Le récent mariage royal anglais a été l’occasion, en France comme dans de nombreux pays, de nombreux reportages, émissions et articles sur la monarchie, sur l’idée royale et pas seulement sur les institutions royales du Royaume-Uni, et il me faudra sans doute prochainement en faire une revue de la presse pour en apprécier tous les aspects et les apports à la réflexion sur la monarchie elle-même.
Mais j’ai vécu cette journée plus à travers les autres que par mes propres yeux : ainsi, le matin, alors que je corrigeais des copies, la télé retentissait des premières notes de la fête royale et montrait des lieux symboliques de Londres, décorés de l’Union Jack, en attendant le début des festivités. Je regardais le comptoir et le spectacle en était drôle, et sûrement pas très républicain : plusieurs personnes y étaient accoudées, mais se tournaient au risque du torticolis vers l’écran, comme fascinés par ce qui n’étaient encore que les prémisses de la cérémonie. Il y avait là une femme d’une certaine corpulence, habillée d’une vieille robe à fleurs bien fatiguée et qui traînait avec elle de gros sacs en toile remplis de provisions ; un vieil habitué du comptoir qui n’en était pas à son premier « petit blanc » du matin ; un cadre quadragénaire, sérieux et déjà stressé par ce qui l’attendait sûrement au bureau ; un jeune dégingandé portant un blouson usé et qui avait un bulletin de jeux entre les doigts ; etc. Une sorte de résumé de la société, en somme… Tous n’avaient d’yeux que pour le spectacle londonien pourtant encore bien immobile ! Les mêmes qui d’ordinaire se plaignent (avec raison, d’ailleurs) des difficultés du moment, semblaient attendre que la fête commence pour se retourner complètement vers la télévision : une sorte de communion avec la fête anglaise…
Cette scène était d’autant plus amusante que, de toutes les personnes qui passaient dans le café ou qui y travaillaient, je semblais, moi le vieux royaliste, le plus indifférent…
Arrivé au lycée, dans la salle des profs, le sujet de conversation sur lequel je tombe était, j’aurai dû m’en douter, le mariage… Un brin d’ironie, un zeste d’agacement chez certains collègues, les mêmes qui avoueront le lendemain que « la cérémonie était belle » et « la mariée jolie »… L’occasion tout de même d’évoquer l’avantage d’une monarchie qui nous donnerait « une famille à suivre » comme dans une sorte de feuilleton de génération en génération, « une famille à aimer » et dans laquelle tout le monde, à travers ses joies et ses malheurs, pourrait se reconnaître aussi : en somme, une famille qui humaniserait un peu le Pouvoir, en incarnant sa magistrature suprême et symbolique… Et les collègues de comparer avec l’actuel locataire de l’Elysée ! Comparaison qui n’était pas à l’avantage du président français…
Dans le couloir, une scène étonnante m’attendait : des élèves étaient penchés sur leurs téléphones portables et regardaient la cérémonie sur leurs petits écrans, comme de véritables midinettes. L’après-midi, c’est toute une classe de Première S qui me demandera de suspendre mon cours le temps de « la scène du balcon », en attendant de voir le « baiser princier » ! Etonnant, non ?
« Le charme séculaire de la monarchie », disait Jaurès…
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