Vendredi soir, ce 23 décembre jour de mes 49 ans, la tempête a soufflé fort sur la Côte d'émeraude, après une journée qui n'annonçait pas, pourtant, cette colère d'Eole ! La pluie s'en est mêlé, frappant avec violence la grande baie vitrée de la véranda et, surtout, inondant le court chemin qui mène à la maison familiale : or, ce dernier fait ne m'est pas apparu normal, ne serait-ce qu'au regard de mes souvenirs... Comment ce chemin, qui en a vu bien d'autres, pouvait-il se retrouver ainsi gorgé d'eau en quelques minutes et devenir une véritable mare aux canards (sans les volatiles, d'ailleurs...) ?
La réponse est toute simple et tristement contemporaine : l'artificialisation des terres ! Je m'explique : lorsque j'étais jeune, la propriété familiale était bordée par de vastes champs ou de grands jardins et, en face de l'entrée, au lieu d'un lotissement, de grandes prairies servaient de terrain de jeux à quelques bonnes vaches laitières... La pression touristique et résidentielle a transformé tout cela en pavillons ou en grandes maisons, avec piscine pour certaines, et la terre a disparu sous le bitume, le béton et le ciment, tandis que les fossés étaient irrémédiablement comblés : cette artificialisation empêche la terre de respirer et, surtout, l'eau de s'infiltrer rapidement, ce qui explique « l'inondation » désormais récurrente du chemin familial... Mais cette inondation est donc plus la conséquence de l'activité humaine que de la nature elle-même, et elle se « nourrit » régulièrement et « éternellement » de cette anthropisation... Plus de béton, plus d'inondation, dans ce cas-là !
Que peut-on faire à cela ? L'urbanisation des campagnes littorales de ces dernières décennies est un fait, ce n'est pas forcément un bienfait, et ce mouvement s'est accéléré ces dernières années avec plus de 82.000 hectares de terres agricoles disparus en moyenne entre 2006 et 2010, au moment même où la question alimentaire mais aussi la question énergétique nécessiteraient une mobilisation générale et organisée de toutes les possibilités de production agricoles nationales.
Il faut inverser le processus ou, au moins dans un premier temps, le freiner : pas facile dans une société de consommation toujours vorace de matières premières et d'espaces, et avec la logique libérale qui prévaut, car certains y verront une limitation de la liberté économique ou de la propriété privée, d'autres brandiront le spectre du chômage pour les entreprises du bâtiment...
Quelques pistes peuvent être creusées, comme celles de constructions moins individuelles, de « maisons communautaires » avec un mode de « propriété alternée » ou de petits immeubles de deux ou trois étages qui serviraient à plusieurs familles dans le même temps : l'avantage est de permettre une meilleure occupation du mètre carré et une moindre pression sur l'espace rural ou/et littoral. D'autre part, une réhabilitation du bâti rural dans des zones aujourd'hui en déshérence aurait le double avantage de loger des familles et de donner du travail aux entreprises du bâtiment et à leurs sous-traitants, et donc de redynamiser des espaces aujourd'hui sous-exploités et sous-valorisés. Bien sûr, il faut, au-delà des projets locaux, une véritable politique d'aménagement du territoire impulsée par l'Etat, et une volonté « en haut » pour la mettre en pratique.
A l'heure où « la Crise » frappe nos sociétés, c'est aussi par la réflexion et le travail sur l'organisation même de notre pays que l'on pourra trouver des solutions « proches » qui pourront redonner de l'espérance pour nos concitoyens et de la vitalité à la société française, mais aussi faire que l'anthropisation croissante de nos territoires ne soit pas synonyme de déshumanisation de ceux-ci...
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