’argent pouvait lui permettre de monter encore plus haut (ce n’est pas pour rien qu’il avait un écureuil comme symbole), l’ancien surintendant des Finances, le dénommé Nicolas Fouquet.
Il y a quelques années, en 2007, quand le Président Sarkozy avait été élu, il avait fêté cela au… Fouquet’s ! On avait l’impression que, d’une certaine manière, l’histoire se rejouait et que la République c’était la revanche des Fouquet par rapport, justement, au roi, à son État et aux populations du royaume. Mais la France reste toujours un royaume, même si elle est en république…
(à suivre)
Notes : (1) : C’est en décembre 1784 dans L’esprit des journaux qu’est mentionné ce propos du roi Louis XVI qui évoque, pour la première fois en tant que telle la justice sociale : « Qu’est-ce donc que ces petits aristocrates qui, s’affiliant par de ridicules fables aux anciens dévastateurs de l’Europe, n’ont de titre réel que l’insolente barbarie ; qui, rampant autour du trône qu’ils voulurent détruire, s’avisent de conserver des simulacres de souveraineté, et veulent y avoir des esclaves, tandis que le monarque met sa principale gloire à commander une nation libre et généreuse ? (…) Si l’abus ne se couvre jamais (ndlr : nous dirions désormais « qui ne peut jamais être accepté »…), c’est sans doute lorsqu’il s’agit des droits sacrés de l’humanité, du trône et de la justice sociale ».