Le mois de mai 2008 est l’occasion d’une véritable « commémoration médiatique » des événements survenus il y a 40 ans en France, à partir de l’épicentre du Quartier latin. C’est parfois un peu agaçant et les livres parus à l’occasion sont un peu trop laudateurs (dans l’ensemble) pour être vraiment convaincants : Mai 68 est devenu une sorte de sésame censé expliquer les quarante années suivantes, et une sorte de nouveau tabou qu’il serait malvenu de remettre en cause.
A cet égard, deux petites anecdotes : me promenant dimanche dernier à Paris, j’ai eu la curiosité de rentrer dans quelques librairies ouvertes du Quartier latin pour y regarder les tables d’ouvrages consacrés à Mai 68. Aucun, j’ai bien dit aucun, des nouveaux livres présentés (je me fie à leur « quatrième » de couverture, censée résumer le livre) ne remettait vraiment en cause Mai 68, ou n’en montrait le côté obscur, c’est-à-dire l’intolérance de groupes extrémistes qui, à la Sorbonne ou ailleurs, empêchaient les profs de faire cours en les traitant de « nazis » ou d’ « ours savants de la social-démocratie », et brandissaient des portraits de Staline ou de Mao, mais aussi de Lénine et de Trotsky, tandis que d’autres reprenaient, sans y réfléchir vraiment, le slogan « Il est interdit d’interdire » dont le maurrassien Gilbert Comte rappelle combien il est le slogan « ultra-libéral » par excellence, et qu’il sert tout à fait les intérêts de la « société de consommation » voulue et entretenue par ce que l’on pourrait qualifier, économiquement et idéologiquement parlant, de « fortune anonyme et vagabonde ». Autant le trentième anniversaire de Mai 68 avait vu une « réaction anti-soixante-huitarde » se développer ou, au moins, une remise en perspective souvent critique à l’égard des principes de cette « révolution culturelle », sachant ou cherchant à distinguer les bons et mauvais côtés de Mai 68, et à les évaluer sans forcément les dévaluer, autant ce quarantième anniversaire est beaucoup moins « ouvert »… Mais n’est-ce pas parce que ce fameux Mai 68 est devenu un objet « marketing » et non plus un sujet de réflexion sérieux ?
Pourtant, il me semble qu’il existe quelques ouvrages parus ces derniers mois, dans une indifférence glacée, qui n’hésitent pas à « démonter » quelques préceptes et, parfois, hypocrisies de cette période et de ses principaux acteurs, manipulateurs, voire récupérateurs : ainsi le livre collectif chapeauté par Patrice de Plunkett intitulé « Liquider Mai 68 ? », mais que je n’ai pas aperçu dans les librairies visitées sur les fameuses tables commémoratives évoquées auparavant…
Deuxième anecdote : lisant quotidiennement sur le site du « Nouvel Observateur » les articles reprenant, jour après jour, la suite des événements survenus durant le printemps 68, je me permets parfois d’y laisser un commentaire, de caractère plus historique que polémique. Ainsi, mardi 13 mai, à la suite de l’article du Nouvel Obs’ sur les grandes manifestations syndicales du 13 mai d’il y a quarante ans, j’ai rédigé un court texte intitulé « une autre manifestation » dans lequel j’évoquais la première d’une série de six manifestations organisées par les royalistes de l’Action Française, autour du slogan « Ni gaullisme ni révolution », du 13 au 18 mai 1968. Je signalais le « pourquoi » de cette manifestation « contre-révolutionnaire » se déroulant sur les Champs-élysées et soulignais que, contrairement à certaines légendes tenaces, entretenues pour des raisons qui ne m’échappent pas entièrement, le groupe d’extrême droite « Occident » n’y jouait qu’un rôle d’ « intrus ». Je ne cachais pas, d’ailleurs, que cette manifestation était passée totalement inaperçue dans le contexte troublé de ce mois particulier…
Etant inscrit régulièrement sur ce site, mon commentaire s’est donc affiché automatiquement. Quelle ne fut pas ma surprise de voir, environ une heure après, que ce commentaire bien anodin (me semble-t-il) avait été purement et simplement effacé par le modérateur du site ! Pourtant, je n’ai rien écrit de polémique ni de vulgaire ni d’agressif et ce que j’évoquais est assez simple à vérifier. D’autre part, je suis d’autant plus prudent (je vérifie généralement mes informations avant de les diffuser sur la Toile) et honnête dans mes commentaires que je signe de mon nom, refusant de prendre un pseudonyme pour ce qui est politique ou historique. Que dois-je conclure de cette petite censure du Nouvel Obs’ ?
Et pourtant ! Il y eut plusieurs manières de vivre comme il y a plusieurs manières d’interpréter Mai 68. Il serait dommage de négliger cette pluralité pour ne retenir qu’une forme de « pensée unique » de l’événement et de ses conséquences…