Il y a quelques semaines déjà, je prononçais un discours au traditionnel banquet de rentrée du Groupe d’Action Royaliste, discours consacré à ce qui, d’ailleurs, avait aussi été l’objet d’une campagne militante cet été, en particulier à Rennes : les délocalisations. Inutile de préciser, a priori, que je suis un farouche adversaire de ces fameuses délocalisations qui, aujourd’hui, participent de ce mouvement plus vaste de désindustrialisation de notre pays, mouvement lui-même motivé par la mondialisation, plus encore « idéologie » avant que d’être une réalité dont les aspects ne sont pas tous heureux, loin de là…
Voici ci-dessous une première partie de ma conférence du 23 septembre dernier.
Le phénomène des délocalisations est déjà ancien dans notre pays et elles sont à l’origine surtout motivées par l’intérêt de fabriquer à proximité des marchés de consommation que les entreprises françaises cherchaient à conquérir : ainsi, fabriquer au Brésil pour vendre en Amérique du sud ou en Inde pour atteindre les marchés asiatiques. Mais les délocalisations suivantes eurent une autre finalité : fabriquer à moindre coût (salarial, social, fiscal, environnemental) pour l’entreprise des produits destinés à être transportés puis vendus sur notre marché national, avec l’idée et le calcul de faire plus de bénéfices pour les industriels et les actionnaires, alléchés par cette promesse de revenus mirifiques permis par la fabrication en ces pays éloignés en kilomètres mais proches en temps grâce aux moyens de transport modernes et au carburant peu coûteux.
D’ailleurs, le consommateur français ne devait-il pas gagner lui aussi à ces délocalisations, puisqu’il paierait son électroménager ou ses jouets beaucoup moins cher, comme le lui promettaient entreprises et grandes distribution ?
En fait, ces délocalisations permettaient surtout aux fabricants d’échapper à certaines obligations sociales, fiscales ou environnementales, celles-là mêmes que notre pays avait mises en place tout au long d’une histoire industrielle parfois tumultueuse… Désormais, les délocalisations étaient et sont, pour la plupart, simplement spéculatives.
Ce phénomène des délocalisations est aggravé mais aussi motivé ou « légitimé » par la mondialisation et le libre-échange sans entraves : le « made in world » devient, d’une certaine manière, la norme et les entreprises, leurs actionnaires et financiers plus encore que les chefs d’entreprise, mettent ainsi en concurrence les salariés (et les règles sociales et fiscales…) de tous les pays pour abaisser les coûts de production, les ouvriers n’étant plus que les variables d’ajustement de la production mondiale.
Cela a d’abord concerné les entreprises industrielles, qu’elles soient automobiles, électroniques ou textiles, par exemple, au risque, d’ailleurs, de baisser la qualité et la sécurité même des produits, moins résistants et moins durables. Sans oublier les conséquences environnementales parfois désastreuses : les pollutions désormais interdites ou sévèrement réprimées en France sont, elles aussi, « délocalisées » dans les pays-ateliers… De plus, l’exploitation des populations ouvrières locales s’avère effrayante dans ces pays « nouvellement » industrialisés, et les témoignages nombreux sur la situation des prolétaires (un terme qui avait pratiquement disparu du vocabulaire social français ces dernières décennies…) de Chine, d’Inde ou du Vietnam n’y changent pas grand-chose, malheureusement : les consommateurs français ne veulent voir, et c’est assez logique sinon normal, que le produit moderne et qui leur semble désormais indispensable (grâce à la séduction publicitaire et à la « normalisation technologique ») qu’ils ont entre leurs mains, dans leur salon ou leur garage... Le reste leur importe peu, malheureusement, et ils n’éprouvent guère le besoin de se renseigner sur les conditions réelles de la fabrication de « leurs » objets… Et pourtant !
(à suivre)