Etant à Paris hier soir, je suis passé dans le Quartier Latin vers 22 heures à l'invitation d'un ami écrivain, spécialiste de Georges Bernanos, et qui tenait à me faire part de sa lecture des événements, au plus près du "coeur de l'émeute". L'ambiance était plutôt celle de la "curiosité", et il n'y avait plus que quelques jeunes, plus désoeuvrés que vraiment manifestants ou "révolutionnaires". Les CRS, peu à peu, et sans incident notable, dégageaient le Boulevard Saint-Michel, et lorsqu'ils avançaient de quelques dizaines de mètres, la foule se mettait à courir dans tous les sens, dans un désordre indescriptible. Les casseurs de l'après-midi, visiblement, n'étaient plus là, et aucun gaz lacrymogène n'a été, au moment où j'y étais, lancé sur le Boul'Mich.
Ce vendredi matin, je suis retourné à la Sorbonne. En fait, celle-ci est inaccessible, et la place, dévastée jeudi soir (bien avant ma paisible promenade) par des groupes d'excités aux tendances plus nihilistes que politiques, est désormais elle aussi interdite au public. L'ancienne librairie des PUF (Presses universitaires de France), dans laquelle j'ai jadis passé tant d'heures et acheté tant de livres, a été détruite par le feu de l'émeute, tout comme le café y attenant, où j'avais aussi quelques souvenirs... En face de la place saccagée, sur les murs d'un lycée, quelques slogans cherchent à rappeler (ou à singer ?) Mai 68 : "L'utopie sinon rien"; "à bas le salariat"; et bien sûr, le célébre (et injuste, ridicule) "CRS-SS". Sur les trottoirs, des jeunes et des moins jeunes déambulent, parlant fort, se moquant (à distance respectable...) des forces de l'ordre, fort nombreuses et très équipées. Une ambiance étrange : tout le monde se regarde, s'épie, soupçonnant chez celui que l'on croise, soit un "flic" (les fameux RG), soit un "casseur", soit un "facho"... Une sorte de paranoïa générale semble avoir saisi les promeneurs du Quartier Latin...
Place du Panthéon, des étudiants manifestent pour la "liberté d'étudier" et contre le blocage des facs. A quelques mètres d'eux, des journalistes, mais aussi des "anti-CPE" qui les photographient avec ostentation...
Non, ce n'est pas vraiment Mai 68 ou Juillet 1789, contrairement à ce que l'on entend parfois. Mais c'est une crise révélatrice des malaises et des malentendus, mais aussi des blocages, de notre société. C'est aussi une crise politique : quand la magistrature suprême de l'Etat est l'objet d'une concurrence au sein même de l'appareil gouvernemental; quand "2007" est le seul horizon des politiques de tout bord; quand le Président en poste pour encore un an n'est plus que le VRP des entreprises de notre pays au lieu d'être le "Chef de l'Etat"; quand le désordre est à la tête de l'Etat, comment s'étonner que "la rue" cherche à suppléer à cette carence d'autorité, en usant de moyens qui sont les siens, et dont la "légitimité auto-proclamée" (et qui n'est que l'apparence d'une légitimité) se veut "la réponse" à la crise du politique ?
En temps de crise, les passions s'exacerbent, empêchant de voir les causes profondes qui ont entraîné cette situation. Il me paraît pourtant plus urgent que jamais de les rechercher, mais aussi de les circonscrire. Et, là encore, la réponse est, d'abord, politique.
J'avais aussi quelques souvenir de cette place, de ses librairies et cafés. Est-ce vraiment le bon endroit pour manifester contre le CPE? Il y a d'autres endroits qui représentent mieux le type de société qui propose le CPE à ses jeunes.
Rédigé par : Arria | 17 mars 2006 à 19:18
pas d'inquiètude demain nous serons nombreux à défiler pour l'enterrement du CPE
Paix à son âme bienveillante...
Rédigé par : 2pasag | 17 mars 2006 à 19:34
la lutte pour les intérêts du pouvoir qui paraissent dans la presse people existent depuis toujours et ne sont pas la cause du malaise, il faudrait arrêter de dire que c'est la faute des politiques...
Certes on aimerait un chef de l'état plus présent sur la scène intérieur... mais alors ce serait pour se plaindre de son interventionnisme, Chirac a eu le mérite de briller un temps peut-être à l'international et je le remercie pour ça, qu'il soit VRP, tous l'ont été... Que veux-tu une personne qui concentre tous les pouvoirs en ses mains? Soit sur tous les fronts? Hummm
Le pb vient aussi d'un autre fait... le changement de la société française qui vie dans un relatif confort et sur ses acquis sociaux sans jamais vouloir se remettre en question, et pire en ralant lorsque la réforme est nécessaire, j'en ai perso marre de ce consensus mou de gauche qui fait que rien ne bouge, sauf pour rejetter en bloc, au nom d'une précarité illusoire:
Si le cpe avait été de gauche personne n'aurait rien dit... Et ne me dites pas que ces mouvements font montre du pouvoir de la gauche, quelle caricature!!
Entendre parler de précarité dans la bouche des étudiants, ça me fait penser aux petits cubains qui récitent leur discours de décérébrés, il n'est pourtant pas loin de temps de mes études...
Je n'espère pas autre chose que le dialogue et la recherche d'un accord, maintenant, mais bon sang regarder un peu ailleurs, pour voir que la France a du bon qu'il faut préserver, et non étouffer sous une couche de vernis, la solution n'est pas dans les guéguerres de rue...
Il faut arpenter le monde...
Rédigé par : Acrerune | 17 mars 2006 à 20:57
Le CPE était une très bonne chose, car il donnait du travail aux jeunes, avec un salaire assez modique, certes, mais du travail, une sorte de tremplin pour acquérir l'expérience qu'on demande dans les ANPE et les agences d'interim qui offriront ensuite aux mêmes jeunes des emplois bien payés grâce à cette expérience acquise.
Les manifestants sont soit des fils à papa avec un avenir bien assuré, soit des gauchistes n'ayant qu'une envie : foutre la merde en France, vu que nos mauvaises institutions laissent la voie aux pires excès et à l'impunité.
Des institutions saines garantissent nécessairement la paix sociale et la cohésion nationale. Encore faut-il qu'elles dotent un pays d'un pouvoir fort, et non de pantins à genoux dès qu'il y a dix gueulards dans la rue protégés par les associations subversives du genre SOS Racisme ou l'UNEF ID qui mettent le feu au pays ou qui traînent devant les tribunaux les Français dès qu'ils ouvrent le bec pour manifester leur réprobation, restraignant ainsi au maximum la liberté d'expression.
Seul la royauté est fiable vu qu'elle inspire le respect tout en assurant la continuité et la stabilité d'un pays, vecteurs de paix sociale et de cohésion narionale.
Rédigé par : Dominique | 17 mars 2006 à 22:26
On ne voit pas de manifestations à Trappes.
J'ai parlé avec un mec qui a fait plein de boulots en CDD; il ne voit pas franchement ça d'un mauvais oeil.
Et je pense tout simplement que les quelques abus qu'il y aura dans l'application de ce texte, car il y en aura, serviront à établir une jurisprudence qui réduira de beaucoup cette "précarité" récurrente sur les lèvres grasses de ces étudiants en mal de sensation.
Il ne se sont jamais pris un poing sur la gueule, alors ils viennent s'encanailler en balancant des bouteilles sur les CRS. Pas plus, quand même, ils risquent la taule avec sursis, faut pas abuser : l'engagement politique, tout passioné soit-il, a des limites.
Quelle que soit l'opinion qu'on a au sujet du CPE, elle est secondaire face au malaise que révèle ces manifestations - et, qui, loin d'être un malaise institutionnel, est un malaise humain; c'est les modes de vie, en se sédentarisant et en se sécurisant, qui causent ces débordements gentillets.
Le rétablissement de la monarchie n'a rien à foutre la dedans, M. Dominique, et utiliser ce genre d'argument en cette faveur me parler assez singulièrement gagne-petit.
Ho, msieur Chauvin, je viens de finir "L'ancien régime et la révolution" de Tocqueville... Votre appréciation, si vous vous en souvenez? ^^
Rédigé par : Hugo | 17 mars 2006 à 23:05
Bien vu Dominique... Sauf pour la fin, là je rejoins Hugo...
Rédigé par : Acrerune | 18 mars 2006 à 13:29
D'accord en grande partie sur le premier commentaire d'Acrerune, et je ne méconnais pas le rôle intéressant de MM. Chirac et Villepin lors de l'affaire d'Irak.
Je reviendrai sur un article d'Azouz Begag paru vendredi 17 mars dans "Libération" qui prend la défense, sans en faire une fin en soi, du CPE, ainsi que sur un article de "La Croix" qui évoque les réactions des jeunes à l'étranger face aux manifestations en France.
Quant à l'instauration d'une nouvelle Monarchie, elle me semble une piste intéressante pour permettre de disposer en politique d'une stabilité ou plutôt d'une continuité dans la direction politique, continuité qui autorise les réformes sur le long terme, mais aussi la correction de celles-ci en fonction des résultats, des expériences: cela est d'une plus grande souplesse que les pratiques actuelles, et pourrait éviter certains, sans doute pas tous (ne soyons pas utopistes), blocages tels que ceux observés aujourd'hui.
Sur Tocqueville: j'ai lu il y a très longtemps ce livre et je n'en ai plus un souvenir très clair. Au fait, Hugo, comment faîtes-vous pour lire autant de livres avec les études ? En tout cas, je vous félicite pour votre curiosité.
P.S.: je vais relire Tocqueville, après Aron...
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 18 mars 2006 à 19:18
Tout simplement, je sacrifie les études aux livres et au tae-kwon-do... J'ai une conscience aigue de mes priorités :D
Rédigé par : Hugo | 18 mars 2006 à 19:26
Style redevenu excellent. Cela me rassure : c'est aussi un moyen de résister à l'inertie intellectuelle actuelle !
Rédigé par : m.c. | 18 mars 2006 à 19:59
Style redevenu excellent. Cela me rassure : c'est aussi un moyen de résister à l'inertie intellectuelle actuelle !
Rédigé par : m.c. | 18 mars 2006 à 20:00
ah le tae kwon do... je fais du win tsung car il n'y a pas de TaeKD sur mon ile...
Ma priorité en ce moment c'est mon fils que je garde...
bref fini les commentaires persos... je passe juste dire à JP que des questions l'attendent sur mon blog ;-)
Rédigé par : Acrerune | 18 mars 2006 à 20:10
Ho merde ... je connais l'un des serveurs de ce café...
Rédigé par : esunae | 18 mars 2006 à 21:28
Et aux miens, ce n'est pas exceptionnel de pondre des phrases à la syntaxe douteuse, sans Majuscules ni rien. C'est un SMIC grammatical?
Rédigé par : Hugo | 21 mars 2006 à 18:00
Paf!
:-D Merci de ton passage dans mon antre, Hugo!!
Rédigé par : Acrerune | 22 mars 2006 à 16:11
100% d'accord avec Mr ou Mme Acrerune. Tout cela me rappelle les crises des années 80, et d'autres plus anciennes. Il y aura d'autres dans l'histoire. Y aurait-il une solution miracle, je ne pense pas. Vaut mieux faire que pas faire, dixit Simone Viel. Evidemment le dialogue ainsi que les réflexions, au préalable, sont importants et c'est seul ce manque que je reprocherais à de Villepin.
Rédigé par : Princesse Palatine | 22 mars 2006 à 17:07