Les Jeux olympiques, dans l’idéal classique repris par Pierre de Coubertin, devaient être un moment de paix et de trêve dans les guerres déjà engagées : encore raté, pourrait-on dire aujourd’hui, alors que la guerre déclenchée par la Géorgie, à la veille même de l’ouverture des Jeux, a des relents de « guerre froide » entre l’Occident et la Russie !
Ainsi, le président géorgien, Mikheïl Saakachvili, a-t-il joué avec le feu en envahissant le territoire « séparatiste » de l’Ossétie du sud et en s’emparant de sa capitale Tskhinvali, après avoir détruit son centre-ville et provoqué la fuite de plusieurs milliers de civils ossètes vers le voisin russe. Sans doute pensait-il qu’en mettant la Russie devant le fait accompli (comme au moment de la séparation de la Géorgie en 1991 quand l’URSS s’effondrait et perdait, sans presque coup férir, plus de 5 millions de km2), celle-ci se contenterait de quelques grognements et se résignerait : grave erreur, comme celle de croire que l’Occident viendrait automatiquement au secours de ses « alliés » géorgiens… Saakachvili, pro-occidental formé en France et aux Etats-Unis (diplômé dans ces deux pays, entre autres), appelle au secours les puissances états-unienne et européennes, en particulier en plaçant, comme dans tous ses discours de président depuis quelques mois, le drapeau de l’Union européenne derrière lui, comme si la Géorgie était l’un des 27 Etats de l’UE (ce qu’elle n’est évidemment pas…). Cette forme de manipulation, qui met mal à l’aise les membres de l’Union eux-mêmes, est assez significative d’une certaine politique étrangère qui cherche à « mouiller » les pays européens, à leur forcer la main face à (ou plutôt contre) la Russie.
En fait, derrière le président géorgien, se trouvent les Etats-Unis qui poursuivent leur politique de « containment » de la Russie, fidèles aux principes traditionnels de la stratégie géopolitique (et militaire) : « encercler pour ne pas être encerclé » et « diviser pour mieux régner ». Les déclarations du président Bush et celles du candidat John McCain, très virulentes à l’égard de la Russie, et aussi très injustes, ne laissent guère de doutes sur ce point : décidément, les vieilles recettes de la « guerre froide » n’ont rien perdu de leur actualité… Que l’on ne s’étonne pas alors que les budgets militaires des grandes puissances (mais aussi des petites) ne cessent d’augmenter, voire d’exploser, tandis que les pays européens, eux, ne songent qu’à désarmer et à s’abandonner aux délices d’un consumérisme sans fin et sans fond si l’on n’y prend garde : situation d’avant-guerre ?
A l’heure où j’écris ces lignes, l’Abkhazie, autre territoire « séparatiste » (qui compte environ 250.000 habitants quand l’Ossétie en compte à peine 70.000, c’est-à-dire moins que la ville de Versailles…), est entrée à son tour dans la guerre, prenant la Géorgie à son propre piège et ouvrant ainsi un second front qui fragilise l’Etat géorgien.
Certains y verront une situation qui rappelle le Kosovo : en tout cas, le précédent de l’indépendance déclarée du Kosovo contre le Droit international lui-même mais avec l’accord de la plupart des puissances occidentales, a ouvert une boîte de Pandore qu’il va être difficile de refermer désormais. De plus, la Géorgie, elle-même issue d’une séparation d’avec la Russie, a voulu à toute force intégrer des régions (l’Ossétie et l’Abkhazie) dont les populations ne se sentaient pas elles-mêmes géorgiennes et préféraient rester russes, au point de former leurs propres entités séparées de la capitale géorgienne, Tbilissi. Aussi est-il délicat de parler, comme le font les officiels géorgiens (soutenus en cela et dans les mêmes termes par une grande partie des Etats de l’UE et, surtout, par les Etats-Unis), de « souveraineté » sur ces territoires, indépendants de fait mais russes de cœur, et qui, d’ailleurs, souhaitent retourner dans le giron de l’ancienne puissance tutélaire pour se protéger du nationalisme géorgien…
Les « démocraties » se prennent les pieds dans le tapis : à force de violer sans trop de scrupules les principes qu’elles proclament à longueur de temps, elles se retrouvent coincées.
Il faut désormais souhaiter que la France, dont la diplomatie peut servir de médiatrice dans ce type de conflit pourvu qu’elle garde son indépendance de jugement et d’action, ne tombe pas dans le piège et qu’elle comprenne qu’il n’y aura pas de « puissance européenne » sans la Russie : MM. Sarkozy et Kouchner doivent se faire violence et renoncer à leur « occidentalisme », cette idéologie si contraire à la tradition et à la vocation de la France.
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