Au mois de juin dernier, lors de la campagne électorale des législatives anticipées, j’ai eu l’occasion d’échanger quelques mots avec celui qui était encore, pour quelques semaines, ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire. Mon propos était simple, et forcément court, au sortir d’une terrasse de café : « Monsieur le ministre, réarmer c’est réindustrialiser ! », ce dont il convint d’autant plus aisément qu’il était venu soutenir un député lui-même particulièrement attaché à la réindustrialisation du pays et soucieux de renforcer la Défense nationale, une double préoccupation qui peut transcender les différences partisanes. Les événements des derniers jours et la panique qui paraît avoir saisi les pays européens après l’entrevue houleuse de la Maison Blanche entre l’actuel locataire des lieux et le président ukrainien Zelensky, peuvent valider un peu plus cette formule qui devrait, en fait, devenir un véritable mantra maurrassien de l’Etat français pour la prochaine décennie : « Armons, armons, armons », s’époumonait en vain Maurras dans les années 1930, et il nous faut, me semble-t-il, le reprendre sans hésiter ! Encore faut-il le faire avec nos propres armements et… munitions, ces dernières étant trop souvent produites à l’étranger, ce qui n’est pas très logique si l’on veut une défense indépendante et souveraine. Réarmer, c’est bien réindustrialiser, refaire d’abord une industrie de défense capable de fournir tous les matériels nécessaires et possibles à nos armées : ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui, et il est tout de même agaçant d’apprendre que nos aéronefs ne peuvent décoller d’un porte-avions français sans un système de catapultage états-unien… Sans doute est-il temps d’accélérer les travaux de recherche et d’innovation militaires, de mobiliser nos ingénieurs et nos entreprises (même non-militaires) autour de ces objectifs d’indépendance technologique et industrielle. Le temps presse…
Or, malgré les périls géopolitiques (et pas seulement en Europe, la guerre en Ukraine ayant tendance à nous faire oublier les nombreuses autres zones de conflits potentiels, de l’Indopacifique à la Méditerranée, terriblement proche de nous), certains dénoncent déjà ce réarmement qu’ils imaginent comme un prélude à une guerre simplement voulue par les marchands de canons, et ils scandent, en répétition d’un slogan d’après-Mai 68 : « Des crayons, pas des canons ! ». Oublieux de l’histoire et de cette maxime latine « Si vis pacem, para bellum (1) », malheureusement peu démentie par les deux millénaires qui ont suivi sa première formulation romaine, ces pacifistes n’ont pas conscience que, d’une part, les deux, crayons et canons, ne sont pas incompatibles, et que d’autre part, sans les canons pour les préserver, les crayons risqueraient bien de devenir inutiles ou considérés comme dangereux par d’éventuels occupants. Doit-on rappeler les conditions terribles de la dernière Occupation qui vit tant de plumes françaises disparaître dans la fournaise, dans l’horreur, parfois aussi dans le déshonneur, quand d’autres élevèrent au plus haut les couleurs d’une liberté française à reprendre, à reconquérir, mais au prix de douleurs et de sacrifices terribles tout autant que nécessaires ? Le mieux, pour la France et ses peuples, c’est d’éviter la défaite et l’occupation, et, autant que faire se peut, la guerre elle-même. Mais, pour cela, encore faut-il disposer des moyens de dissuader l’attaque sur notre territoire… Et, si on peut légitimement le regretter, les crayons, même les mieux taillés du monde, n’y ont jamais suffi et n’y suffiront jamais !
Notes : (1) : Traduction : Si tu veux la paix, prépare la guerre !