J’avais évoqué il y a deux ans tout l’intérêt de la coupe du monde de balle-au-pied des sans –abri, événement sportif qui permet à des personnes d’ordinaire exclues de la société de reprendre confiance et de retrouver une certaine place dans la cité : la prochaine coupe débute dans quelques jours, le 8 août, à Poznan, en Pologne.
Après l’organisation de cette coupe du monde à l’ombre de la Tour Eiffel en 2011 et au Mexique en 2012, l’on pouvait raisonnablement espérer que le gouvernement, par le biais du Ministère de la jeunesse et des sports, continuerait de soutenir les efforts de l’association qui chapeaute les joueurs sélectionnés et qui, aujourd’hui, s’entraînent au Petit-Quevilly, en Seine-Maritime. Or, « La Croix », qui y consacre un article dans son édition du vendredi 26 juillet, nous annonce qu’il n’en est rien ! « La Boussole, collectif de travailleurs sociaux qui accompagne depuis deux ans ces Bleus sans toit, ne parvient pas à réunir les 15.000 euros nécessaires pour faire le déplacement. Pour l’heure, seule la Fondation Abbé-Pierre a engagé 5.000 euros. Nike fournit les tenues et l’équipement. Mais les bénévoles encadrants savent qu’ils ne pourront pas compter, à la différence de l’édition passée au Mexique, sur le soutien du ministère de la jeunesse et des sports. Ils occupent tout leur temps libre à relancer le Crédit agricole, mais surtout la FFF et la Ligue du football amateur, partenaires de jadis, qui n’ont pas donné leur réponse, malgré des sollicitations adressées en mars dernier. » Oui, vous avez bien lu : il suffit de 15.000 euros pour que l’équipe de France des sans-abri puisse participer à cette coupe, et, à part quelques bénévoles, l’association caritative « Abbé-Pierre » et une multinationale (qui ne paye pas, mais fournit les équipements), personne ne semble motivé pour aider ces sans-abri à sortir, au moins quelques semaines, de leur situation d’isolement et de misère !
Alors que les achats de joueurs coûtent des dizaines de millions d’euros aux grands clubs de ligue 1, alors que le sport professionnel brasse des sommes astronomiques, alors que l’Etat dépense des centaines de millions d’euros pour des événements festifs qui, parfois, ne concernent que quelques centaines de personnes, tous ces acteurs privés ou publics ne trouvent pas moyen (ou n’ont pas la volonté…) de donner quelques milliers d’euros à ce Mondial des sans-abri ! On est bien loin de l’idée que le sport serait source de solidarité…
Ce qui me paraît peut-être le plus choquant, c’est l’attitude de l’Etat, car il suffirait d’un (petit) geste pour débloquer la situation et ainsi permettre aux joueurs sans-abri français de pouvoir porter fièrement les couleurs de la France à Poznan, ce qui n’est tout de même pas insignifiant !
D’autant plus choquant est le silence coupable de l’Etat que son gouvernement se veut attaché, si l’on suit les déclarations présidentielles et ministérielles, à l’idée d’une certaine justice sociale : en fait, il y a loin de la coupe aux lèvres, et ce gouvernement semble oublier jusqu’à ses devoirs civiques et sociaux, préférant la communication facile à l’action raisonnée, plus longue et plus compliquée.
Il faut souhaiter que l’article de « La Croix » et l’inlassable combat des bénévoles pour trouver les moyens financiers nécessaires à la participation française finiront par attirer l’attention des pouvoirs publics et de quelques généreux mécènes, quels qu’ils soient (y compris Qataris, pourquoi pas ?) ! Si les quelques sans-abri sélectionnés et en cours d’entraînement devaient être absents de ce Mondial en Pologne, la honte de cette absence (il y avait, en 2011, 53 pays représentés…) serait un véritable scandale social, sportif et politique, et aurait aussi comme conséquence de laisser croire aux autres pays engagés dans cette coupe que la France est devenue si pauvre qu’elle n’a plus les moyens de soutenir ses propres équipes sportives… Et ce gouvernement, pour lequel je n’ai certes guère de sympathie, y perdrait à mes yeux toute crédibilité dans le domaine social, si rude en ces temps de mondialisation furieuse… Car, comment parler de « justice sociale » quand on oublie « les plus discrets et, parfois, les plus proches » ? Comment croire aux discours lénifiants sur la question sociale quand on n’est pas capable de débloquer quelques milliers d’euros, en été, pour un événement sportif et festif dont il est avéré que les participants, une fois l’épreuve passée, retrouvent de nouvelles conditions de vie plus favorables ? Décidément, la République n’est guère sociale… Le simple fait, d’ailleurs, que le ministère n’ait pas soutenu, spontanément, cette équipe de sportifs sans-abri en est la bien triste illustration !
Oui, l’équipe de France des sans-abri doit être présente à Poznan ! Il faut souhaiter que le drapeau tricolore flotte en Pologne à cette occasion, pour l’honneur du sport français qui ne doit pas être qu’une occupation de sportifs millionnaires. Les efforts récents et bienvenus dans le cadre des jeux handisports doivent être étendus aux jeux des sans-abri, désormais : pour que le sport retrouve la vocation que Pierre de Coubertin lui assignait et pour que l’équipe de France de balle-au-pied des sans-abri, à défaut de gagner, puisse au moins participer…
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