Depuis dimanche matin, 700 soldats français sont
engagés dans une vaste opération militaire pour prendre le contrôle d’une zone
talibane en Afghanistan (la vallée de Tagab, à une cinquantaine de kilomètres à
l’est de Kaboul), zone dont sont partis, ces dernières semaines, plusieurs
« kamikazes » et qui sert de refuge aux groupes islamistes radicaux.
Là-bas, on ne commémore pas encore : on combat, on
tue et on meurt…
Je n’aime pas la guerre et je la crains : mais,
lorsqu’elle est là, il faut la faire, comme le rappelait le général de
Gaulle. Le débat sur la présence française en Afghanistan n’est pas un faux
débat, loin de là, et je ne suis pas sûr qu’il fallait « y aller » :
mais, la France y est, et il serait pire, aujourd’hui, de quitter le
terrain sur ce qui apparaîtrait alors comme une défaite, un recul…
Il faut rappeler aussi que la solution à la « question
talibane » n’est pas seulement militaire, mais avant tout politique.
Dans cette affaire, pourtant bien engagée à l’origine (à l’automne 2001), les
Etats-Unis ont manqué de sens politique et ont méconnu l’histoire de
l’Afghanistan comme ses traditions (toutes ne sont pas pour autant
honorables…), préférant placer un de leurs féaux à la tête du pays plutôt que celui qui pouvait, de par son
histoire personnelle et de sa charge symbolique, réconcilier les uns et les
autres, ou au moins calmer les craintes de la majorité ethnique
pachtoune : Zaher Chah, le roi (jadis renversé par son
cousin républicain, façon Fronde nobiliaire…), aujourd’hui décédé, semblait aux
Afghans eux-mêmes le « recours » et la possibilité de
retrouver une certaine visibilité politique pour l’Afghanistan sans renoncer à
sa liberté nationale. Les Etats-Unis n’en ont pas voulu et ont humilié les
chefs traditionnels de tribus par leur refus d’une solution « à
l’afghane ». On connaît la suite, et il est difficile de ressusciter
Zaher Chah…
Il est vain de se lamenter sur ce qu’il aurait fallu
faire, puisque cela n’a pas été fait. Mais il faut se prémunir contre les conséquences des erreurs
des Etats-Unis qui, s’étant placé à la tête de la coalition occidentale en
2001, nous ont engagés sans beaucoup de précautions dans ce guêpier afghan.
Désormais, le rôle de la France en Afghanistan
est d’aider à la formation d’une véritable armée afghane, mais aussi de
permettre la fondation et le fonctionnement d’écoles ouvertes aux garçons comme
aux filles, de centres culturels, d’aider l’économie afghane à s’autonomiser de
l’aide internationale, etc.
Certains parleront de « néocolonialisme »
ou d’ingérence dans les affaires d’un pays étranger : sans doute
faut-il y voir plutôt l’application d’un « devoir d’assistance à nation
en danger », pour éviter le pire, pour les Afghans comme pour leurs
voisins, mais aussi pour les pays européens qui, en cas de victoire des
talibans, pourraient difficilement refuser d’accorder l’asile aux centaines de
milliers de réfugiés afghans qui fuiraient la dictature islamiste…
Après la guerre, qu’il faut gagner, la France et ses
alliés dans cette affaire ne doivent pas oublier que c’est la paix qu’il
faut aussi, voire plus encore, gagner : rien n’est pire qu’une paix bâclée,
forcément grosse de conflits futurs !
L’histoire de la « guerre de trente ans »
selon l’expression d’Henri Massis, celle qui dura de 1914 à 1945 sur le
continent européen et bien au-delà, ne doit pas être oubliée : le pire
serait la commémoration rituelle sans la vive mémoire…