La crise du printemps autour du CPE a suscité de multiples réactions, dont certaines ne vont pas forcément dans le sens du « politiquement correct » actuel : c’est le cas du livre du président de l’Université de la Sorbonne, Jean-Robert Pitte, qui titre : « Jeunes, on vous ment ! » et sous-titre « Reconstruire l’Université ».
J’ai lu cet essai en quelques heures, presque sans lever les yeux. Le bilan que trace M. Pitte de la crise récente et de la situation de l’enseignement supérieur en France n’est pas très joyeux, loin de là, mais l’auteur évoque aussi les solutions qui lui semblent nécessaires à mettre en uvre pour sortir l’Université de l’ornière de l’échec dans laquelle elle est embourbée, principalement par la faute des politiques peu courageux et plus soucieux de leur avenir politique que de celui de l’enseignement supérieur et de ses jeunes usagers.
En fait, dans ce livre, j’ai retrouvé des soucis et des propositions que j’évoquais déjà il y a vingt ans, en particulier au moment du débat, qui a tourné court à l’automne 1986, autour du projet de réforme d’Alain Devaquet. Que de temps perdu, en ce domaine comme en d’autres ! Aucun gouvernement n’a eu le courage de mettre en place, non une réformette, mais une véritable réforme digne de ce nom. Il y a bien eu quelques avancées dans l’autonomie des universités, mais encore trop timides pour être vraiment efficaces et crédibles. Mais aucun gouvernement, en vingt ans, n’a osé braver les idées reçues et les syndicats étudiants, souvent « conservatistes » et trop démagogues pour accepter toute « révolution », ou tout simplement changement notable, dans l’enseignement supérieur.
Je relis quelques tracts que j’avais rédigés il y a vingt ans et je m’aperçois que j’avais plutôt vu juste : Pitte confirme certains de mes propos d’alors, preuve que peu de choses, malheureusement, ont changé
Je proposais (et c’est toujours valable pour aujourd’hui, s’il y a un gouvernement assez « téméraire » pour l’imposer) l’autonomie la plus large possible des établissements universitaires, y compris dans le recrutement des personnels et dans la recherche de financements (je parlais alors de « pluri-financement », idée qu’évoque aussi Pitte), avec la participation des collectivités locales et des acteurs socio-professionnels locaux, et celle de l’Etat pour éviter les déséquilibres et les injustices : c’est l’application des principes de subsidiarité et de « péréquation ». D’autre part, mettre en place une véritable sélection-orientation, juste et adaptée aux aptitudes des étudiants et aux nécessités professionnelles du pays.
Ces quelques règles simples ne seraient pas inutiles pour rendre à notre pays sa vocation intellectuelle : la « matière grise » est, à mon avis, notre principale richesse, et il est insensé de la négliger en ces temps de globalisation. Le livre de Jean-Robert Pitte nous le rappelle avec raison : il faut souhaiter que ce message soit entendu par l’Etat et ses serviteurs.
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