Depuis quelques jours, la Sorbonne et les rues avoisinantes sont le théatre d'affrontements de plus en plus violents, entre divers manifestants ou contre-manifestants et forces de l'ordre : une certaine confusion règne, et flotte dans l'air une forte odeur de gaz lacrymogènes...
Car la Sorbonne, qui semble désormais concentrer tous les regards, est devenu le point de fixation de l'agitation mais aussi des violences désormais quotidiennes : j'ai déjà évoqué les livres brûlés dans la cour même de l'université, et je viens de lire que les dégâts de l'occupation de la semaine dernière s'éleveraient à 1 million d'euros, ce qui n'est pas rien et laisse deviner l'ampleur des dépradations. Cela ne présage rien de bon en cas de durcissement du conflit ou de nouvelle occupation de la Sorbonne...
Ainsi, comme dans les années 1900, 1930 ou 1968, la Sorbonne est redevenue le symbole "où tout se joue", ou plutôt, où tout semble se jouer, car les enjeux sont sans doute ailleurs. Mais, dans l'imaginaire français, et pas seulement celui des étudiants, "la Sorbonne, c'est l'université française"... On comprend mieux qu'elle soit l'objet de toutes les "attentions", et les médias, comme les groupes étudiants qui s'y affrontent, en amplifient la valeur symbolique.
Mais, au-delà des événements du jour, la Sorbonne, c'est aussi le symbole de ce que l'on nommait en 1900 "l'Intelligence": c'est par ce symbole-là, sans doute, qu'il faudra reprendre ce grand travail de conquête des esprits sans laquelle aucune "réforme intellectuelle et morale", selon le mot de Renan, n'est possible. Or, c'est bien celle-là qui, aujourd'hui, est le préalable obligatoire à toute autre réforme politique. "Royaliser le pays" ? "Commençons par la Sorbonne", disait Maurras à l'aube du XXe siècle...
Cela me rappelle un souvenir extra ordinaire d'un cours sur le nationalisme à la fin du XIXe siècle, un amphi entier avait ri à l'idée qu'un groupe maurassien ait pu prétendre être "le parti de l'intelligence"!
Rédigé par : l\\\'homme dans la lune | 17 mars 2006 à 08:30
Et pourtant! Il suffit de relire les textes de cette époque, et cela est encore plus vrai si l'on lit les débats entre les intellectuels de l'époque. Ce qui ne veut pas dire que tout soit forcèment compréhensible pour des étudiants d'aujourd'hui baignés dans d'autres influences et pensées. Il est un livre intéressant sur lequel je ferai une note prochaine qui évoque certains de ces débats, et aussi les ambiguïtés de l'école maurrassienne: c'est le livre de François Huguenin, "le conservatisme impossible-libéraux et réactionnaires en France depuis 1789" (éd. La Table Ronde). Le journal "Royaliste" en a d'ailleurs fait une critique très intéressante dans son dernier numéro (877, 6-19 mars 2006).
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 17 mars 2006 à 18:11