J'ai tenu une conférence jeudi 19 avril à Rennes sur les lendemains de l'élection présidentielle, sur cette sorte de « gueule de bois » qui attend sans doute la France, au petit matin du 7 mai et dans les semaines et mois à suivre, quel que soit le malheureux élu le 6 mai au soir...
En voici les principales lignes, en trois parties :
1. Programmes et promesses des candidats, et montée des colères françaises.
Les programmes et les promesses des différents candidats à l'élection présidentielle, et en particulier ceux des deux principaux favoris, semblent négliger les réalités de la crise et les données actuelles de la mondialisation, ce que soulignent avec une certaine condescendance malsaine les journaux économiques des pays étrangers (en particulier anglo-saxons et germaniques), comme le New York Times, ou des éditorialistes français comme Claude Imbert dans Le Point, entre autres : certains parlent, non sans raison, d'une « campagne hors-sol »...
Ces critiques sont bien sûr largement fondées mais elles ne sont pas non plus sans arrière-pensées : le New York Times ou les principaux médias économiques, dont BFM business en France, sont souvent très représentatifs de ces milieux d'affaires mondialisés, de ces grandes institutions financières et économiques qui animent les Bourses et les échanges internationaux, représentatifs de ce que l'on pourrait appeler « la finance anonyme et vagabonde », jadis dénoncée par le duc d'Orléans dans les années 1900 avant de l'être par M. François Hollande dans son fameux discours-programme du Bourget... Je cite ses extraits qu'il conviendrait de retenir et de lui rappeler lorsqu'il sera aux commandes du pays (s'il est élu, naturellement) : « Je vais vous dire qui est mon véritable adversaire. Il n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c'est le monde de la finance. »
S'ils sont sévèrement jugés par les médias européens et internationaux, voire français, les propos et programmes des grands candidats répondent aussi, et en cela ils vont à l'encontre des réalités (même s'il n'est pas impossible de vouloir les changer, d'ailleurs : encore faut-il reconnaître d'abord ce qui est avant d'envisager de le modifier...), à un besoin de « rêver », d'imaginer « autre chose » que ce qui existe et fait souffrir... En somme, les programmes et les promesses, nombreuses même si, chez les grands candidats elles restent « prudentes » et plutôt minimales au regard de l'enjeu présidentiel, entretiennent une sorte d'illusion rassurante sur l'état de la France et son avenir.
Néanmoins, aussi réservées soient-elles, ces promesses engagent plus de dépenses qu'elles ne permettent d'économies, et elles ne sont pas toutes financées, c'est le moins que l'on puisse dire : les candidats semblent oublier que les ressources financières de notre pays et de ses contribuables ne sont pas illimitées et pas toutes renouvelables...
Au-delà des deux favoris des sondages, désormais en course pour le second tour, les programmes des autres candidats et surtout leurs discours donnent l'impression d'une « campagne-défouloir », d'un flot de paroles vengeresses et de propositions apparemment plus improbables ou plus démagogiques les unes que les autres, ce qui n'est pas forcément vrai, d'ailleurs.
En fait, cela traduit sans nul doute la montée des colères, au-delà de la crainte du déclassement social, une montée bien réelle et que j'ai déjà évoquée maintes fois au travers de mes notes ou de mes prises de parole.
J'en compte quatre principales, quatre types : 1. colère contre la politique de M. Sarkozy, contre sa tendance « bling-bling », celle-ci étant ressentie comme « l'arrogance des puissants », principalement confondus avec « les riches » ; 2. colères sociales contre les délocalisations, les fermetures d'usines, la disparition des écoles et des services publics dans les campagnes, contre ce qui apparaît pour les Français comme des conséquences, voire des aspects mêmes de la mondialisation « libérale », avec tous les drames sociaux que cela engendre... ; 3. colère contre les « fausses promesses » de l'Union européenne, de sa monnaie unique qui devait protéger de la crise et ne semble avoir fait que l'aggraver en condamnant les moins aisés des Européens à une austérité si mal vécue alors que la Société de consommation nous enjoint, par la séduction publicitaire, à « consommer toujours plus pour être » (sic !)... ; 4. colère contre le « déni » politicien et européen du vote « non » des Français (et des Néerlandais) au référendum sur le Traité constitutionnel européen de 2005 : « à quoi bon voter, puisque cela ne sert à rien ? », entend-on souvent désormais dans de nombreuses discussions politiques, formelles ou non...
Il y a aussi un autre sentiment qui court dans de larges parts de l'Opinion publique, celui d'une « campagne pour rien », d'un « circus politicus » pas vraiment crédible car les médias étrangers, relayés par quelques journaux hexagonaux, nous annoncent que, pendant le temps de cette campagne, l'Union européenne s'impatiente (les réformes structurelles ne vont pas assez vite, selon la Commission européenne...), et que c'est elle, l'Allemagne ou les Marchés qui vont vraiment décider, au-delà de l'expression populaire des deux dimanches d'élection présidentielle.
Certains en concluent qu'il ne sert à rien de voter ni de militer puisque le vrai coeur de l'action politique et de la décision sociale se trouve hors de France, et que le résultat des urnes risque de ne pas peser lourd face aux exigences bruxelloises ou aux traités européens, règle d'or budgétaire et autres règles d'un métal moins noble...
En même temps que ce sentiment d'impuissance et une certaine déception des Français devant l'apparente incapacité des politiques à pouvoir contrebalancer les décisions prises à Bruxelles, à Berlin-Francfort ou par les Marchés, il y a dans notre pays une demande forte de politique par les Français, comme un écho à la fameuse formule du général de Gaulle : « la politique de la France ne se décide pas à la Corbeille », complétée par cette autre citation plaçant le politique en maître souverain : « l'intendance suivra ! ».
Et les programmes présidentiels, justement ? En fait, malgré leur apparente déconnection des réalités pour certains ou leur volontarisme sans moyens pour d'autres, tout n'est pas à jeter ou à rejeter, loin de là, mais (et c'est le malheur de la division et du principe de la disputation présidentielle...) les idées intéressantes se trouvent dispersées dans les différents programmes (les idées néfastes aussi, d'ailleurs...), et, du coup, perdent une grande part de leur visibilité comme de leur crédibilité...
Pourtant, les idées de la maîtrise de notre destin national selon M. Dupont-Aignan, d'un plus grand soin apporté à la gestion des matières premières de Mme Joly, d'une meilleure prise en compte du travail ou d'une plus grande justice sociale (idées qui apparaissent « transversales » et dont on peut retrouver des éléments dans quasiment tous les programmes...), etc. sont des idées qu'il conviendrait d'harmoniser pour les pratiquer à la tête de l'Etat.
Cela étant, il faut bien reconnaître que les idées les plus intéressantes et les plus prometteuses pour l'avenir de notre pays n'ont guère été développées dans cette campagne, dans laquelle on a trop peu parlé de la ruralité, de l'aménagement du territoire, mais aussi de l'environnement (la faute aux « Verts », d'ailleurs...), de la francophonie, de l'enseignement et des programmes scolaires (des questions pas forcément négligeables, non ?), etc. Les absences sont parfois tout aussi révélatrices que les discours eux-mêmes...
(à suivre : 2. Pendant ce temps, la crise continue...)
L'economie d'un pays est un tout et doit bien sur aussi prendre en consideration, le monde rural, l'amenagement du territoire et pas seulement la fiscalite. Qu'en sera-t-il des promesses des candidats ? L'avenir le dira.
Rédigé par : options binaire | 06 juillet 2012 à 17:09