Je poursuis actuellement ma campagne monarchiste pour les élections européennes en sillonnant les routes de Bretagne : lundi sur la Côte d’émeraude ; mardi dans le Morbihan et le Finistère ; hier mercredi à Dinard et, bien sûr, à Rennes… Mais il faut être franc : les élections européennes, malgré leur proximité (dans un peu plus de six semaines), n’intéressent pas nos concitoyens ni, d’ailleurs, les partis politiques qui font des campagnes « a minima ». Même chose pour la presse qui, dans la plupart des cas, ne consacre que (très) peu de lignes aux débats européens, et encore ! Et ce soir, regardant d’un œil distrait les informations télévisées, là encore, pas un mot sur les européennes !
Pourtant, si l’on regarde le fonctionnement des institutions françaises et européennes, il faut bien constater qu’une grande partie des lois adoptées par le Parlement français n’est que l’adaptation de directives européennes : entre 70 % selon un responsable socialiste entendu l’autre jour à la radio et 80 % selon les affiches des souverainistes aperçues à Rueil-Malmaison… Ainsi, sans forcément s’en rendre compte, notre pays ne s’appartient plus totalement, législativement parlant. Cette « dépossession » est-elle une bonne chose ? J’en doute mais je constate qu’elle ne semble pas effrayer la classe politique de notre pays, bien plutôt tétanisée par l’idée que l’on puisse remettre en cause une construction européenne qui apparaît « dans le sens (unique ?) de l’histoire », mais qui se fait, en fait, au nom de « l’économique d’abord » (au risque d’imposer au politique des critères qui ne sont pas autre chose que « libéraux »)…
Or, la politique ne peut être l’acceptation de ce que certains comprennent comme une fatalité inéluctable : car la politique cela devrait être la décision, celle qui s’applique aux puissances économiques, celle qui arbitre et tranche au-delà des intérêts particuliers et partisans !
Si les élections européennes sont abordées avec tant de discrétion par les grandes forces partisanes politiques, n’est-ce pas parce que « l’Europe légale » à laquelle elles appartiennent (bon gré mal gré) ne tient pas trop à ce que les électeurs des 27 nations de l’Union européenne bouleversent les équilibres politiques du Parlement européen, Parlement aujourd’hui largement acquis aux principes de cette « dépossession » des citoyens au profit d’une « volonté générale » qui s’imposerait à tous, parlements nationaux comme populations des 27 pays ?
Il ne faut pas y voir un complot, mais bien plutôt une simple stratégie profitable aux intérêts d’abord économiques qui dominent par le biais des groupes de pression (qui se livrent à ce que d’aucuns nomment le « lobbying ») les institutions européennes, et principalement le Parlement et la Commission de Bruxelles. Ce n’est que la reprise de la stratégie de la « Constituante » de 1789 dont les premières mesures visèrent à émanciper les élus et leurs exercices parlementaires de ceux qui les avaient désignés pour les états-généraux (toujours au nom de la fameuse « volonté générale » qualifiée alors de « souveraineté nationale »…), et à éloigner les peuples de France de la politique législative active par la limitation du suffrage : si les procédés sont différents aujourd’hui, l’intention reste la même. Et Bruxelles est si loin, l’Europe si complexe, nous dit-on, sourire en coin…
Ainsi, en permettant à l’abstention d’être la plus visible des attitudes électorales, la Démocratie européenne, cette « Europe légale » dont je me méfie fortement, se donne les mains libres pour agir et légiférer au nom de tous, y compris des « absents du suffrage » : or, en Démocratie, peu importe le nombre d’abstentionnistes, ils ne comptent pas, ils ne pèsent aucunement, ils sont invisibles et n’ont plus le droit à l’expression dans les institutions parlementaires. Ils sont le vide que ceux qui se sont exprimés par le suffrage comblent, la Démocratie, comme la nature, ayant horreur du vide et ayant vocation à le nier…
L’abstention est, en fait, un allié de « l’Europe légale ». Mais elle n’est pas la seule, et son contraire n’est pas forcément son ennemie, bien évidemment.
Il n’est pas facile de surmonter ce dilemme, mais il faut trouver (et prendre) les moyens de penser à des institutions qui organisent différemment l’Union européenne, permettant à « l’Europe réelle » de se réaliser sans, pour autant, céder à la démagogie ou à la facilité, ce qui serait la pire des impasses et entraînerait, à terme, la perte même de ce que veulent conserver les Etats et les peuples constitués en nations.
Plutot que d'entrer dans le jeu politique republicain en jouant sur le meme type de partition, n'est il pas plus judicieux de proposer une sorte de gouvernement d'opposition qui apporterait des solutions concretes aux problemes de notre epoque se faisant l'echo d'un engagement clair pour la monarchie et ses valeurs et donnant ainsi une option alternative active ? Quels interets pour des monarchistes de se presenter devant des urnes en matraquant simplement des idées fondatrices d'un bouleversement complet avec la republique tout en jouant son jeu ? Et enfin, quel roi ? Un souverain de lignée, un monarque sorti des urnes, un roi issu du peuple ?
Rédigé par : Brusquet | 23 avril 2009 à 05:35
Tout-à-fait d'accord ! Si l'abstention en soi n'est pas une attitude très productive, que dire de la participation à la légitimisation par les urnes d'instances supranationales ! Ca n'a même plus rien à voir avec le credo maurrassien "par tous les moyens mêmes légaux" qui s'inscivait alors dans le cadre national, lequel nous poussait au compromis temporaire avec la démocratie nationale: nous passons aujourd'hui à une nouvelle étape, celle de trop puisqu'il s'agit d'un cadre supranational de toute façon inique ! C'est pourquoi il paraît plus raisonnable de prendre acte de cette abstention et de l'instrumentaliser au service de la France par une campagne médiatique sur l'idée de Sécession qui mettra les Français face à leur avenir, les traîtres devant leurs forfaits et les partis électoraux devant leurs contradictions.
Rédigé par : Reinelde Maes | 23 avril 2009 à 14:28
Depuis près de 30 ans que je milite royaliste et que je fais de la politique, j'ai constaté à de multiples reprises que, quoiqu'il arrive et quelles que soient leurs (bonnes) raisons, "les absents ont toujours tort" : or, qu'est-ce d'autre que l'abstention ?
La présentation aux élections, y compris européennes, est un moyen de diffuser plus largement nos idées et, d'ailleurs, cela force à se colleter aux dossiers politiques concrets, au-delà du simple discours théorique : et cela renforce la crédibilité des royalistes, capables de sortir des slogans et donc, de convaincre qu'ils sont à même de comprendre et d'agir sur notre temps et notre société.
Cela n'empêche pas, aussi, de constater que l'abstention est révélatrice d'un fossé entre "Europe légale" et "Europe réelle" : mais, qu'elle soit révélatrice n'apporte rien, mais alors rien du tout, au combat royaliste ! Ne serait-ce que parce que trop de gens peuvent revendiquer une abstention qui est, en fait, une enveloppe de vide et, dans une démocratie, une "inutilité" qui n'est qu'une "inertie" sans aucune force concrète, sans possibilité même de s'incarner.
Que ces élections se passent dans un cadre supranational n'empêche pas qu'elles soient aussi "nationales", bien évidemment : je ne vois pas au nom de quoi les royalistes seraient absents de ces échéances !
Il serait quand même incroyable que les royalistes qui ne cessent de parler du "politique d'abord" refusent d'être là où elle se fait et quand elle se fait, ce serait le comble !
Quant à la campagne médiatique "Sécession", je ne pense pas qu'elle soit judicieuse et, surtout, réaliste... Quant à Maurras, relire attentivement "Kiel et Tanger" !
Petite remarque : j'étais ce matin sur le marché d'une petite ville des Côtes d'Armor, Dinan : 400 tracts royalistes sur les européennes distribués, des dizaines de discussions, surtout autour du panneau de propagande que j'avais accroché près de moi, etc. Or, une campagne électorale est plus motivante qu'une simple campagne théorique dont on ne voit pas vraiment, la plupart du temps, les effets. La campagne électorale nous ouvre, aussi, quelques portes et nous crédibilise près des médias...
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 23 avril 2009 à 21:41
Bravo Jean-Philippe, vous rendez le royalisme vivant en effet par ce biais. Tout ne peut que (re)commencer par là. Merci de votre action énergique et courageuse.
Rédigé par : Jean-Luc | 24 avril 2009 à 00:44
Merci pour votre réponse et permettez moi de continuer à jouer les Candide pour tenter de me mettre à la place de ceux que vous aurez à convaincre pour atteindre un jour un objectif capable de donner une chance à la monarchie. J'ai beau lire attentivement vos interventions ainsi que comprendre le sens de votre démarche, je ne puis me convaincre qu'avec pour seul esperance l'attente d'un plebiscite populaire menant à un détournement de la constitution pour un retour royal, votre stratégie porte un jour les fruits d'une victoire. Il me semble difficilement comprehensible pour beaucoup de comprendre qu'un "politique" (se repond il royaliste ou monarchiste) puisse oeuvrer pour l'avenement d'une autre personne (un roi)par le biais d'institution ou de suffrages proposés par ses détracteurs. Je comprends vos tentatives de vulgarisation de cette pensé, mais une fois encore je doute que dans ce monde si souvent corrompu ou corruptible, une intention aussi louable voir naive puisse atteindre son objectif. L'option monarchiste souffre, je pense, d'un manque de vulgarisation, certes, mais surtout d'actions fortes, de resistance passive et patience (nous ne verrons peut etre pas ce jour). J'en reviens à mon idée première, pourquoi ne semble-t-il pas possible de voir constituer un gouvernement parallele qui, pourquoi pas, utilisant des moyens modernes d'information, proposerait concretement des solutions claires aux problemes de notre temps. Avec le temps, la vulgarisation, la publicite sur cette alternative, alors peut etre pourrions nous retenir l'attention de nos contemporains. Donner à la masse ce qu'elle attend finalement : un changement profond de cette société la rendant plus humaine, plus proche, plus à son écoute. Les initiatives solitaires ou presque comme les menent AR depuis des années n'ont pas porté leurs fruits, je comprends mal pourquoi continuer dans une stratégie qui ne gagne et s'en donne peu de chance. Permettez aussi que je souligne que vos exemples de reaction sont souvent cantonnés dans la region Bretonne ou vendeenne, mais comment toucher des regions comme celle de Marseille, de Lille, ou du pays basque ou malheureusement l'idée royaliste ne fait meme plus partie de l'inconscient collectif ?
Je salue vos efforts et vous souhaite les meilleurs resultats. Cordialement.
Rédigé par : Brusquet | 24 avril 2009 à 10:02
Toute la démarche de l'AR est dans ce paragraphe de M. Chauvin : quote [La présentation aux élections, y compris européennes, est un moyen de diffuser plus largement nos idées et, d'ailleurs, cela force à se colleter aux dossiers politiques concrets, au-delà du simple discours théorique : et cela renforce la crédibilité des royalistes, capables de sortir des slogans et donc, de convaincre qu'ils sont à même de comprendre et d'agir sur notre temps et notre société.] unquote
Mais pour que cette démarche de propagande et notoriété soit efficace, il faut jouer le jeu de la crédibilité et le candidat doit attaquer l'électeur en lui montrant son impatience à réformer les choses depuis Strasbourg. C'est ce que fait M. Chauvin avec toute son énergie.
Ne faire qu'une campagne de notoriété serait contre-productif car l'auditoire zapperait tout de suite le candidat hors-sujet.
Dans le paragraphe ci-dessus il parle de "se colleter aux dossiers politiques concrets". Je pense que le projet de sécession trahit une certaine distance de ses promoteurs avec ces dossiers concrets. La politique même royaliste ne peut être toute théorique.
Moi-même sur Royal-Artillerie travaille à la vulgarisation de l'offre politique monarchiste avec pour première précaution de ne pas verser le vinaigre qui chasserait les mouches ... et de rester le plus possible les pieds au sol.
Rédigé par : Catoneo | 25 avril 2009 à 16:03
Quel faux procès ne nous fait-on pas en nous accusant de manquer de rigueur, nous qui n'oeuvrons pas moins à cette vulgarisation monarchiste à travers nos nombreux travaux. Seulement la recherche de projet politique concret ne doit pas occulter la nécessité de solutions parfois radicales. Celle-ci répond très concrètement aux questions les plus diverses (que je vous laisse nous poser...), et a même l'avantage de dépasser les innombrables contradictions de la bulle eurocompatible (souverainistes, identitaires, et autres "altereuropéistes" qui peuplent jusque chez les royalistes); mais développer toutes les conséquences pratiques de la sécession, comme de n'importe quelle action politique, on peut s'y amuser, on peut aussi s'y perdre: les circonstances auront peut-être changé d'ici qu'elle se réalise, trop de soins apportés aux détails auront été superflus. Ou comment, à trop vouloir être pragmatique, on en arrive à figer une pensée.
Ce qui importe, c'est que nous soyons convaincus de son caractère primordial et que nous mettions tout en oeuvre pour la réaliser. A très bientôt sur le blog de l'AFE pour plus d'explications http://www.afe-blog.com/
Rédigé par : Reinelde Maes | 25 avril 2009 à 23:21