Madame Ségolène Royal parle peu mais commence à faire entendre "sa petite musique", au risque d'agacer un peu plus encore les "éléphants" du PS. Fin janvier, devant une vingtaine de diplomates, elle s'est présentée comme favorable à "la révolution sans risque", jolie formule assez floue dont elle n'a pas encore totalement précisé les formes. Sera-ce la nouvelle ligne des socialistes, eux qui, à la veille des élections de 1981, se voulaient les chantres d'un changement révolutionnaire mais tranquille, reprenant, sans le savoir, le titre d'un livre du royaliste Bertrand Renouvin paru quelques années auparavant ("La révolution tranquille")...
Madame Royal a formulé quelques idées de sa "révolution" : par exemple, faire adopter la Constitution européenne, plus courte et plus claire, par la voie parlementaire ; mettre les enseignants aux 35 heures (de présence et de travail dans leurs salles de cours et de réunion) ; copier quelques mesures déjà mises en pratique par M. Blair outre-Manche... En somme, et c'est aussi une formule qu'elle a employé : "la réforme rassurante"...
J'ai l'impression qu'il n'y a rien de très "révolutionnaire" ni même novateur dans ce programme pré-électoral, et qu'il s'agit plutôt d'une "non-révolution tranquillisante"... En tout cas, pas de quoi employer ce terme de "révolution", même sous son sens apaisé de "changement visible de théorie et de pratique politique"...
Il est, malgré la mauvaise réputation du mot dans certains milieux doués de "la longue mémoire", de bonnes, d'excellentes même, révolutions : celles que Maurras appellait de ses voeux (et qu'il n'a pas vu, en France, de son vivant), les "révolutions par le haut", pratiquées par un Etat dont la nature, le statut et la forme institutionnels, permettent l'indépendance dans l'arbitrage et la décision. Un Etat qui peut éviter le choc sanglant des "révolutions ordinaires" pour changer les choses en profondeur et en qualité. Il avait l'exemple oriental du Japon qui, sous l'impulsion de son empereur Mutsu-Hito, était rentré de plain-pied dans la modernité en 1868 (l'ère Meiji). Mais, plus proche de nous, il y a l'exemple espagnol, celui de ce roi jadis moqué pour sa prétendue insignifiance et surnommé "le bref" ou "le court" (malgré sa grande taille), le roi Juan Carlos. Souvenons-nous que, lorsqu'il monta sur le trône en 1975, personne ne lui accordait une grande confiance hors d'Espagne. Et pourtant, de par sa position au-delà des partis, au-delà des "mémoires conflictuelles", il représentait, il était l'Etat et il a su jouer des avantages et de la légitimité que lui assurait son statut. Il a fait cette "révolution par le haut" qui a évité (et ce n'est pas rien, eu égard à l'Histoire de l'Espagne) la déchirure civile, avant de rendre aux hommes politiques un Pouvoir politique qu'ils n'ont pas toujours honoré, mais en gardant ce qui est le propre d'une Monarchie royale, l'Autorité, celle qui n'a pas besoin de communiquer tous les jours pour être et durer...
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