Verdun fut la plus terrible des batailles de la Grande guerre et elle est restée symbolique des horreurs de ce conflit, mais aussi du patriotisme, des Français comme des Allemands. La réconciliation entre la France et l’Allemagne est désormais une réalité, et c’est tant mieux : cela n’empêche pas de reconnaître le courage des poilus et la nécessité de défendre la patrie quand elle est en danger, quelles que soient la valeur des raisons qui ont entraîné la guerre.
La commémoration de cette bataille, dimanche 25 juin, a été l’occasion pour le président de la République de rappeler la valeur du sacrifice des combattants de 1914-1918 et de louer l’unité nationale au-delà des différences religieuses, communautaires, sociales ou politiques. Je retiens quelques éléments de ce discours qui me semblent fort intéressant : « Durant cette interminable année 1916, toute la France était à Verdun, et Verdun était devenu toute la France. (
) C’était la France, dans sa diversité. (
) Le citadin et le paysan. L’aristocrate et l’ouvrier. L’instituteur et le curé. Le républicain et le monarchiste. Celui qui croit au ciel et celui qui n’y croit pas. (
) Ces hommes se battaient pour leur terre, ils se battaient pour leurs valeurs ». Cette dernière phrase n’est pas anodine et elle prend le contre-pied d’une idée trop souvent, et à tort, répandue : celle qui consiste à ne voir que « la République » au combat et oublie que les motivations des combattants étaient d’abord patriotiques avant que d’être politiques. J’ai été très marqué, il y a une dizaine d’années, par la lecture de « Tombeaux » qui regroupe des articles nécrologiques publiés par Maurras dans « L’Action française » et qui est un véritable mémorial de ces royalistes qui n’ont pas hésité, République ou pas, à répondre à l’Union sacrée et à l’appel de la patrie : toute la jeune génération du néo-royalisme des années 1910 a été fauchée, dont Henri Lagrange, l’un des plus brillants esprits du Quartier latin, mort à 20 ans en 1915, ou Henry Cellerier, dont le corps n’a jamais été retrouvé, auteur d’un livre « La Politique fédéraliste » dont les nombreuses pages blanches témoignent du passage de la censure.
Ces jeunes soldats ne sont pas morts pour la République, qu’ils combattaient dans le civil, mais pour la France, au-delà des institutions elles-mêmes : leur attachement à la patrie n’était pas idéologique mais « charnel » et historique. Ils savaient que la France vaincue, c’est la pire des épreuves, c’est l’occupation, la fin de la liberté. C’est ce sentiment que Maurras résumait par cette formule simple : « De toutes les libertés humaines, la plus précieuse est l’indépendance de la patrie ». C’est elle, en effet, qui garantit et permet les autres, même si elle n’en est pas la seule condition. On a pu, d’ailleurs, le constater dans la guerre suivante où la défaite a entraîné cette Occupation de quatre ans dont notre pays n’a pas encore réussi à faire le deuil, en particulier sur le plan de l’Histoire et de la mémoire
Verdun est, au-delà de la gloire et de l’héroïsme, tous deux indéniables et sans doute sauveurs en cette occasion, une page terrible de notre Histoire : il serait dommage d’en oublier les leçons, car cet oubli porterait en lui les possibilités de revivre des drames analogues, par imprudence ou lâcheté.
Là encore, la nostalgie serait mauvaise conseillère, mais le souvenir, lui, est source de réflexion. Quant à la commémoration, elle est aussi un acte, non d’humiliation du perdant, mais de remerciement pour ceux qui ont permis à notre pays de continuer à vivre, malgré tout.
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