La République donne aujourd’hui l’impression d’être un bateau ivre : polémiques entre ministres, décisions hâtives et maladroites, rappels à l’ordre présidentiels peu suivis d’effets, etc. Au moment même où il faudrait à notre pays une direction ferme pour affronter les courants et les tumultes d’une mondialisation qui n’est même plus heureuse, il n’y a plus d’Etat, juste un « semble-Etat » (selon l’expression de Pierre Boutang) qui parade et communique à défaut de gouverner.
La salle des profs et les cafés, ces deux lieux dans lesquels je passe la majeure partie de mes temps de « loisirs », bruissent des inquiétudes d’une population de plus en plus désemparée devant les atermoiements et les maladresses (voire pire… ; les mots employés par mes collègues sont plus rudes…) gouvernementaux : pataquès autour des réductions « familles nombreuses » à la SNCF ; allocations familiales dévaluées ; vote d’une loi OGM controversée ; etc. Lors d’une discussion autour de la cafetière, juste avant de retrouver mes élèves, je lâche : « Tout compte fait, je suis heureux de ne pas être républicain : cela m’évite sûrement de désespérer… ». Quelques sourires las accueillent cette déclaration matinale et des hochements de tête discrets justifient mes propos. Cela suffit-il pour faire de ces Français qui désespèrent, ou se résignent à la République, des monarchistes ? Bien sûr que non, et j’en suis conscient. Mais je peux constater que la République, « si belle sous l’Empire », n’a plus la côte, qu’elle n’inspire guère de compassion et que nombre de mes collègues s’agacent de la voir invoquée rituellement à tout propos par ceux-là même qui ne cherchent à conquérir l’Etat que pour en tirer gloire et prébendes avant que de trahir ceux qui se sont enflammés pour eux, le temps d’une élection.
Ce qui énerve aussi, c’est le décalage entre les discours officiels du « pays légal » et la situation vécue du « pays réel », et les tentatives gouvernementales pour éviter toute remise en cause de ce credo européen et libéral qui sert à tout justifier, y compris ce qui n’est ni logique ni juste. C’est une colère, pour l’instant sourde, qui traverse la société et dont il n’est pas certain qu’elle éclate de façon seulement contrôlée… Certaines de ses raisons ne sont pas justifiées, sans doute, mais elles se retrouvent toutes mélangées dans un malaise grandissant, sans toujours laisser la place à une réflexion constructive.
De mon côté, j’essaye aussi de proposer plutôt que de me contenter d’une critique facile et si populaire qu’elle en devient une carte de visite obligatoire. La force du royalisme contemporain est de poser la double question du politique et de l’Etat, et de l’inscrire dans un rapport, non pas à l’Opinion ou à la « dictature de l’instant », mais à la longue durée nécessaire à toute fondation et à tout renouvellement ordonné. Au lieu des atermoiements actuels, cela permet de poser les bases d’une politique « durable » et qui ne se contente pas de détruire ce qui est en laissant faire le « Marché » ou les « événements », comme c’est le cas aujourd’hui : c’est la reconquête par le politique de la « décision » et non le « fatalisme » du « qu’y peut-on ? ».
Cela ouvre des perspectives plus larges que celles que la République, empêtrées dans ses contradictions et dans une logique seulement comptable, peut proposer et mettre en place.
Je vais profiter des vacances qui commencent pour essayer de le prouver en présentant quelques pistes de réflexion sur différents débats institutionnels et sociaux. En somme, une ébauche de « plate-forme royaliste de propositions »…
(à suivre).
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