Dans quel monde vivons-nous ? Question sans doute banale mais pleine de colère que je me posais ce matin en écoutant une émission sur la radio de l’économie BFM, émission à laquelle participait l’ancien ministre de l’industrie Alain Madelin, ultralibéral assumé et méprisant dans sa façon même de s’exprimer, traitant par une ironie cinglante la volonté de l’Etat et des politiques de vouloir intervenir dans le domaine économique, en l’occurrence sur les décisions prises par Carlos Ghosn, patron de Renault. Ainsi, selon celui qui fut pourtant officiellement un commis de l’Etat, les politiques n’ont pas à prendre la place des industriels et des patrons, y compris quand les décisions de ces derniers peuvent avoir un impact social non négligeable et, parfois, désastreux pour des milliers d’ouvriers et pour des régions entières.
Dans la même émission, ce sont bien les mêmes participants et ce même M. Madelin qui, sans se départir de leur suffisance, expliquaient doctement qu’il fallait « nationaliser les pertes » pour sauver les deux agences états-uniennes de refinancement hypothécaire en pleine déconfiture du fait de la crise des « subprimes » : l’un des intervenants n’hésita pas à prétendre que c’était le devoir de l’Etat, de la puissance publique, des contribuables en somme, de sauver le système libéral dont il serait ainsi le servant. Il insista en expliquant que sinon cela ne servait à rien de payer des impôts ! Et personne pour lui répondre que l’Etat n’était pourtant pas un pompier de ce libéralisme-là, de celui-là même qui met des milliers de gens au chômage, qui délocalise des usines et appauvrit les salariés de notre pays en utilisant (en usant, le plus souvent..) ceux des pays en développement, véritables esclaves de cette mondialisation désespérante et atroce qui détruit l’environnement, les structures traditionnelles, sociales et familiales, etc.
Non, messieurs les ultralibéraux qui, pendant la demi-heure écoutée, n’ont pas eu un mot de compassion pour les victimes de cette conception-là de l’économie qui n’est ni juste ni humaniste ; non, l’Etat n’a pas à sauver votre système d’égoïsme et de capitalisme sauvage, brutal ! Il a des devoirs politiques et sociaux : permettre aux entreprises de prospérer autant que faire se peut, dans le respect de la justice sociale et de l’environnement, dans le souci du Bien commun et des générations présentes et à venir ; assurer à chacun de pouvoir être dignement traité ; etc.
Non, messieurs les ultralibéraux, votre darwinisme économique dans lequel le fort triomphe en écrasant ou en faisant disparaître le concurrent, en limitant les coûts de production pour mieux assurer la fortune des actionnaires (et pas forcément les petits…) et de quelques dirigeants sans aveu qui peuvent échouer sans craindre autre chose qu’une retraite dorée, ce darwinisme n’est pas acceptable car il viole toutes les règles d’une civilisation qui n’a pas encore légitimé le règne du Veau d’Or… La civilisation française s’est aussi construite, politiquement, contre les féodalités, et notre état d’esprit de Français est empreint de cette lutte multiséculaire contre les forces du « Seigneur Argent » selon l’expression ancienne.
Mais il est vrai que la République actuelle qui se montre au Fouquet’s n’est autre chose que la revanche de Fouquet, Nicolas de son prénom : hasard ou symbole, elle n’a rien pour nous plaire…
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