« Comme l’on n’a pas coutume de prêcher la santé aux gens qui se portent bien, l’on peut affirmer que les périodes où l’on prêche la paix et l’union des peuples sont celles précisément où les dits peuples se replient sur eux-mêmes et où les menaces de guerre et les rivalités se voient sans lunettes. (…)
Les Etats unis d’Europe ne sont pas pour demain mais on peut parier qu’ils serviront de prétexte à de nouveaux sacrifices que les Français seront pressés, non de consentir car leur avis ne sera pas demandé, mais de saluer d’enthousiastes approbations : simple question de presse. Et ce qui inquiète c’est que le mot d’ordre officiel est de minimiser l’idée de patrie au profit des ententes internationales, comme s’il y avait opposition formelle entre un patriotisme vigoureux et le goût de la paix. Signe des temps ! l’on a peine à voir, sous la conduite de pasteurs respectables, ordinairement plus avisés, une partie de la plus saine portion du peuple français, s’attacher à de telles billevesées. Il n’est pas besoin d’être prophète pour avoir la certitude que cela finira mal. (…)
Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que la démocratie universelle rendrait plus rigoureux encore l’esclavage de l’humanité. Servir anonymement des maîtres anonymes manieurs d’argent, sans aucun recours ni moyen de défense, tel serait le sort peu enviable préparé à l’immense multitude. Et, de même que dans le cadre national, la seule garantie des citoyens est d’appartenir à des sociétés naturelles bien organisées et solides : famille, région, métier, dont la nation elle-même se trouve renforcée, de même le citoyen du monde ne pourra sauvegarder son indépendance qu’à la condition de n’être pas seul en face des maîtres formidables – et anonymes, répétons-le – de la planète. Il sera donc prudent de ne pas s’écarter du vieux cadre national, aussi solidement établi que possible. En deux mots les Etats unis de l’Europe et du monde postulent, pour pouvoir se constituer sans être une effroyable régression pour la dignité humaine, des patries prospères, conscientes de ce qu’elles représentent et des intérêts qu’elles ont à faire valoir. »
On pourrait croire que ces lignes sont récentes et qu’elles évoquent, entre autres, le refus des Etats de l’Union européenne de faire voter leurs citoyens respectifs sur le nouveau traité constitutionnel européen, « dépossession » des citoyens de leur propre avis électoral, rupture affirmée entre le « pays légal » qui décide en arguant de la « démocratie représentative », et le « pays réel » qui se voit cantonné au simple choix démocratique des « partis de gouvernement »… Mais, ces lignes viennent de loin, et sont extraites d’un article du bulletin mensuel des groupes d’Action Française de la Mayenne, « Le Maine », publié à l’automne 1929. Elles restent, me semble-t-il, d’une étonnante actualité… Malheureusement, pourrait-on ajouter, car cela indique que, depuis cette année 1929, il manque toujours à la tête de l’Etat ce magistrat suprême qui ne doive rien aux oligarques, à ces « maîtres anonymes manieurs d’argent » comme l’affirme l’article, et qui puisse incarner la nation pour mieux la défendre devant les risques et les défis contemporains, en cultivant la mesure et la raison françaises… La régence du général de Gaulle, qui reprenait les méthodes de la « monarchie de guerre » du Clémenceau de 1917, n’a pas abouti à l’établissement d’une véritable Monarchie royale : on ne peut que le regretter, aujourd’hui mais moins encore que demain si la République poursuit son œuvre de désarmement politique face aux puissances du « Tout-économique »… En paraphrasant le titre du livre antisarkozyste de Sébastien Lapaque, royaliste impénitent et bernanosien éternel, « il faut qu’elle parte » !
ce n'est pas un nouveau traité
mais une modification de l'ancien!
Rédigé par : romain blachier | 07 mai 2008 à 07:29