La Grèce paie un prix très lourd à la démagogie et à l’illusion européistes, celles qui consistaient à accepter des pays dont les comptes publics n’étaient pas sûrs et étaient reconnus comme tels, mais elle a aussi sa part de responsabilité, indéniable, dans ce cauchemar qui, à terme, pourrait entraîner une déroute de l’euro et de l’Union européenne face aux Marchés et à ses concurrents, déjà loin devant depuis la crise (encore un mot-concept né en Grèce…) de 2008 (qui n’est jamais que la suite logique de celle de 2007 née aux Etats-Unis !), révélatrice et accélératrice des transferts de richesses et de pouvoirs des pays anciennement industrialisés aux pays émergents et en particulier à la Chine.
Souvenons-nous, la fin de l’année 2001, à quelques mois de l’entrée de l’euro dans les poches des citoyens d’une dizaine de pays : l’euro était partout vanté comme un véritable « bond en avant » (la formule aurait dû appeler à plus de prudence, au regard de ce qu’elle avait pu signifier en Chine quelques décennies auparavant…), un remède permanent contre les crises tout comme il signifiait la « solidarité européenne » : une monnaie unique avant une Europe unique, en somme. Et quand la Grèce avait annoncé, triomphalement, qu’elle répondait aux critères d’admission dans la zone euro, les membres de la Commission européenne avaient vanté les vertus d’une aventure monétaire qui, par sa seule existence, permettait des « miracles » et « moralisait les politiques économiques et sociales » (sic !)… J’exagère ? Et non ! Il suffit juste de se replonger dans la lecture des journaux de l’époque pour relire, à longueur de colonnes et de déclarations toutes plus assurées les unes que les autres, ce que je viens de résumer en quelques lignes ! Faîtes l’expérience, mais attention : c’est cruel pour ceux qui « y ont cru » et qui, aujourd’hui, voient leur beau rêve s’effondrer dans les cris, la fureur et les larmes…
Mais, aujourd’hui, que faire ? Car il peut être réjouissant de constater que l’on a eu raison jadis et que les événements viennent confirmer nos anciennes prédictions, mais cela n’est guère politique et s’avère tout aussi inutile pour résoudre la crise que pour envisager l’avenir.
D’abord, comprenons bien que, pour l’heure, l’euro existe et qu’il faut en tenir compte : la politique n’est pas de nier ce qui est mais de changer ce qui est si besoin est. Certes, à écouter les économistes sur BFM (émission « Good Morning Week-end », ces dernières semaines), l’euro est « mal barré » (les mots choisis étaient parfois plus rudes encore !), et la géographie de la zone euro pourrait être modifiée plus rapidement qu’on ne le croit, par exemple par la sortie de la Grèce ou de l’Espagne… En attendant, la Grèce, acceptée jadis sur des comptes falsifiés par une Commission européenne trop contente d’inscrire un onzième pays dans la zone euro (sur quinze pays à l’époque dans l’UE) pour forcer la main au Royaume-Uni (qui, plus prudente, ne voulait pas renoncer tout de suite à sa souveraineté monétaire), est encore dans cette zone euro et, même si elle n’y était pas (ou plus…), il me semble logique de ne pas l’oublier et surtout de ne pas la laisser tomber au moment où les errements des uns et des autres l’ont mené au bord d’un précipice dont on n’aperçoit pas le fond… Car, si l’Union européenne existe, n’est-ce pas « pour le meilleur comme pour le pire » ? Ou alors, tous les discours sur « l’unité européenne », sur cette grande fraternité des peuples du continent (mal défini au demeurant…), ne seraient-ils que du vent et le simple alibi d’une construction économique qui oublie les hommes pour ne voir que « les affaires », ce que les Anglo-saxons nomment « le business » ? J’ai bien peur que la construction européenne ne soit aujourd’hui plus que celle d’un vaste supermarché où règnent la concurrence et la loi du plus fort, et où les salariés et les peuples servent de variables d’ajustement… L’attitude des banques européennes, renflouées par les Etats et soutenues par la Commission européenne, est, à cet égard, scandaleusement révélatrice, sans parler de la banque états-unienne Goldman Sachs dont on découvre chaque jour un peu plus qu’elle a participé, et participe toujours, à une vaste manipulation des spéculateurs contre les finances et les économies de la zone euro !
Je ne suis pas un européiste fervent, c’est le moins que l’on puisse dire : mais je ne supporte pas non plus l’hypocrisie qui consisterait, pour ceux qui se disent ou veulent « européistes », à dénier à la Grèce sa place dans l’Union parce qu’elle serait « un poids pour l’Europe »… D’autant plus que ce sont souvent les mêmes qui vantent, à longueur de colonnes, les beautés de la mondialisation, de l’ouverture au monde que celle-ci représenterait, et les vertus du libre-échange ! Or, le premier des devoirs de l’Union européenne n’est-il pas d’aider ses propres membres quand ceux-ci souffrent, et même si, je le répète, la Grèce est en grande partie responsable de ses souffrances actuelles ? Ou alors, et cela confirmerait un sentiment ancien (et que je pensais disparu) en mon for intérieur, l’Union européenne n’est qu’une vaste escroquerie destinée à faire avaler la pilule d’une mondialisation libérale (ou plutôt « libéraliste ») aux citoyens des Etats qu’on a progressivement désarmé de leurs attributs souverains et politiques pour les rendre inoffensifs face à la « gouvernance mondiale », nouveau nom du règne de l’Argent au niveau mondial, nouvel argument et nouvelle stratégie de cette « fortune anonyme et vagabonde » (formule qu’il s’agit de lire et de comprendre littéralement) qui se moque bien du sort de la planète et de ses habitants et ne pense qu’en termes de rentabilité et de profits...
Les masques tombent, et le (vrai ?) visage de l’UE apparaît aujourd’hui sous les traits hideux de l’égoïsme et du cynisme ! Et pourtant, tout nationaliste français que je sois, attaché au sens capétien de l’Etat et de la géopolitique, fidèle à « une certaine idée de la France » qui implique des devoirs envers les plus faibles, je suis persuadé qu’il y aurait d’autres moyens pour animer et faire vivre, aux yeux des citoyens comme du monde entier, cette « Union européenne » aujourd’hui oublieuse des leçons de l’histoire et des réalités humaines et sociales. Mais, pour donner un autre sens à l’Union, encore faudrait-il travailler à rendre, en France, au plus « démocratiquement proche » de nous, un autre visage à l’Etat et à sa magistrature suprême… En somme, une Monarchie sociale, un Etat « à cœur humain », responsable et libre, capable de rendre son véritable sens au politique, sens qui peut se résumer en un verbe : « servir » !
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