Jeudi 8 décembre, Jean Lacouture, journaliste "de gauche", donnait une conférence au lycée Hoche pour évoquer la jeunesse mouvementée d'Alexandre Dumas jusqu'au début de la Monarchie de Juillet (1830). En entendant celui qui fût aussi un témoin engagé dans un XXe siècle de fureurs et de compromis, il me semblait mieux comprendre ce qu'avait été "le romantisme républicain", au XIXe comme au XXe siècle: un "idéal", partagé avec une sorte de ferveur à la fois joyeuse et anxieuse par des générations d'intellectuels persuadés que "la liberté guidait leurs pas" et que la République, celle dans laquelle "le bonheur est une idée neuve" (selon le mot de Saint-Just), était ce régime que l'humanité, au fond d'elle-même, avait toujours attendu, espéré...
Au risque de choquer quelques uns, je comprends cette espérance et elle me semble terriblement "belle", mais j'ajouterai aussi "cruellement belle", voire "horriblement belle", au regard de l'Histoire ("la sanglante beauté de la guillotine, luisante au soleil couchant, effrayante et fascinante"...). Les soldats de l'An II, les jeunes résistants, gaullistes ou communistes, même si je ne méconnais pas les arrière-pensées de certains d'entre eux au sortir de l'Occupation, etc., toutes ces personnes qui ont osé mettre leur peau au bout de leurs idées, il me semble qu'il est possible de les entendre et de les estimer, ce qui ne signifie pas tout accepter d'eux. Ainsi, cela ne m'empêche pas de combattre pied à pied leurs idées mêmes, leurs conceptions du monde, leurs illusions, leurs erreurs et leurs errements.
Jean Lacouture est un romantique républicain et, au soir de sa vie, il me semble qu'il conserve sa foi et, sans doute, quelques rêves. Il se trompe aussi dans son appréhension des événements historiques, confondant la Monarchie de la Restauration avec la Monarchie absolue, preuve qu'il en est resté à l'Histoire républicaine telle qu'on l'enseignait dans les écoles de la Troisième République et qu'il n'a pas cherché à aller plus loin ou à remettre en cause ce "catéchisme républicain" que les historiens se sont chargés depuis de critiquer, voire de démolir, au nom de la recherche de la vérité historique... Mais lorsque Lacouture évoquait le "bonheur des hommes" (sans doute le terme "bien-être" correspondrait-il mieux à sa pensée, le "bonheur" étant d'abord une notion personnelle et qui doit le rester, au risque de devenir totalitaire, comme l'a prouvé à maintes reprises l'Histoire, de France comme d'ailleurs), "bonheur" qu'il pensait comme un objectif nécessaire à tout Pouvoir de donner aux populations, il me revenait à l'esprit cette citation du comte de Paris (1908-1999): "La mission essentielle du Pouvoir est de rendre les hommes heureux".
Cela me rappelle aussi les propos de Pierre Debray, cet ancien progressiste chrétien proche des communistes dans les années 50, "converti" à la Monarchie par son dialogue avec le philosophe maurrassien Pierre Boutang, qui se définissait comme "républicain de sentiment mais royaliste de raison"... C'était un "Lacouture" lui-aussi, mais un "Lacouture" qui aurait conclu, après un long combat intérieur avec l'Ange-République, à ce qui permettrait les "libertés républicaines", c'est-à-dire la Monarchie héréditaire et active: "Sub Rege, Rei Publicae", disait-on sous François Ier...
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