Dans un entretien paru dans le quotidien « La Croix » lundi 14 janvier, Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, tient quelques propos tout à fait censés sur ce que l’on nomme, de façon parfois abusive ou déplacée, « les banlieues ». Connaissant assez bien la question pour avoir travaillé aux Mureaux durant presque dix ans, j’écoute avec attention ce ministre quand elle dit que « depuis des années, nous nous enfonçons dans l’erreur d’enfermer les « quartiers » dans une identité stigmatisante. Or, la ville n’est pas l’addition de quartiers mais un sentiment d’appartenance à un territoire fondé sur des solidarités humaines. La logique des « zones » à la base de toutes nos politiques d’aides a dressé des frontières entre les paysages urbains. Ce système a ghettoïsé des territoires. On enferme des populations dans le regard que l’on porte sur elles. Aujourd’hui, il s’agit de rompre avec cette logique, de décloisonner, de faire exploser les frontières ». Ce n’est effectivement pas faux mais il faudrait tout de même souligner que ces quartiers réputés difficiles se sont, au-delà même d’un processus d’exclusion sociale de la part de la ville-centre ou des pouvoirs publics, marginalisés par la revendication d’une « identité de quartier » destinée en fait dans un certain nombre de cas à pallier au manque de repères de populations souvent déracinées ou « communautarisées » par ceux qui y trouvent là un moyen de contrôler des zones urbaines de plus en plus abandonnées par les services publics, émeutes ou pas…
L’erreur a été, surtout, de parquer dans des quartiers périphériques et « cloisonnés » des populations à la fois laborieuses et considérées (à travers leurs enfants turbulents et totalement intégrés, non à la « communauté de destin » française, mais à la société de consommation et d’individualisme de masse) comme des « classes dangereuses » : en organisant l’entassement, principalement vertical (les « tours » et les « barres »), des nouveaux arrivants qui, pour beaucoup, étaient alors condamnés à ne connaître de la France que le béton et l’image que la société du spectacle en donnait par la télévision, on préparait alors toutes les explosions futures.
Repenser la ville est certes nécessaire mais cela ne peut se faire qu’en s’inscrivant dans la durée et non dans le court terme permanent : « décloisonner » des quartiers pour mieux les intégrer à la ville ne se fera pas en un jour, car ce sont aussi des esprits qu’il faut décloisonner, en particulier dans ces cités aujourd’hui « hors du droit » qui ont pris l’habitude d’une indépendance de fait et qui ne supportent plus la présence « d’autrui » ni celle des « uniformes », de pompiers comme de policiers…
Or, le temps démocratique qui rythme les décisions politiques ministérielles reste trop court et trop aléatoire, ce qui explique les échecs de multiples initiatives gouvernementales ces dernières décennies. L’idée d’une sorte de Conseil supérieur de la Ville (qui ne peut se concevoir qu’avec une nouvelle et dynamique politique d’aménagement du territoire) qui ne dépendrait pas des variations électorales, aurait un mandat précis (mais assez souple pour éviter la paralysie) et travaillerait avec les municipalités, pourrait bien être posée à nouveau ces temps prochains. Et, effectivement, cela romprait avec la tradition (toute républicaine et si peu efficace) des plans à répétition qui se succèdent avant même que le précédent soit enterré…
Certes, de nombreuses tentatives échouent mais les projets sont parfois farfelus: vouloir élever certains bâtiments pour créer plus de place relève d'une telle betise. Cela est d'autant plus incroyable que ce propos vient de la ministre du logement en personne... On ne sait vraiment plus quoi inventer.
Rédigé par : jioup | 17 janvier 2008 à 20:34