Ce dimanche 21 mai, les Suisses viennent de voter la sortie progressive du nucléaire après avoir refusé, en novembre dernier, d'arrêter les cinq réacteurs actuels (qui fournissent 35 % de l'électricité helvétique) avant 2029 : en somme, ils viennent de se donner du temps tout en envoyant un signal clair à l'Europe et aux pays qui, comme la France, s'appuient encore sur l'énergie de l'atome de façon disproportionnée. En fait, il ne s'agit pas de lâcher la proie pour l'ombre (c'est le cas de le dire !), mais d'engager la Confédération dans une politique énergétique fondée sur l'usage intelligent et élargi des énergies renouvelables et sur les économies d'énergie nécessaires, ne serait-ce que pour des raisons environnementales mais aussi d'indépendance énergétique à l'égard de ses voisins et de ses créanciers.
Dans un article publié dans Le Figaro à la veille de la votation, Marion Moussadek précise la stratégie suisse en ce domaine : « Le paquet de mesures soumis au vote ce dimanche, dont la mise en œuvre est prévue par étapes jusqu'en 2035, vise à suivre la tendance européenne. Entre 2004 et 2014, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie (électricité, chaleur et transports) a augmenté de 8,5 % à 16 % dans l'UE. En conjuguant incitations financières à l'isolation des bâtiments et promotion des énergies hydraulique, solaire, éolienne, géothermique et de biomasse, tout en bridant les émissions des véhicules neufs, Berne table sur une réduction de la consommation des ménages et des entreprises de 43 % par rapport à 2000. « On peut diminuer notre consommation sans perte de confort », soutient la ministre en charge de l’Énergie et présidente de la Confédération, Doris Leuthard. » Quand les populistes locaux de l'UDC critiquaient vertement (le mot est-il approprié, dans leur cas ?) cette mesure en arguant d'un surcoût important pour les contribuables, la présidente avançait plutôt le chiffre de 40 francs suisses par an et par foyer pour le financement de cette politique, ce qui, effectivement, n'est pas trop cher payé, d'autant plus si l'on considère que c'est aussi un investissement pour l'avenir, et que cela réduira les déchets énergétiques (ici surtout les déchets nucléaires, toujours objets de vives controverses, y compris en France) et les rejets de gaz à effet de serre pour les carburants (transports et chauffage), ce qui est tout de même fort appréciable.
La France serait bien inspirée de considérer l'exemple suisse et de préparer, rapidement et de la meilleure manière qui soit, une sortie apaisée du nucléaire avant d'y être contrainte plus rudement par l'augmentation des coûts d'exploitation et de démantèlement, ce dernier aspect étant sans doute le plus problématique et le plus dispendieux, ce qui ne laisse pas d'inquiéter les économistes et prévisionnistes financiers.
Il aurait fallu faire de l'énergie nucléaire (dont je ne suis pas un militant), une fois qu'elle était valorisée pour des raisons d'indépendance énergétique nationale et pour l'avantage qu'elle ne relâchait pas de fumées polluantes dans l'atmosphère, une énergie de transition et non une finalité, cette dernière option étant celle qui, malheureusement, a été faite par une République incapable de se projeter dans l'avenir et souvent au-delà de deux quinquennats (élections obligent...) : nous en payons aujourd'hui un prix très lourd, en espérant qu'il ne soit pas aggravé par un accident type Tchernobyl ou Fukushima toujours possible, quoiqu'en disent certains partisans du nucléaire, aveuglés par un scientisme qui oublie trop souvent que « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme ».
D'autre part, la France qui, contrairement à la Suisse, dispose de longs littoraux, en métropole comme en Outre-mer, et d'espaces ensoleillés et venteux importants, a des possibilités énergétiques renouvelables absolument considérables qu'elle ne valorise pas assez, alors qu'elles pourraient remplacer en l'espace d'un quart de siècle, toutes les énergies fossiles et fissiles dont notre nation a besoin pour sa vie domestique comme pour sa production industrielle. La Suisse, qui n'est pas un pays arriéré, ni techniquement ni intellectuellement, nous montre une voie possible et, sans doute, souhaitable : la France, avec ses particularités et ses atouts, aurait tort de ne pas saisir l'occasion de relever le défi énergétique que lance, d'une certaine manière, notre voisin helvétique.
Mais, malgré la présence de M. Nicolas Hulot au gouvernement, il est possible que les féodalités, qui depuis si longtemps « tiennent les rênes » de la politique française de l'énergie, ne veuillent pas renoncer d'elles-mêmes à la facilité et à leurs intérêts du moment : que n'avons-nous un Roi pour calmer les ardeurs de ces Fouquet de l'atome ! Là aussi, la Monarchie est regrettable de par son absence...