Dans quelques jours sera élu le prochain président des Etats-Unis, celui qui sera à la tête de l’Etat fédéral à partir du 20 janvier 2009. Tous les sondages donnent le candidat démocrate Barack Obama vainqueur, même si l’Histoire nous enseigne que « sondage n’est pas suffrage » et que, jusqu’à la dernière minute de la campagne et, même du scrutin, tout –y compris le plus surprenant– est possible. Nous verrons bien…
« La planète plébiscite B. Obama » titrait « La Croix » il y a quelques semaines, et les médias ont consacré de nombreux articles à la bonne opinion générale des Opinions publiques à l’égard de M. Obama. A Paris, toutes ces dernières semaines, j’ai croisé de nombreux jeunes arborant fièrement des badges « Obama 2008 », et quelques lycéens de Hoche partageaient cette euphorie, au point de m’agacer sérieusement : je précise que ce n’est pas Obama qui m’énerve mais le culte idolâtre autour de lui, « l’Obamania », qui rappelle les grands engouements religieux ou musicaux, à grand renfort de publicité, de « communication » et à coups de millions de dollars.
Mais il y a plus : je trouve à la fois ridicule et révélateur que cette élection, certes fort importante pour l’avenir des relations diplomatiques mondiales, intéresse visiblement plus les jeunes Français que la politique française elle-même : or, jusqu’à preuve du contraire, ce ne sont pas les électeurs français qui sont appelés à se déterminer mardi prochain, et l’opinion des Français n’a aucune importance dans ce vote, de ce simple fait électoral… De plus, cela montre aussi le fort tropisme états-unien de nos Opinions publiques qui, du coup, semblent trouver normal de soutenir un candidat ou l’autre alors même que, lors de leurs propres élections nationales ou communales, les taux d’abstention sont parfois élevés. Comme si la politique française se décidait à Washington !
D’autre part, l’engouement pour Obama est souvent lié à un malentendu et à la volonté de combattre la politique désastreuse de George W. Bush. Mais Obama président sera d’abord le président des Etats-Unis, et il fera ce pour quoi il est élu, c’est-à-dire une politique états-unienne… Pas certain que les pays européens y trouvent toujours leur compte…
Dernière chose : lorsque le candidat Obama est venu en France cet été, il a « oublié » sciemment de rencontrer le parti socialiste, principal parti de l’opposition de Gauche et, depuis qu’il est candidat, ne cesse de dire du bien de Nicolas Sarkozy… Il est vrai que, idéologiquement parlant, les différences entre les deux sont particulièrement ténues, que cela soit sur le plan économique ou diplomatique, sans méconnaître qu’ils sont, tous les deux, le résultat (ou le révélateur ?) d’une certaine « pipolisation » mêlée de populisme.
En tous cas, nous saurons dans quelques jours le choix des électeurs états-uniens et, quel qu’il soit, il faudra en tenir compte dans notre politique diplomatique et ne pas oublier que notre liberté ne se joue pas exactement à Washington mais ici, en France, par notre capacité et notre volonté à ne pas déserter l’Histoire et le monde.
Faut-il réellement s'agacer de cette soudaine passion pour les élections américaines ? De toute évidence, c'est une conséquence de la pipolisation de la politique, mais est-ce en soit, une mauvaise chose que des jeunes s'intéressent à une élection, quelque soit le pays qu'elle concerne ?
J'ose espérer en fait que ce soudain engouement pour la politique se répercutera sur les élections françaises.
Et d'ailleurs, les dernières élections présidentielles en France ont captivées beaucoup plus que la "normale".
Et si la Obamania est effectivement largement due aux médias, et à une opinion collective qui ne sait pas réellement ce que propose le candidat démocrate, il y a quand même une part de réel pensée politique derrière ça, puisque Mc Cain reste en grand décalage idéologique avec la plupart des opinions françaises.
Rédigé par : Clément Tardy | 03 novembre 2008 à 12:01
Je me permet de ne pas partager la vision, assez réprobatrice, que vous exposez ici de l'"Obamania", et de l'intérêt que suscitent les éléctions américaines en général en-dehors des États-Unis. Le désintérêt pour notre propre débat politique et le "tropisme d'empire américain" que, d'après votre article, révèle cet enthousiasme, ne m'apparaissent en effet guère évident.
D'abord, car il ne me semble pas étonnant, ou absurde, de voir la jeunesse française, comme celle de nombreux autres pays, s'enthousiasmer pour le débat publique américain.
On peut être curieux de la gouvernance des autres États (et particulièrement des plus influents)sans nécessairement délaisser l'intérêt que l'on porte à notre propre pays. Aucune élection n'étant d'ailleurs prévue dans un futur immédiat en France, alors même que la fastidieuse campagne électorale américaine culmine dans sa phase finale, avoir le regard tourné vers les États-Unis en ce moment m'apparaît moins que jamais comme comme dénué de fondements.
Vous soulignez néanmoins, avec raison à mon avis, à quel point les opinions publiques accordent de l'importance aux décisions américaines, phénomène auquel n'échappe pas la France, "comme si la politique française se décidait à Washington !". On touche ici à l'épineux problème du "tropisme d'empire" que vous fustigez et qui, à vous lire, serait largement répandue parmi les fans inconditionnels du T-shirt Obama. Vous rappelez d'ailleurs avec justesse que le prochain président américain mènera avant tout la politique de son propre pays et n'est pas là pour défendre les intérêts français. Ici j'adhère pour l'essentiel à votre point de vue.
Je me permet néanmoins de souligner que, bien qu'il soit regrettable que certaines personnes s'accommodent très bien de cette puissance américaine quasi-impériale, il faut bien composer avec la réalité et admettre que, dans les circonstances présentes, la France a moins que jamais les moyens de peser seule dans les décisions du monde et semble appelée à voir son rang inexorablement décliner dans les prochaines années. Contrainte ou acceptée de bonne grâce, l'influence des États-Unis sur la façon dont les autres « démocraties libérales » mènent leurs affaires est un fait, et avoir recours à l'ex « superpuissance » américaine pour soutenir le point de vue ou les décisions des pays européens reste une évidence pour tout ceux qui n'ont pas encore adherés aux thèses d'Emmanuel Todd ou à celles du « découplage » économique.
C'est ici que le « tropisme d'empire » et l'enthousiasme exubérant des jeunes français, mais aussi allemands, espagnols et autres envers Obama -moins qu'envers l'Amérique elle-même- prennent tout leur sens. Face au profond désarroi que provoque le déclin annoncé de l'Occident, et alors même que nos anciennes bêtes de somme, l'Inde et la Chine, (la première colonisée par les Birtanniques, la seconde ravagée par les « Traités inégaux » de 1860, toutes deux étant devenues par la suite les « ateliers du monde ») sont appelées dans les prochaines décennies à imposer de plus en plus leurs propres règles du jeu, vers quel autre espoir que les États-Unis peuvent bien se tourner les classes moyennes occidentales ? Moins que l'arrogante et impériale hyperpuissance américaine de Bush, dont le bilan sur la scène internationale me semble être un échec pour l'ensemble du monde occidental, c'est un nouveau départ pour les pays développés qui est plébiscité, particulièrement envers la personnalité d'Obama : leader charismatique, métisse dans un pays qui a su s'adapter avec une rapidité remarquable à un problème racial profondément enraciné, et démocrate (vous parlez de sa proximité avec Sarkozy, mais certains aux É-U le considèrent comme... marxiste !) alors que les républicains partent sur un bilan pour le moins mauvais, tant en matière de politique étrangère que d'économie (la crise des subprimes, de la finance, du libéralisme économique, est d'abord la leur...)
Loin de moi l'idée de prôner entièrement un abandon du gaullisme, de cautionner l'attitude puérile de quelques excentriques s'étant crus « hype » en portant des t-shirts « Obama 2008 » ou encore de soutenir les technocrates apatrides qui voudraient voir l'identité française diluée, tantôt dans l'atlantisme pro-américain, tantôt dans une Union européenne toute-puissante . Je crois simplement que, même inconsciemment, l'attitude de soutien des non-américains à Obama (et même à McCain) relève, si l'on tient à conserver la place du monde occidental, d'un certain pragmatisme.
Rédigé par : Bobby marley | 03 novembre 2008 à 16:26
Je remercie Clément et "Bobby" de leurs commentaires, tous les deux fort intéressants : ils méritent l'un et l'autre mon attention, et j'y répondrai par une prochaine note sur les Etats-Unis, que je vais m'efforcer de rédiger ce prochain ouiquende.
Cordialement.
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 06 novembre 2008 à 22:40