Un débat intéressant s’est engagé à travers les commentaires de ce blogue : ainsi, Romain m’a-t-il posé quelques objections auxquelles il me semble utile de répondre, sans esprit de polémique mais dans un souci d’échange et de partage intellectuel : en particulier quand il écrit qu’ « une question demeure : quand vous proposez "les pouvoirs locaux à la base, aux citoyens" s'agit-il d'une démocratie locale ? Auquel cas je pense que le problème des partis ne serait que déplacé, translaté du sommet à la base. ». Voici quelques éléments de réponse, avant un article postérieur plus long et argumenté que je pense rédiger aux environs de Noël sur le thème de la « France fédérale » :
L’une des principales doctrines des monarchistes du XIXe siècle fut la décentralisation, au point que le comte de Chambord, Henri V de jure, y consacra une de ses célèbres lettres politiques, et que le jeune Charles Maurras, fédéraliste d’origine provençale, parvint à la Monarchie par la réflexion sur les libertés locales et la nécessité d’y trouver une réponse institutionnelle. Autant dire que cette question est importante dans l’histoire comme dans la réflexion contemporaine des monarchistes, et qu’elle mérite attention, surtout au moment où la mondialisation semble bien uniformiser plus que diversifier…
La formule des « libertés à la base », libertés conjuguées et permises par « l’autorité au sommet », est bien celle d’une forme de démocratie locale mais sans forcément être celle d’une démocratie partisane qui serait juste la représentation à plus petite échelle des jeux de partis parisiens : en fait, rendre des pouvoirs aux communes et aux provinces (ou régions, le département étant appelé, dans un avenir plus ou moins proche, à disparaître), c’est réactiver les « républiques françaises » que l’ancienne Monarchie nationale acceptait et avec lesquelles elle composait, le roi se voulant « le père des peuples de France » jusqu’à la convocation des états-généraux de 1789, le pluriel (dans la formule) marquant la diversité reconnue du royaume et la paternité revendiquée du souverain l’unité de l’Etat.
Néanmoins, le risque est effectivement celui, double, d’une sorte de « féodalisation du pays » avec l’apparition de barons politiques locaux et d’une reproduction des jeux partisans à l’échelle locale : mais ce risque, dans le cadre d’un Etat fort (ce qui ne veut pas dire « autoritaire ») et qui a les moyens statutaires de « l’arbitrage », reste limité par la présence et l’incarnation de la magistrature suprême de l’Etat par un monarque qui, justement, ne doive rien aux jeux électoraux et à la flatterie de clientèles habituelles des partis. Que les partis poursuivent leurs manœuvres n’est pas, en soi, particulièrement gênant à partir du moment où les institutions locales ne sont pas que politiques et parlementaires mais également professionnelles et sociales : la décentralisation souhaitable ne doit pas être une simple déconcentration des jeux politiciens mais une véritable refonte des institutions communales et provinciales, limitant le rôle des partis par la mise en avant simultanée des syndicats, des associations professionnelles et sociales, et des citoyens eux-mêmes par la possibilité d’avoir recours aux « consultations référendaires locales » ou au « droit d’adresse » dont il appartiendra à chaque échelon administratif et politique de définir la nature et les possibilités, sans que celles-ci soient forcément identiques d’une région à l’autre. En somme, cette « fédéralisation » de la France est l’application concrète du fameux « principe de subsidiarité » évoqué, sans beaucoup de foi, dans le traité de Maëstricht des années 1990. Les partis y voient alors leur rôle fortement diminué au profit des autres corps locaux.
(à suivre)
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