La destruction de la mosquée d'Or, à Samarra (au centre de l'Irak), par un attentat attribué à un groupe sunnite proche d'Al Qaïda, risque d'entraîner un véritable déchirement et démembrement de l'Irak selon une logique communautariste, ethnique comme religieuse. C'est ce que signale "Le Figaro" dans son édition du vendredi 24 février, en des termes peu rassurants.
"L'Irak bascule dans la guerre civile. Une sale guerre où les escadrons de la mort passent à l'action de nuit comme de jour pour assouvir le désir de vengeance des foules en colère. (...) La destruction du sanctuaire de Samarra (...) a placé le danger d'un conflit confessionnel à un niveau jamais atteint. L'attentat a déclenché une explosion de haine qu'aucune attaque à coups de voitures piégées contre des cibles humaines n'avait réussi à provoquer. En s'en prenant à l'un des sites les plus sacrés du Moyen-Orient, les extrémistes ont enflammé des esprits prompts à s'échauffer en touchant au plus profond du sentiment identitaire chiite. (...) Pour les fidèles, l'effondrement de l'édifice est le signe de la rupture des équilibres. Il ne peut être puni que par le sang et la mort. C'est que le mausolée est sur le plan symbolique l'équivalent de La Mecque pour l'ensemble des musulmans du monde (...)". Il est significatif de constater que les principales victimes des attentats sont des musulmans irakiens beaucoup plus que des militaires occidentaux...
Ainsi, la guerre états-unienne de 2003 a, malgré les peu convaincantes dénégations de Washington, ouvert une boîte de Pandore que personne n'est certain de pouvoir refermer de sitôt. En renversant la dictature républicaine et laïque de Saddam Hussein sans avoir préparé une alternative crédible, les Etats-Unis ont fait le lit des islamistes et des terroristes de tout poil : immense gâchis, qui, au lieu d'amener la paix et la concorde dans une région qui en aurait bien besoin, risque d'enflammer tout le Golfe.
En privilégiant les communautarismes locaux, au nom du "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes", de ce fameux "principe démocratique des nationalités" que les Etats-Unis défendent depuis toujours et comme il l'avait déjà fait pour l'Europe en 1918 (souvenons-nous des "14 points" de Wilson, dont les conséquences n'étaient pas encore éteintes à la fin du XXe siècle...), les stratèges de Washington engagent toute la région dans une véritable "guerre de cent ans" dont les premières victimes sont les peuples du Proche-Orient, avant d'atteindre les pays d'Europe. C'était aussi l'analyse que le géopolitologue Yves Lacoste avait évoquée en octobre 2005 lors d'une conférence tenue à Bourg-la-Reine et à laquelle j'avais assisté.
Ainsi, les leçons de 1914-1918 et de la paix ratée des traités de 1919-1920 semblent n'avoir servi à rien. Oublieux de l'Histoire, au nom de leur "présent immédiat", les Etats-Unis ont jeté de l'huile sur le feu au lieu d'éteindre l'incendie que les islamistes avaient provoqué par le 11 septembre 2001.
Autre élément que l'on peut évoquer au regard des événements d'Irak : il est toujours dangereux d'affaiblir une nation lorsque les communautés qui la composent sont toutes prêtes à s'en émanciper au nom d'un principe "supérieur" qui n'est pas reconnu par les autres... La leçon vaut aussi pour notre pays et notre continent...
Tout à fait d'accord avec cette analyse des choses.
Que faire ..... ?
Rédigé par : Intello | 24 février 2006 à 16:51
La France doit chercher à "redéployer sa diplomatie", comme elle l'avait bien fait en 2003, dans toute la région. Il faut qu'elle soit prudente, mesurée mais ferme: difficile équilibre, certes, mais nécessaire. Il faut surtout éviter le côté "bravache" (du style "on vous l'avait bien dit"), et chercher à jouer un rôle d'arbitre entre les forces qui s'affrontent, en jouant sur la position de 2003 à l'égard des diplomaties orientales, et en évitant d'humilier les Etats-Unis qui savent bien qu'ils se sont engagés dans un bourbier. En même temps, il faut intensifier la lutte contre les terrorismes, et pas seulement par la force mais par une politique qui viserait à redonner confiance aux populations désorientées du Proche-Orient et à les écarter de la tentation extrêmiste: la France a quelques atouts dans son jeu, encore faut-il qu'elle veuille les utiliser. Mais l'échéance interne de 2007 risque de gêner l'action de la diplomatie française, ce qui serait fort dommageable pour notre pays comme pour ceux qui placent leur confiance en nous.
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 24 février 2006 à 17:50
Comme tu le dis, les Américains combattent les islamistes en Irak. CQFD.
Faudrait juste les aider pour que ça aille plus vite...
Rédigé par : Gwen | 27 février 2006 à 00:09
La France est virtuellement en quarantaine depuis sa rupture d'alliance. Et même si les tensions se sont apaisées elle ne recevra de considération de la part des Anglais et des Américains qu'autant qu'elle reste hors-jeu, sinon se cantonne à participer à la pacification de l'Afghanistan où il n'y a aucun enjeu.
Le dossier iranien vient de lui être retiré par les Russes. Le dossier libanais va être géré différemment par Condi Rice qui va à l'affrontement avec Ehoud et Damas.
Pour parler dans le monde arabe aujourd'hui, il faut être en rangers.
Sinon ça reste un discours entre universitaires.
Rédigé par : catoneo | 27 février 2006 à 11:42
Les tensions en Irak sont provisoires. Si guerre civile il y avait, cela fait longtemps qu'elle aurait éclaté. De plus, ne te laisse pas abuser par des informations tronquées. 90% du territoire irakien vit en paix, le nombre de journaux ne cesse d'augmenter ainsi que les réseaux de portables. 3 élections ont pu s'y dérouler....
La France a choisi le mauvais camp, celui de Saddam. Elle paye son manque totale de lucidité. Nos frères américains meurent en Irak , en Afghanistan, en Asie du Sud Est pour sauver notre peau. Respectons les, même dans leur erreur. Quoique, Saddam en prison, ce n'est pas une erreur, c'est la justice simple.
God Bless America
Rédigé par : davidmartin | 27 février 2006 à 22:43
Penser que les américains se battent pour nous en Irak, il faut être bien naif.Si elle se bat, c'est pour son intérêt, des interêts pétroliers et économiques.De leur point de vue, c'est peut-être bien mais laissez la France décider par elle-même où est son interêt.
Elle doit, tout en combattant le vrai terorrisme, servir d'arbitre comme ell l'a été souvent dans son histoire.
Qui sème le vent récolte la tempête.
Rédigé par : roycobrother | 27 février 2006 à 23:08