L’affaire de la Société Générale est plus simplement l’affaire des dérives d’un capitalisme qui s’enivre de ses propres principes, au point de risquer le coma éthylique. Cette course au profit, à l’argent et à son accumulation entre les mains de quelques uns (aussi honorables soient-ils par ailleurs), tout cela n’est pas sain quand cela tourne au « systématique » et à une forme de darwinisme économique et social peu compatible avec les notions de justice et de solidarité.
Ce qui m’agace particulièrement, c’est cette curée médiatique contre le « trader » Jérôme Kerviel, désigné comme un « fou » ou un « terroriste » par le président de la Société Générale, Daniel Bouton, aujourd’hui lui-même sur la sellette. Je n’aime pas cette ambiance de lynchage qui méconnaît les droits de la défense et la dignité de la personne, et qui tend à faire diversion pour éviter des questions sur la gestion même de la banque et de ses activités boursières.
Ce qui me surprend (un peu seulement, au regard des tendances actuelles de nos sociétés), c’est l’absence de réaction des Français, si ce n’est au comptoir des cafés : pas de manifestation de colère dans les rues ou devant le siège de la Société Générale ; pas de banderoles vengeresses demandant des comptes à la direction ou dénonçant le gâchis financier de plusieurs milliards d’euros à l’heure où des millions de gens vivent avec moins de 1 000 euros par mois ; et, enfin, de timides déclarations des politiques apparemment impuissants devant les jeux d’une économie de Marché qui refuse tout contrôle des Etats et toute « contrainte » politique…
Il est un temps, pas si lointain, où une telle affaire aurait jeté des foules, souvent constituées de militants contestataires ou populistes, de citoyens contribuables furieux ou d’actionnaires floués, dans la rue. Ici, rien, si ce n’est un sentiment diffus de résignation et, parfois, de mépris…
En tout cas, il faudra bien réfléchir dans les temps qui viennent à une nouvelle organisation des rapports entre politique et économique, sinon la révolte qui monte dans les populations frustrées de ne pas participer au banquet risque d’être terrible et pas forcément juste, d’ailleurs : la BCE, par exemple, qui ne cesse de dénoncer les hausses de salaires dans les pays de la zone euro, pourrait bien l’apprendre à ses dépens, tout comme l’actuel gouvernement piégé par une situation qu’il a du mal à maîtriser. Cela ne doit pas empêcher, même si les événements ne sont guère propices à ce genre de réflexion, de penser aussi à un autre mode de vie et de consommation, plus économe des ressources de la nature. « Consommer moins et mieux », pourrait-on résumer… Il faut bien reconnaître que cette double réflexion (qui peut paraître paradoxale) sur le pouvoir d’achat et la nécessaire sobriété à l’égard de l’environnement n’est guère aisée et qu’elle ne pourra se concrétiser qu’à travers un Etat politique, en France, qui aura des reins sacrément solides et des racines profondes…
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