le colonel Kadhafi était un tyran mégalomane, qui avait renversé une monarchie pour établir une république à son profit et vanter une « révolution verte » qu'il voulait étendre à toute l'Afrique : un Robespierre exotique, en somme... Dans les années 70, une certaine Gauche anticolonialiste voyait en lui un « libérateur » comme elle voyait en Mao ou en Castro des guides ! Cruelle illusion...
Ce triste despote aux tenues chamarrées et aux comportements mythomanes était « l'idiot utile » d'un système mondial qu'il prétendait un jour combattre pour mieux, le jour d'après, s'en faire accepter : après avoir été un épouvantail, il était devenu « fréquentable » par les Européens depuis qu'il contrôlait et limitait les flux migratoires africains vers l'Europe. Sa recherche de respectabilité convenait d'ailleurs aux multinationales pétrolières qui le finançaient et le légitimaient, mais aussi aux gouvernements de l'Union européenne qui le recevaient dignement, et même avec quelque faste, en lorgnant sur son pétrole mais aussi sur les immenses réserves aquifères fossiles du sous-sol de la Libye.
A l'époque, lorsque M. Sarkozy le recevait en grande pompe pour le remercier de la libération des infirmières bulgares (entre autres), et accédait au souhait du dictateur libyen de pouvoir planter sa tente en plein Paris, le descendant du roi Idriss de Libye chassé par le coup d’État kadhafiste de 1969 était ignoré par les gouvernements européens et en particulier par celui de M. Fillon : le prince-héritier du trône de Libye avait beau tempêter contre le tyran, il ne recevait le soutien de personne, pas même de la secrétaire d’État aux droits de l'homme, Rama Yade, pourtant critique à l'égard du « Guide libyen » ! Enfermé dans une chambre d'hôtel en face du lieu où paradait le colonel Kadhafi, le prince de la dynastie Sanussi pouvait mesurer l'indifférence des pouvoirs de la République française envers la situation des libertés dans sa Libye natale ; aujourd'hui, il peut en mesurer l'hypocrisie...
L'intervention française en Libye, pour tardive qu'elle ait été, était, sinon légale, parfaitement légitime et elle a montré, au-delà des prouesses techniques des avions Rafale, que notre pays était encore capable de s'engager dans un conflit militaire pour des raisons qui n'étaient pas « que » pétrolières ou de « suivisme », et il serait malvenu pour ceux qui se disent nationalistes français de dénigrer cette opération qui a montré que la France savait encore « manier l'épée »... En ces heures incertaines sur le plan international, cela n'est sans doute pas inutile !
Tout cela étant dit, il me faut aussi dire ma colère et ma honte devant la scène ignoble de ce jeudi 20 octobre, le lynchage d'un dictateur déchu, sanglant, mais qui n'en est pas moins homme : prisonnier, et c'était une bonne nouvelle que son arrestation, le colonel Kadhafi est devenu une proie entre les mains de rebelles qui, au regard de leur acte atroce et effrayant, ne valent guère mieux que celui qu'ils combattaient. Cet homme ensanglanté que les images filmées nous montrent bien vivant, regardant ses mains rougies de son propre sang et comme étonné d'être ainsi blessé et livré à ses ennemis, ce salaud même pas lumineux est alors frappé, torturé, dépecé, avant que d'être abattu d'une balle dans le flanc : quelle ignominie que cette exécution sans procès, quelle lâcheté que celle de ses bourreaux qui s'acharnent à vingt contre un, comme si la peur que le tyran leur avait imposée si longtemps devait se muer en sauvagerie pour se faire oublier...
Que des gouvernements démocratiques et une Union européenne qui, décidément, se déshonore chaque jour un peu plus entre compromissions et hypocrisie, se félicitent de cette fin-là d'un tyran, me révulse : pas cela, pas comme cela !
Quelle différence entre la sauvagerie passée de Kadhafi et la jubilation morbide et vengeresse de ces démocraties qui, dans le même temps, se prosternent chaque matin devant la Chine et autres dictatures aussi triomphantes parmi les puissances pétrolières ou émergentes ?
M. Kadhafi était un tyran, mais il avait droit à un vrai procès, et il avait droit au respect que l'on doit à tout homme, même inhumain. Je n'aime pas la vengeance aveugle ni la lâcheté et je défends l'idée que même le pire des salauds ne doit pas être traité comme lui-même traitait ses victimes : sinon, comment pouvons-nous affirmer que nous valons plus que lui, que nos valeurs sont meilleures que les siennes si, en fait, nous appliquons les siennes au détriment de notre idée de la justice ? Dans cette sinistre affaire, c'est bien la barbarie qui a triomphé : qu'elle soit ou se dise « démocratique » n'enlève rien à ce qu'elle est et ce qu'elle reste, toujours barbare, toujours ignoble !
merci pour votre esprit libre et lucide.Je constate que nous ne sommes pas nombreux.Il y beaucoup plus d'esprits serfs.
Bien cordialement
Rédigé par : JC | 22 octobre 2011 à 12:30