Il y a quelques années, je lisais "L'idiot international", le journal de Jean-Edern Hallier, qui était un véritable brûlot, parfois injuste, mais toujours non-conforme aux canons de la bien-pensance, ce qui me ravissait. Mais c'est dans la revue d'inspiration royaliste "Immédiatement", dans les années 2000-2003, que j'ai lu le plus souvent Philippe Muray dont j'avais déjà remarqué les articles incisifs, quelques années auparavant, dans le journal précédemment cité.
Ce "nouveau réactionnaire", comme l'avait qualifié Daniel Lindenberg dans son petit essai du même titre, vient de mourir d'un cancer, et la presse l'a gratifié de quelques articles discrets, voire agacés : il faut dire que Muray n'a jamais fait de cadeaux aux conformismes journalistiques, et ceux-ci ne lui ont pas pardonné son franc-parler...
Hier soir, j'ai repris ma collection (incomplète, malheureusement) de "L'idiot" et celle (complète, celle-là, et c'est tant mieux...) d'"Immédiatement" pour relire Muray et les "aventures" de son personnage-tête de turc "Festivus Festivus". Muray décrit les travers de notre société festiviste, en montrant les petites lâchetés et la grande hypocrisie ("grands principes, petite vertu", comme je le dis souvent) de notre monde occidentalisé. Voici quelques lignes de cet essayiste dont les textes ne risquent pas de se démoder avant longtemps...
"Les prétendus héritiers autoproclamés des Lumières sont aujourd'hui au pouvoir. Et on voit ce qu'ils font. Leur éloge du monde remplace le monde. Et tout ce qui s'oppose à cet éloge est criminalisé. Ceux qui interdisaient d'interdire, il y a trente ans, sont ceux qui ne cessent d'interdire tout ce qui ne va pas dans le sens de leur panégyrique. La festivisation générale se double d'une pénalisation de plus en plus féroce. C'est ce que j'ai appelé un jour l'envie du pénal. Elle ne devient répréhensible que lorsque cette envie émane de groupes considérés comme "mauvais", anti-festivistes, autrement dire réactionnaires. (...) Toutes les prétendues "phobies" aujourd'hui répertoriées et stigmatisées se ramènent à une seule : la modernophobie. Il n'y a plus d'autre crime que de ne pas être absolument moderne". Cette défiance de Muray à l'égard d'une "modernité obligatoire" n'est pas incompréhensible, surtout au regard des "nouveaux tabous" qui pèsent sur notre société. Il n'est pas anodin que Muray ait choisi de l'exprimer aussi dans une revue royaliste qui se référait à Bernanos et à l'esprit de cette phrase de Maurras, si souvent répétée et si nécessaire aujourd'hui encore : "Les libertés ne s'octroient pas, elles se prennent".
Je ne savais pas qu'il était mort...Paix à son âme, j'avais lu son essai "Céline" avec passion.
Rédigé par : mauricechoukroun | 08 mars 2006 à 16:41
Muray génie, paix à son âme. Les Lumières nous ont ammené la démocratie d'un côté et d'un autre les totalitarismes. L'antisémitisme national-socialiste était déjà dans Kant et Voltaire.
Rédigé par : Capulet | 12 mars 2006 à 01:00
Philippe Muray a tenu aussi une brillante chronique (Après l'histoire) dans La Revue des Deux Mondes.
Il nous manque déjà!
Rédigé par : Louis Quentin | 20 juillet 2006 à 16:49