Samedi 30 juin se tiendra, à Versailles, la première Journée d’études du Groupe d’Action Royaliste, journée que j’animerai avec mon ami Frédéric Winckler et qui, l’après-midi, portera sur la stratégie politique des royalistes et sur les moyens de faire progresser les idées monarchistes dans notre pays. Cela annonce sans doute quelques débats intéressants, peut-être vifs, mais en tout cas nécessaires, à mon sens, à l’heure même où nombre de nos compatriotes se sentent perdus dans une mondialisation de moins en moins lisible et dans une société de plus en plus étouffante en même temps que trop fluide, trop « nomade »…
Il y a quelques semaines, « La Toile », revue de la communauté monarchiste SYLM (Support your local monarch), a publié un article que j’avais écrit sur mes propositions stratégiques pour un royalisme en période d’élection présidentielle : je le publie aujourd’hui à nouveau, désormais sur ce site, en espérant qu’il suscitera chez les royalistes de toutes les tendances quelques réflexions, propositions ou critiques constructives…
Etre royaliste en temps de présidentielle : ébauche et essai d’une stratégie individuelle en l’espérant, pour l’avenir, collective…
Il ne doit en rester qu'un... et il n'en reste qu'un au soir du second tour : l'élection présidentielle, « reine des élections » en France (hommage du vice à la vertu, diraient certains...), est un moment fort, sans doute le plus fort, de la vie politique française, et il serait dommage que les royalistes qui parlent tant de politique tout au long de l'année se réfugient dans une sorte d'exil intérieur en ce moment-là... Au contraire ! C'est l'occasion de réfléchir, de discuter, de proposer en tant que royalistes, et il n'est pas inintéressant de chercher les meilleurs moyens de parvenir à faire entendre la parole monarchiste au cœur de l'arène politique.
Il y a plusieurs manières de faire du royalisme en période de présidentielle : présenter un candidat sous les couleurs du royalisme ou avec le soutien d'une organisation monarchiste pour évoquer quelques thèmes qui nous sont chers. Mais la difficulté actuelle pour récolter les 500 signatures de maires obligatoires pour avoir droit de concourir a empêché toute candidature d'aboutir à la présentation effective devant le corps électoral depuis 1974 et la candidature de Bertrand Renouvin. Les vaines tentatives, justement parce qu’elles furent vaines, de M. Renouvin en 1981 puis de MM. Adeline et Villenoisy en 2007 et 2012, si elles n'ont pas été complètement inutiles, ont néanmoins, dans le cadre d'une République qui accorde tant d'importance à l'élection de son magistrat suprême, « invisibilisé » la famille monarchiste, désormais cantonnée, aux yeux des médias, aux commémorations et au folklore et, pour le pire, à des attitudes et à des expressions qui apparaissent bien fâcheuses pour l'Opinion publique...
Autre moyen de faire du royalisme : s’allier ou, plutôt au regard des forces actuelles des mouvements royalistes, se rallier à une candidature républicaine, de Droite ou de Gauche. L’inconvénient majeur est que, du coup, l’intérêt qu’autrui pourrait avoir pour le message monarchiste disparaît devant le simple choix fait du candidat et que les questions posées alors aux royalistes n’auront plus grand-chose à voir avec la singularité royaliste, ses idées ou ses propositions : triste sort des « ralliés » que de devoir défendre, du coup, des positions qui ne sont pas exactement « leurs »… La chose serait bien évidemment différente si les effectifs royalistes étaient assez important pour que ce ralliement apparaisse comme une alliance susceptible de quelque utilité pour le candidat choisi ou pour sa candidature.
Alors, en attendant mieux, le plus urgent lors d’une campagne présidentielle, c’est de… faire du royalisme, tout simplement ! Cela signifie assumer ses couleurs et son originalité politique : d’abord en abordant des sujets éminemment politiques et qui permettent, en définitive, de démontrer aussi les insuffisances de l’actuelle « Républiquarchie », trop républicaine pour ce qu’elle a de monarchique, trop monarchique pour ce qu’elle a de républicain…
Justement, ce qui a été marquant dans la campagne présidentielle qui vient de s’achever, c’est l’absence de certains thèmes et le manque de visibilité de certains autres, alors que les drapeaux et les slogans, eux, flottaient au vent dans un tourbillon de couleurs destiné à occulter, sans doute, les douleurs actuelles et à venir… Or, il y aurait eu tant à dire sur les différentes formes de pauvreté et les moyens de les combattre ou d’en atténuer les effets ; sur la possibilité et la nécessité d’une « révolution doublement verte » en agriculture pour, à la fois, nourrir tout le monde et au plus proche en priorité, et pour trouver les moyens d’une agriculture respectueuse de l’environnement et de la diversité végétale comme animale ; sur l’aménagement du territoire, les questions de l’artificialisation intensive et dévastatrice des terres, et le télétravail susceptible de permettre le maintien dans les zones rurales de familles obligées aujourd’hui de s’entasser en périphérie des zones urbaines ; sur la dramatique émigration des « jeunes pousses » françaises, formées dans nos lycées et grandes écoles (entre autres) qui coûte des dizaines de milliards à la France chaque année ; sur le développement énergétique des littoraux français, entre énergie houlomotrice, marémotrice ou hydrolienne, et la fabrication des carburants à base d’algues, véritables « mines d’or » qui peuvent permettre à notre pays de résoudre sa question énergétique en moins d’une décennie si l’on veut bien se donner la peine de « lancer » les choses ; sur les questions ultramarines et la nécessité d’une vaste réforme des institutions d’Outre-mer ; tout cela sans négliger les questions européennes et les moyens de répondre aux défis de la globalisation et de cette « grande transition » aujourd’hui profitable aux nouvelles puissances émergées, et bien sûr à la difficulté du désendettement public…
En parlant de cela, en discutant et en travaillant sur des pistes concrètes et prospectives aussi, les royalistes montrent leur utilité et leur motivation à ne pas attendre la prochaine catastrophe ou le prochain millénaire pour intervenir en politique, dans le débat comme dans l’action. De plus, par l’inventivité (je n’ai pas dit l’utopie ou le délire…) ; par la volonté de trouver des solutions aux problèmes d’aujourd’hui et de demain (qui se prépare aujourd’hui, d’ailleurs : ne jamais suivre les trains, mais les précéder, ou les annoncer…) ; par le sérieux de notre travail intellectuel et la crédibilité de nos propositions, par leur capacité à répondre aux inquiétudes et aux souhaits (s’ils sont pertinents, car nous ne visons pas la seule popularité ou reconnaissance populaire, mais le Bien commun…) de nos compatriotes : nous serons à mêmes de crédibiliser et de banaliser le cœur de notre message, la question institutionnelle politique.
Car il n’y a pas à mettre notre drapeau fleurdelysé dans la poche, au contraire, mais à montrer combien ce que nous proposons aurait les meilleures chances de se réaliser dans de bonnes conditions avec un régime politique qui s’inscrirait, par son histoire et surtout par sa nature « transgénérationnelle » (du fait de la transmission héréditaire et successible) dans la durée nécessaire, comme le rappelait il y a quelques temps, le philosophe Michel Serres, à la réalisation des grandes politiques qui déterminent le cours d’une nation et d’un Etat. La démonstration monarchiste, qu’il n’est pas le lieu ici de reprendre à nouveau, trouve aussi et sans doute d’abord son meilleur carburant dans la proposition plutôt que dans l’opposition sans fond et la dispersion partisane…
Etre royaliste est une chance, sans doute, mais ne doit pas se limiter à se regarder au matin dans la glace en murmurant « vive le roi », puis en se fondant dans la criaillerie anonyme de la société de consommation et de distraction… Le commentaire journalier de l’information, à l’oral comme à l’écrit, par l’imprimé comme par la toile ; la discussion quotidienne et parfois impromptue sur son lieu de travail, au café ou dans la rue, ou encore dans le métro et le magasin ; etc. sont des actes qui prennent d’autant plus de valeur et de force que nos concitoyens sont sensibilisés à la période électorale et, au-delà, à la vie sociale quotidienne qui inclut aussi la politique. Ne négligeons pas non plus la colère et la protestation lors des plans sociaux qui frappent parfois non loin de nous : celui qui resterait dans l’éther des idées et se contenterait d’avoir raison ne sera jamais entendu et sa cause sera perdue ! De la parole à l’action, de l’idée à la réalisation, voici la logique d’un royalisme vivant, et efficace…
Jean-Philippe Chauvin