Le principe de nationalité, s’il n’apparaît pas sous ce vocable dans les lois fondamentales du royaume, est en fait consubstantiel à l’histoire et à l’essence même de l’Etat en France, et cela depuis les origines de celui-ci, au moins depuis l’élection du robertien Hugues Capet en 987 : cela tient à la volonté de ce dernier d’écarter les prétentions des derniers carolingiens encore hantés par l’idée impériale et de placer le domaine public hors des liens de vassalité. Désormais, le roi ne se pense pas comme « suzerain » mais comme « souverain », sur un territoire d’ailleurs plus réduit que celui sur lequel il a autorité sur des vassaux, mais qui est le point de départ de la construction de l’unité française.
Il est d’ailleurs significatif et révélateur que, sous le règne de Philippe Auguste, le « rex francorum » devient réellement et titulairement « roi de France », changement qui n’est pas anodin car il n’est plus de caractère « ethno-culturel » (les Francs) mais « stato-territorial » (la France).
Dans les siècles qui suivirent, le recours à la loi salique pour écarter les femmes du trône n’a comme véritable motivation que d’empêcher des « étrangers » à la France territoriale de monter sur ce trône « national » français : la « geste héroïque » de Jeanne d’Arc est la manifestation concrète de l’assimilation populaire de cette « nécessité d’appartenance nationale » du souverain à la terre et à la continuité du royaume de France, ce qui réduit à néant les prétentions anglaises, de nature encore féodales.
De plus, si le roi, traditionnellement, doit être « de la terre de France », cela lui permet d’épouser (c’est presque une obligation politique ou diplomatique…) une femme d’origine étrangère qui se « nationalise » par son mariage avec le monarque, même si elle peut être en butte à une certaine défiance populaire (voire une certaine xénophobie…) à l’égard de ses origines, comme ce fut le cas pour Marie-Antoinette née Autrichienne…
« Terre et roi ne font qu’un », formule valorisée par le film Excalibur de John Boorman, résume, d’une certaine manière, ce principe de nationalité que les légistes médiévaux n’ont pas jugé utile (car naturel à leurs yeux) de théoriser plus avant : il est vrai aussi que la « Nation » n’est pas encore devenue une théorie mais est alors vécue par les rois à travers leur propre histoire dynastique et l’incarnation par leur propre personne de l’Etat, et ressentie par les peuples eux-mêmes à travers leurs communautés et traditions.
Monsieur Chauvin, veillez tout d'abord, recevoir tous mes voeux pour cette nouvelle année.
En ce qui concerne, une dite loi de nationalité. Comment la comprenaient nos anciens légistes?
La loi salique, a-t-elle eu pour objet, l'exclusion des étrangers du trône de France, ou celui d'exclure, ceux qui n'étaient pas du "sang de France"? Là est toute la question et l'actuelle division des royaliste, sur la compréhension à donner aux fameuses lois fondamentales du royaume.
Ce n'est donc pas si simple. Même l'arrêt Lemaistre, n'est pas si clair que cela.
Il ne faut pas oublier que notre monarchie est statutaire et indisponible, aussi, d'où l'invalidité des renonciations: Utrecht, 1830 et les décisions de feu le comte de paris, passant par dessus la tête du prince François.
Bien à vous!
Rédigé par : Jean-François | 07 janvier 2010 à 17:07
Il me semble que limiter le principe de nationalité peut difficilement se résumer à l'exclusion des étrangers "au sang de France". Cette interprétation tardive, formulée par d'Aguesseau lors des discussions sur l'enregistrement des renonciations dites "d'Utrecht" est en effet redondante: un étranger au sang de France est, par définition, hors du champ d'application des lois fondamentales. On voit mal, dès lors l'intérêt d'une telle précision. De plus, cette interprétation pour le moins contestable ne tient pas compte du contexte de l'arrêt Lemaistre (candidature espagnole).
Quant aux renonciations de Philippe V d'Espagne et à leur nullité alléguée, il faut tout de même rappeler que leur enregistrement par le Parlement, en contradiction, c'est vrai, avec les lois fondamentales, a été voulu expressément par les "gens du Roi" audit Parlement, lesquels ont fait valoir la loi supérieure du "salus populi" et les impératifs de l'équilibre européen. Un traité est supérieur aux lois intérieures, sinon il n'y a plus de droit possible. Du reste, l'enregistrement de ces renonciations solennelles ne fut jamais rapporté et le fils de Philippe d'Orléans, ainsi que les aînés de ses descendants reçurent tous le titre de Premier prince du sang, lequel, depuis l'édit du 17 novembre 1595 désigne l'héritier présomptif en cas d'absence d'héritiers de la branche aînée. Henry IV précise lui-même dans son édit vouloir que son cousin Condé "soit reconnu et révéré comme premier prince du sang et héritier présomptif de cette Couronne jusqu’à ce que Dieu nous y ait donné des enfants".
Rédigé par : Léonie | 15 février 2017 à 01:34