Ainsi, M. Harlem Désir a été nommé mercredi au poste de secrétaire d'Etat aux Affaires européennes... Doit-on en rire ou en pleurer ? Celui qui fut un absentéiste remarqué au Parlement européen depuis son élection en 2009 est-il le plus crédible pour être nommé à un poste, certes sans réels pouvoirs, mais éminemment symbolique, surtout au moment où l'Union européenne, par l'entremise de sa Commission, se fait plus exigeante avec la France ? Il est permis d'en douter...
Mais ce qui est le plus marquant, c'est que, dans notre pays et parmi sa classe politique dominante, l'Union européenne est considérée comme une sorte de « pantouflage » qui permet de recycler à moindre frais (mais pas à moindre coût pour les contribuables...) ceux qui ne trouvent plus de place dans notre paysage national pour y prouver leur incompétence ou leur inconséquence : drôle de conception de la construction européenne, devenue le radeau des recalés de tous bords alors que nos élites autoproclamées nous la présentent comme le vaisseau amiral de la puissance à venir, toujours promise et apparemment de plus en plus lointaine ! Et tous les partis du « pays légal », à commencer par l'actuel parti gouvernemental, pratiquent ce recyclage, mais sans que cela empêche nombre d'électeurs de continuer à leur accorder crédit et suffrages, ce qui peut sembler un comble, mais n'est que la logique d'un système de reproduction et de reconduction des « élites », système bien plus pervers encore que celui dénoncé jadis par Bourdieu. Misère de la démocratie, et plus exactement de la démocratie représentative, de plus en plus éloignée des peuples qu'elle est censée, pourtant, représenter... Ce qui entraîne cette fatigue démocratique, cette sorte d'épuisement civique des électeurs de moins en moins disposés à participer à cette comédie de la représentation et qui se réfugient, dépités, dans une abstention qui, en définitive, ne sert que les intérêts des grands partis drapés dans la posture facile des croyants de la participation électorale : « Vous ne votez pas ? Eh bien, taisez-vous ! Définitivement ! Nous, députés européens, sommes la vraie démocratie, et vous, misérables abstentionnistes, vous vous en excluez vous-mêmes ! ». C'est ce discours qui, après la petite lamentation rituelle devant les caméras le soir du vote, « légitime » (à la façon de Créon, pas d'Antigone...) l'arrogance « démocratique » des parlementaires d'une « Europe légale » qui, de toute façon, ne se soucie plus vraiment depuis longtemps des taux d'abstention de plus de 70 % des pays d'Europe centrale et orientale, ni des raisons de celle-ci...
D'ailleurs, s'en prendre à M. Désir apparaît un peu facile quand, dans le même temps, l'on semble presque oublier que MM. Peillon et Moscovici, sortants du gouvernement, s'en vont, pour l'un prendre la tête de liste socialiste aux élections européennes d'une grande région française, avec la certitude absolue d'être envoyé, électoralement parlant, au Parlement européen, et pour l'autre recevoir le siège de commissaire européen à Bruxelles, aujourd'hui occupé par un Michel Barnier qui, pour n'être pas de mes amis politiques, n'a pourtant pas démérité dans sa fonction, quelle que soit l'opinion que l'on puisse avoir par ailleurs sur ses idées et ses prises de position et, au-delà, sur l'utilité de cette fameuse Commission européenne.
En fait, ces attitudes peu honorables de la classe politique dominante française montrent combien elle est aujourd'hui intellectuellement corrompue, préférant « se servir » plutôt que « servir » : la République est devenue à la fois une oligarchie et une egocratie, et cela devrait suffire à la condamner aux yeux de tous les citoyens pour qui la politique n'est pas une simple course aux places mais bien la discussion autour des meilleurs moyens de servir le Bien commun et la Cité au sens le plus fort du terme, d'assumer les devoirs envers les siens et les autres dans le respect de l'harmonie ou, au moins, de l'équilibre social, de permettre la liberté de la Cité qui est la condition de toutes les autres libertés nécessaires à l'accomplissement de notre humanité civique, intellectuelle et spirituelle. La politique c'est aussi la mise en pratique de ces moyens, et non leur usage au service de quelques uns.
Le recyclage de nos politiciens dans des fonctions ou des places qui concernent l'Europe au sens institutionnel du terme est révélatrice du peu de cas que ceux-ci font de celle-ci, juste bonne dans leur esprit faussé à leur fournir quelques honneurs que les citoyens français, désormais, ont une forte tendance à leur refuser...
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.