Ce mardi 30 avril, les Pays-Bas changent de Chef d’Etat sans drame ni querelle, sans grandiloquence des discours et sans programme de promesses démagogiques : la reine Beatrix, 75 ans, abdique en effet 33 ans exactement après sa mère la reine Juliana, et cède la place à son fils aîné, le prince Willlem-Alexander d’Orange. Un nouveau souverain qui rajeunit l’institution comme cela se fait, en général, à chaque transmission du pouvoir monarchique d’un père-roi ou d’une mère-reine à leur enfant : miracle toujours renouvelé de la monarchie qui suit la logique naturelle de la vie et de la suite des générations, et qui motive aussi la reine elle-même lorsqu’elle explique qu’elle quitte sa fonction, non pas parce qu’elle serait trop lourde à assumer, mais parce que son fils incarne une nouvelle génération, celle-là même qui est aujourd’hui à la manœuvre dans ces temps compliqués.
Aux Pays-Bas, l’abdication d’un souverain n’est pas extraordinaire, elle répond justement à cette particularité de la monarchie de s’adapter souplement aux volontés populaires sans rien céder sur le principe même de la transmission dynastique au sein de la même famille ni sur celui de la liberté du monarque « de durer » autant qu’il s’en sent la force et en ressent la nécessité. Après tout, pourquoi pas ? Cette retraite des souverains, de plus en plus fréquente, correspond aussi à une conception du temps politique qui prend en compte les rigueurs de l’âge et laisse la liberté au roi ou à la reine, liberté toute monarchique et quasi absolue, de gérer son calendrier en dehors de toute contingence électorale, montrant ainsi à nouveau que la magistrature suprême de l’Etat reste indépendante du temps démocratique sans forcément, d’ailleurs, remettre en cause les grands principes de la représentation ou de l’exercice démocratique pour les citoyens.
Bien sûr, la monarchie des Pays-Bas n’est qu’une monarchie parlementaire et peut sembler bien fade aux royalistes français partisans d’un Etat politique fort et engagé face aux féodalités financières et économiques, celles qui prônent la gouvernance pour mieux désarmer les gouvernements. Mais elle démontre néanmoins que la magistrature de l’Etat, lorsqu’elle échappe aux jeux électoraux et aux prétentions politiciennes, peut jouer son rôle de « trait d’union » entre tous les citoyens et toutes les communautés d’une nation, ce qui n’est pas négligeable, en ces temps d’inquiétudes et de replis communautaires. « La Croix » évoquait dans son édition de samedi dernier « une monarchie fédératrice très appréciée » et rappelait qu’elle « incarne le pays, qu’elle représente avec une forte dose de modernisme ».
Certes, les Pays-Bas ne sont pas la France et les traditions y sont différentes mais sans doute l’exemple néerlandais peut-il inciter nos propres concitoyens à réfléchir aux conditions institutionnelles de l’unité du pays au moment même où, chez nous, la magistrature suprême de l’Etat apparaît plus diviseuse que fédératrice et reconnue comme telle… Lorsque le nouveau roi Willem-Alexander déclare : « Je veux aussi être un roi du XXIème siècle qui peut rassembler, représenter et encourager la société », et qu’il insiste sur son « rôle de garant d’un processus législatif démocratique et conforme à la Constitution », il nous rappelle aussi, a contrario, que le président élu en France, lui, n’a pu que diviser profondément un pays par son absence d’indépendance à l’égard des groupes de pression, financiers ou autres, et par sa coupure avérée d’avec un pays réel trop souvent méconnu et mésestimé en République…