Le 12 octobre dernier, j’étais invité par la Fédération royaliste du Nord (affiliée à l’Action française) pour y présenter une conférence sur la question sociale en France et la réponse corporatiste et royale. En voici la transcription écrite et corrigée (un peu augmentée parfois) ci-dessous, qui se poursuivra en plusieurs notes successives.
« Il me semble intéressant de présenter des éléments de la question sociale en France et de la proposition corporative, même si les termes de corporation et de corporatisme sont aujourd’hui dévalués, voire caricaturés et contestés dans leur définition et leurs réalités (anciennes comme contemporaines), autant par le monde économique (et ses experts autoproclamés) que par celui des responsables politiques, voire des ministres pour lesquels la simple évocation de corporation renvoie aux temps anté-libéraux et colbertistes - ce qui est d’ailleurs historiquement exact (1) -, même si cette histoire sociale de la France est trop souvent méconnue, voire sciemment ignorée) et celle de corporatisme aux multiples résistances du pays réel des métiers et des travailleurs (2), voire aux expériences étatistes des années 1930 (3), pourtant bien éloignées de l’esprit corporatif originel et de sa pratique française…
Quelques éléments pour mieux comprendre le sens et la portée de mon propos : tout d’abord, je fais ce travail de recherche, de réflexion et de propositions dans le cadre de l’empirisme organisateur : j’ai toujours été très attaché à cette méthode que Charles Maurras a mise en avant, qui consiste à voir ce qui a fonctionné, ce qui n’a pas fonctionné mais aussi ce qui aurait pu fonctionner ; ne pas partir de la théorie, mais bien plutôt des réalités et essayer de les comprendre, d’aller jusqu’au fond des choses, non pour se contenter de critiquer ce qui est actuellement (et qui nous donne quelques bonnes raisons d’être insatisfaits…) (4), mais pour réfléchir, pour proposer, pour innover si besoin est, pour mettre en avant, pour pousser aussi autrui à la réflexion… Ainsi, l’empirisme organisateur me semble une très bonne méthode de travail parce qu’il ne s’agit pas simplement de constater (de s’émerveiller ou de s’indigner), mais d’ordonner ses constatations, ses expériences, et de les utiliser pour prévenir les périls et corriger les défauts, en somme de pratiquer et de valoriser tout ce qui peut permettre à la nation comme à ses citoyens (et autres habitants) d’améliorer leur sort sans menacer les équilibres nécessaires de celle-ci. Une méthode éminemment politique, en somme, qui doit rester une méthode et non devenir une idéologie de la « répétition » ou de « l’imitation », ce qui serait faire du vivant politique et historique une simple grande chose morte ou l’expression d’une nostalgie…
(à suivre)
Notes : (1) : Les corporations (dont le terme n’apparaît et ne s’impose vraiment que lors de leur première dissolution par Turgot, en 1776) existent depuis le Moyen âge, suivant des calendriers différents selon les villes et les traditions locales, et deviendront, au XVIIIe siècle, les « bêtes noires » des adeptes de Benjamin Franklin et du libéralisme anglosaxon qui y voient une limitation à « leur » liberté d’entreprendre et de faire des affaires.
(2) : Le qualificatif de corporatiste est fréquemment utilisé par le monde économique pour dénoncer des réactions qui sont issues d’une profession ou d’une catégorie de travailleurs : dans ce dernier terme, il faut entendre tous ceux qui, du patron à l’apprenti, travaillent dans un secteur d’activité, un service public ou, dans une acception plus restrictive, une catégorie de travailleurs de même « classe » professionnelle qui se retrouvent sur un même terrain revendicatif, en relation étroite avec leurs propres activités de production ou de service.
(3) : L’Italie fasciste utilisa le terme de corporations, mais à contresens de l’histoire sociale et politique française : la dictature mussolinienne en fit une sorte d’annexe professionnelle de l’Etat fasciste, dans une logique qui tient plus du jacobinisme que de la libre association professionnelle d’antan…
(4) : La critique est toujours plus facile que la proposition, la fondation, l’action ! Mais « si la critique est facile, l’art est difficile », pourrait-on dire sans risque de se tromper… Bertolt Brecht disait, je crois, que « seul celui qui propose a le droit de critiquer », ce qui peut paraître un peu simpliste mais qui me semble néanmoins de bon aloi !
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