Quand j'étais étudiant, il y a une bonne trentaine d'années, en particulier à l'Université de Haute-Bretagne (Rennes-2), les syndicats jouaient un rôle important, voire majeur dans la vie et dans l'encadrement des revendications et des jeunes qui fréquentaient les amphis et le campus. Il y avait alors deux UNEF qui dominaient l'université, parfois de manière peu tolérante ni tolérable pour qui est attaché à la liberté d'expression : l'une dite AGEUR tenue par les communistes, l'autre dite ID contrôlée par les trotskistes et antichambre d'une carrière au Parti socialiste. A droite, l'UNI était considérée comme la branche étudiante du RPR de M. Chirac tandis que le CELF regroupait les giscardiens et le GUD les « nationalistes », souvent plus anticommunistes et antigauchistes qu'autre chose. Et puis, il y avait des syndicats locaux, souvent « corpos » ou régionalistes. Sans oublier le Cercle Jacques Bainville (CJB pour les intimes...), émanation rennaise des royalistes d'Action Française qui s'inspirait un peu de celui de Paris (à la faculté d'Assas) et surtout de l'Action Française Etudiante de Dijon : j'en étais le fondateur et le dirigeant, sans qu'il n'y ait jamais eu, en fait, d'organigramme officiel.
Le grand hall de Rennes-2 était alors le lieu de passage, de débats et parfois d'affrontements des différents groupes, et les affiches décoraient parfois les baies vitrées, tandis que quelques fleurs de lys, sur les murs (intérieurs comme extérieurs), rivalisaient avec les A cerclés et les slogans divers et variés, mais généralement très politisés. Sur les bancs et les machines à café, plusieurs couches d'autocollants recouvraient celles des générations précédentes, et sur les piliers, les tracts du CJB répondaient à ceux de la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire), tandis que le sacré-cœur chouan ou « l'araignée » (nom que nous donnions parfois à la fleur de lys -très- stylisée) concurrençait la faucille et le marteau...
Tout cela pourrait paraître baroque aujourd'hui, mais « la fac vivait » et nous étions, chacun à notre manière, son sang vif.
Les élections étaient aussi un moment important de la vie universitaire : les tracts volaient, les coups aussi, mais c'était l'occasion de présenter, en particulier pour les organisations minoritaires, les idées et les projets, parfois les conceptions mêmes de la vie en société et de son organisation, au-delà du seul monde des amphis et des cours. L'université ou le CROUS offrait le tirage des professions de foi aux différentes listes concurrentes, et, dans le cas du CJB ou de l'union électorale des royalistes du moment, c'était une véritable aubaine ! Ce qui ne nous empêchait pas de coller quelques affiches qui déclaraient péremptoirement « élections, pièges à cons » pour dénoncer un système qui nous semblait devoir favoriser toujours les mêmes, empêchant ainsi toute remise en cause (et en ordre) de l'Université et de la société.
Mais aujourd'hui, les élections universitaires n'attirent plus grand-monde et l'UNEF, désormais réunifiée et jadis dominante, recule à chaque scrutin, laissant sa première place d'antan à la FAGE, moins politisée ou plus discrète, selon le point de vue des uns et des autres. Ce qui n'empêchera pas une plus grande visibilité de l'UNEF lorsque les universités seront à nouveau en ébullition sur tel ou tel projet gouvernemental, et que les « anciens » de ce syndicat feront jouer, comme d'habitude, leurs relations et réseaux de pouvoir. Mais cette nouvelle donne électorale en cache une autre, plus inquiétante sans doute pour qui croit en une représentation syndicale nécessaire dans les structures de l'Université : c'est l'abstention qui, désormais, dépasse les 90 % aux élections des 28 Conseils régionaux des œuvres universitaires et scolaires, plus connus sous le nom de CROUS. Selon Le Monde (jeudi 2 février 2017), en novembre dernier, « seuls 183.000 étudiants se sont déplacés, soit un taux de participation de 7,51 %, encore plus faible que les 9,1 % de 2014. « C'est le signe du fossé qui se creuse entre les étudiants et les pouvoirs publics. Le vote étudiant n'apparaît plus comme un outil d'action pour être entendu près de l’État pour améliorer nos conditions d'études », décrit sa présidente [de l'UNEF], Lilâ Le Bas. »
Ce n'est pas la défaite de l'UNEF qui me navre, loin de là, et j'y vois plutôt l'occasion de redistribuer les cartes de la représentation étudiante, dans le sens d'une plus grande diversité et indépendance à l'égard des partis « de gouvernement », ces féodalités partisanes qui, aujourd'hui, sont aussi en difficulté dans la course électorale, présidentielle avant celle des législatives. Ce qui est préoccupant, c'est bien plutôt la désaffection des électeurs étudiants et leur désintérêt pour la vie et l'organisation des lieux d'études, car l'abstention, qui peut parfois se comprendre au regard des listes en présence, n'est pas forcément une bonne chose : elle délégitime, d'une certaine manière, les institutions universitaires sans, pour autant, pousser à leur nécessaire réforme.
Les royalistes, tout au long de leur histoire politique, ont toujours accordé une grande importance aux questions universitaires et scolaires : la réactivation, par les étudiants monarchistes eux-mêmes et les professeurs de même obédience, d'une large réflexion d'ensemble sur le rôle et l'organisation de l'Université mais aussi du Lycée et du Collège et leurs institutions, s'impose !
(à suivre : quelle place pour les professeurs, les personnels non-enseignants et les étudiants dans une organisation « corporative » des universités ?)
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