Mieux que les républicains classiques, et même si certains doivent être écoutés car ils ont un vrai sens de l’Etat et de la « Res publica », de la Chose publique, et, en ce sens, ils nous sont proches, les royalistes peuvent proposer un nouveau régime qui concilie autorité et libertés, Etat et communautés, politique et social : la Monarchie…
Entendons-nous bien : lorsque je parle de Monarchie, il ne s’agit pas de n’importe quelle monarchie, mais de celle qui, par un effort multiséculaire, a littéralement, territorialement et politiquement, « fait la France » ; celle qui transmet la magistrature suprême de l’Etat par le simple fait des générations qui se succèdent, et qui a, durant sa propre histoire, a pris des formes variées mais adaptées à la construction française et à son histoire. Il ne s’agit pas d’évoquer des monarchies étrangères qui, tout honorables qu’elles soient, ont elles-mêmes leurs traditions, leurs politiques, leurs formes, et qui peuvent, certes, servir d’exemples sans toujours être des modèles. Je dois même avouer que certains régimes monarchiques me sont détestables parce qu’ils sont l’antithèse de la monarchie « à la française »…
Cette précision s’impose où, à l’heure de la globalisation et de la confusion, le sens des mots a parfois perdu son enracinement particulier, sa propre réalité liée à une histoire elle-même particulière, et que le « One world » dénoncé par George Orwell ne laisse guère de place à l’exception, à la « dissidence », pourrait-on dire si le terme n’avait pas été récupéré et vidé de son sens premier par une « démocratie de consommation » qui s’immunise ainsi contre des pensées « alternatives ». La Monarchie, qui est mon propos ici, a un cadre, un sens, une réalité historique.
Ce qui distingue la Monarchie des autres régimes en France, c’est d’abord le caractère « héréditaire et successible » de la transmission de la magistrature suprême de l’Etat, symbolisé par deux formules célèbres : « Le roi est mort, vive le roi ! » et « Le roi ne meurt jamais », formules qui peuvent paraître contradictoires et qui, en fait, recouvrent la même réalité. Effectivement, dans la monarchie française, le fils succède au père sur le trône, mais cela dans le meilleur des cas : il arrive que, au fil de l’histoire, la succession « saute » une ou deux générations, ou qu’elle soit, par le jeu des circonstances, dévolue à un frère, voire à un cousin, parfois fort éloigné. Pourtant le principe de la succession « filiale » n’est pas remis en cause et la transmission se fait naturellement, de la manière la plus simple, selon l’ordonnancement même de la famille royale : en somme, c’est le mode de transmission du pouvoir suprême le plus naturel qui soit car fondé sur le principe même de la vie humaine et de sa pérennisation. Il n’y a pas de place pour le choix ou la brigue pour accéder à la tête de l’Etat : pas de campagne électorale entre membres de l’aristocratie politique issue des grandes féodalités partisanes ; pas de promesses et de facilités démagogiques pour « plaire » au plus grand nombre (qui peut être « la majorité plus une voix », principe même de l’élection démocratique si l’on en croit les constitutionnalistes) ; pas de « cousinage » plus ou moins discret avec les puissances financières ou économiques pour payer le travail d’accession au pouvoir présidentiel ; etc.
Le mode de succession au trône en France épargne au pays une vacance de l’Etat (d’où la formule évoquée plus haut : « le roi ne meurt jamais », qu’il faut comprendre comme l’Etat…) ou une bataille violente et forcément destructrice des amitiés, voire des équilibres politiques du pays, pour la conquête de celui-ci : c’est aussi un gage de renouvellement, ne serait-ce que par le fait qu’en général (il peut y avoir des exceptions, certes) le nouveau roi est d’une autre génération que celui à qui il succède, et qu’il est d’un « autre temps », sans pour autant dévaluer le précédent (tout le contraire de l’attitude d’un Sarkozy à l’égard de son prédécesseur…). Ainsi, tout en assurant la continuité de l’Etat, il peut en apprécier différemment la politique ou les enjeux du moment : ce n’est pas une rupture, mais plutôt une évolution, une « autre politique » rendue possible par l’arrivée d’un nouvel homme, d’une nouvelle équipe à la tête de l’Etat. La continuité ainsi permise, reliant l’hier et le demain par le roi du présent et qui ne peut se confondre avec du fixisme, assure la parole de l’Etat, garantit la réalisation des grandes politiques fondée sur la durée, tant sur le plan environnemental que social ou diplomatique : l’arrivée au pouvoir d’un nouveau roi n’est pas une remise en cause des politiques précédentes mais assure leur pérennisation ou, si elles ne semblent plus fonctionner, leur remise à plat.
Bien sûr, la réalité est parfois moins simple, mais la durée inscrite par la Monarchie à la tête de l’Etat est un gage de sécurité politique et diplomatique qui, d’ailleurs, permet aux gouvernements de travailler plus librement, sachant que la question de la magistrature suprême ne se pose plus, ce qui désarme déjà quelques velléités politiciennes…
je prépare un colloque sur la fête de La Fédération.
Cela t'intéresse-t-il ?
J. Broquet
Rédigé par : broquet | 08 août 2008 à 02:13
Tout à fait ! La fête de la Fédération du 14 juillet 1790 mérite bien un colloque, car elle reste largement méconnue (à part la date...).
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 09 août 2008 à 16:18
Ce sont les derniers rois de France qui ont, avec constance et science, détruit la royauté, et donc son "à venir" français : par leur incompétence, imbécilité, absence de réelle compassion pour les conditions de vie des plus pauvres, et même "haute trahison" (Louis XVI et Marie-Antoinette entretenant une correspondance avec les monarques européens, prusses, autrichiens, pour qu'ils fassent entrer leurs troupes en France et tuent des citoyens français). Donc, toute gesticulation en faveur de telles lignées est stérile, mais vous pouvez vous y amuser, si cela vous occupe et vous plait, la démocratie française vous laisse cette liberté, alors que les libertés civiques sous la royauté...
Rédigé par : grellety | 13 août 2008 à 18:19
L'Histoire, dès qu'elle est étudiée avec un peu d'attention, dément cette idée (ce préjugé, en fait) de rois sans qualités ou sans vision politique, que cela soit pour Louis XV ou pour Louis XVI : deux livres de référence sur ce sujet, celui de Michel Antoine sur Louis XV (collection Pluriel) et celui de Jean-Christian Petitfils sur Louis XVI.
Le dernier roi cité est, de plus, connu pour ses tentatives d'améliorer la condition de ses sujets alors qu'une série de crises frumentaires frappent le royaume dans les années 1780 : distribution de vivres aux indigents, mais aussi développement, à l'initiative du roi, de la culture (jusque là ignorée en France) de la pomme de terre, etc. Sans oublier, sur le plan géopolitique, le soutien aux insurgents d'Amérique et la préservation, jusqu'à la Révolution, de la paix sur le continent européen avec les autres puissances, etc.
Quant aux accusations de "trahison", elles sont d'autant plus absurdes quand on connaît les traditions diplomatiques en cours en Europe à cette époque : à moins de vouloir l'isolement complet du pays, alors première puissance d'Europe (avant la Révolution), il n'y a rien de choquant ni d'anormal à entretenir des correspondances ou des contacts avec les pays étrangers, y compris en temps de conflit comme on peut le voir aujourd'hui entre la Russie et la Géorgie... Mais cette légende d'une trahison du roi n'a plus vraiment cours désormais dans les milieux universitaires, moins "républicains" sans doute aujourd'hui et plus historiens.
Quant au débat sur les libertés civiques, il n'est pas clos à l'heure où, justement, elles semblent de plus en plus remises en cause par le pouvoir actuel...
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 14 août 2008 à 01:30