L’année scolaire se termine ces jours-ci et, les unes après les autres, les classes vivent leurs dernières heures de cours. Les Premières sont déjà partis en révision depuis mardi soir et les Secondes attendent avec impatience leur tour de plier bagage
Mes dernières heures de Première étaient consacrées aux totalitarismes et à la Seconde guerre mondiale : au-delà des aspects événementiels ou des explications classiques sur les doctrines et les pratiques des totalitarismes, ma réflexion portait sur les « logiques totalitaires » et je la nourrissais des actes du colloque dirigé par Stéphane Courtois sur ce sujet en 2004. Dans ce livre passionnant qui reprend les interventions des universitaires participants, je retrouvais une évocation de cet ouvrage, souvent cité mais pas encore (à ma connaissance) réédité, et dont la lecture m’a beaucoup marqué : « Les origines de la démocratie totalitaire », de J. Talmon. En somme, l’idée principale de ces interventions, c’est que les sources des totalitarismes sont aussi à rechercher dans le Siècle des Lumières et dans la Révolution française, ce qui rejoint la phrase terrible de l’écrivain juif Israël Eldad : « La dernière pierre que l’on arracha à la Bastille servit de première pierre aux chambres à gaz d’Auschwitz »
Cela veut-il dire que la Révolution ne pouvait mener « qu’aux » totalitarismes ? Sans doute non, et il faudra un jour relire attentivement les textes (articles, livres et discours) des monarchiens de 1789, ceux-là même que Maurras détestait au dessus de tout car il leur reprochait leur libéralisme et cette « acceptation (renoncement ?) des idées du siècle » qui allaient, en définitive, emporter la Monarchie et ses partisans. Bien sûr, l’idée que pour éviter 1793, il faut d’abord empêcher 1789 n’est pas fausse en soi, mais se contenter de cette analyse me semble quand même un peu court. Je ne veux pas méconnaître les efforts de certains monarchistes constitutionnels pour « réformer sans effondrer », efforts vains mais qui n’étaient pas forcément condamnés dès l’origine, quoiqu’on en dise.
Ce qui est sûr, et c’est ce que j’explique aux élèves de Seconde, c’est que la Révolution va initier certaines idées et pratiques qui seront réutilisées, tragiquement et parfois beaucoup plus efficacement (les technologies nouvelles y aidant), par les régimes totalitaires : la 1ère République n’a pas été « un long fleuve tranquille » mais bien plutôt une tragédie shakespearienne qui a vu la Révolution manger ses propres enfants, et bien d’autres
Cela n’a pas empêché la ferveur et l’espérance, qui sont indéniables chez les « purs révolutionnaires » eux-mêmes, persuadés qu’ils étaient de fonder un monde meilleur, voire un « homme meilleur », et mieux encore, un « homme nouveau », utopie roussienne (c’est l’adjectif que Maurras pour évoquer les idées issues de Jean-Jacques Rousseau) qui négligeait la simple humilité devant les réalités humaines. Or, ce n’est pas en niant ces dernières que l’on peut agir sur le concret et, même, les faire évoluer, mais en les reconnaissant, suivant la formule de Bacon : « on ne commande à la nature qu’en lui obéissant ».
J’ai évidemment signalé à mes élèves qu’on ne pouvait confondre, malgré l’homonymie, la 1ère République avec la Cinquième du nom, considérée par Patrick Devedjian comme « la plus monarchique qui soit en Europe » comme il me le disait à Sceaux lors de la campagne de septembre 2005. « Trop monarchique », insistait-il
Pas assez royale à mon goût, bien sûr
Mais, en tout cas, cette République actuelle a au moins abandonné les mauvaises habitudes prises par la Terreur (entre autres, mais est-elle seule coupable ? Pas certain
). Ce qui ne l’empêche pas d’agir, tout aussi dangereusement à mon sens, contre les libertés humaines et les liens de sociabilité par l’utilisation de nouvelles techniques de contrôle et de « prévention » (biométrie, par exemple) et par un encadrement scolaire et médiatique qui n’est pas la meilleure garantie, ni pour l’épanouissement des intelligences ni pour la liberté de l’esprit.
En faisant ces derniers cours, qui ne sont pas les moins intéressants (je veux parler des thèmes abordés), j’essaye aussi de montrer à mes élèves que l’Histoire n’est pas seulement une évocation du passé mais qu’elle a vocation à « faire réfléchir » et à permettre de « penser aujourd’hui le passé pour assurer l’avenir ». Quant à la liberté de l’esprit et la curiosité, elles me semblent les meilleures qualités pour aborder l’Histoire, et pas seulement cette matière, et pas seulement dans le cadre scolaire
L'histoire est transpercé par l"invisible Soif ...
Rédigé par : tank | 07 juin 2007 à 07:49
La question de savoir si le corpus doctrinal maurrassien est un bon antidote aux tentations totalitaires est, entre parenthèses intéressantes, au regard des destinées diverses des miliatnts et penseurs des années 20 ou 30... J'aimerai penser que oui et que ceux qui se sont fourvoyés ont été victimes de n'avoir pas été assez maurrassiens. Mais en même temps, le comportement du principal intéressé en 40 ne plaide pas en faveur de cette thèse... Qu'en penses-tu JP?
Rédigé par : yffic | 07 juin 2007 à 22:52
Il me semble que les écrits de Maurras parlent d'eux-mêmes. Ils montrent bien pourquoi Maurras a rejoint la collaboration et donc a trempé dans la Shoah. Je ne sais plus quel historien disait de Maurras (sans être communiste, ou juif, ou franc-maçon, personnages detestés depuis l'origine par l'A.F.)que s'il avait rejoint "les antisémites, c'était bien entendu par collusion de leurs objectifs, Maurras étant l'un des plus antisémites des hommes politiques de la fin de la 3eme". Effectivement, on connait les dramatiques propos sur Léon Blum, par Maurras ou encore Daudet. Dieu merci, personne n'est plus maurrasien, car se conformer aux thèses de Maurras, c'est aussi accepter le terme de "rebus de l'hummanité", "bêtes immondes" pour les juifs. Quand au corps doctrinal de Maurras, il est complètement dépassé et ne peut plus être applicable maintenant : s'il n'est pas totalitaire, car on ne peut qualifier la Monarchie Française de totalitaire, il est franchement réactionnaire, autoritariste, intolérant, rasciste, antisémite et j'en passe....
Rédigé par : CAM.A.R. | 08 juin 2007 à 09:31
J'ai déjà dit mille fois ce que je devais à Maurras et je ne renie rien là dessus: les propos de CAM.A.R. me semblent plus qu'excessifs (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas du vrai dans ce qu'il dit) et, parfois, injustes. Pour ce qui en est de son attitude durant la guerre, encore faudrait-il rappeler qu'il fut avec ses compagnons de l'AF le premier à dénoncer ce qui se passit Outre-Rhin, et il n'a pas attendu janvier 1933 pour prévenir du danger hitlérien. Il suffit de relire les collections de l'Action Française pour s'en rendre compte...
Il aurait été juste d'écouter Maurras et Bainville quand il était encore possible d'empêcher le pire... Cela aurait évité la suite, c'est-à-dire le pire, ce dont convenait d'ailleurs De Gaulle.
Quant à l'antisémitisme de Maurras qui n'était pas celui d'un Hitler (ce qui explique la fascination de certains intellectuels juifs à l'égard de Maurras, comme Daniel Halévy ou, dans les années 70, Jean Bennat), j'ai là aussi dit mille fois ce qu'il m'inspirait, en mal... Mais je reste persuadé, comme de Gaulle, Mauriac ou même Mitterrand (pas vraiment ou pas seulement des "réactionnaires", me semble-t-il), que cela n'était pas le plus marquant chez Maurras. Il est d'ailleurs significatif que Maurras vient d'être réédité en livre de poche et qu'il est annoncé une possibilité d'une réédition de ses principales oeuvres dans une collection de type "quarto" ou "bouquins": s'il n'était "qu'un" antisémite, cela n'aurait aucun intérêt et serait même détestable. Mais il n'est pas que cela: à ce titre, je conseille la lecture des quelques pages sur le livre "Kiel et Tanger" de Maurras dans l'ouvrage d'Aymeric Chauprade "Géopoitique: constantes et changements dans l'histoire".
Pour éviter tout malentendu, je rappelle que je ne suis pas maurrassien mais que je suis d'abord royaliste, et que je suis en grande partie devenu royaliste GRACE à Maurras (mais pas seulement grâce à lui: Bertrand de Jouvenel a aussi joué un rôle là-dedans), mais que je le suis resté MALGRE lui... Je reste persuadé, cela étant, que de nombreuses pages et idées de Maurras restent très lisibles et actuelles. Il faut séparer le grain de l'ivraie, mais il ne faut pas tout confondre: d'ailleurs, reproche-t-on à ceux qui lisent Aristote d'être des partisans de l'esclavage ou à ceux qui lisent Voltaire d'être, comme lui, antisémites ou "compréhensifs" envers son mépris à l'égard des Africains ?
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 08 juin 2007 à 12:19
Désolé pour les quelques coquilles du commentaire précédent: le titre exact du livre de Chauprade est: "Géopolitique: constantes et changements dans l'histoire". (éditions ellipses).
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 08 juin 2007 à 12:24
L'oeuvre de Maurras se résume à sa dimension antisémite, réactionnaire, raciste, etc.
Prendre position contre la loi veille trahit la volonté de renouer avec le moyen-âge.
"On ne peut être de gauche sans respecter l'humain"
Euh, c'est pour un concours, y a quelque chose à gagner? Faut me dire parce que je veux participer, je peux être bon à ce jeu là!
Rédigé par : Pentagramme | 08 juin 2007 à 22:55
Comme tu deformes bien mes propos !
Rédigé par : CAM.A.R. | 09 juin 2007 à 18:19
Il est impressionant de constater que de jeunes gens j'entends par là des mineurs se tapent dessus pour des questions politiques : nous sommes jeunes et intelligents, pourquoi se goinfrer dans toute la bêtise politique? Carpe diem disait Horace, ne pensez pas aux générations futures, amusez-vous, profitez de la vie !
Rédigé par : Charles | 11 juin 2007 à 18:56
Je ne crois pas que notre république ait abandonner la terreur. Changement de mode de scrutin quand elle se sent menacer. VOlonté de détruire le peuple francais par metissage, déshumanisation, comme les vendéens des patriotes... Certes, il n'a plus la guillotine, mais le fond y reste.
Rédigé par : partisan blanc | 12 juin 2007 à 17:42