La guerre civile est la pire des guerres, car elle oppose le frère au frère, le père au fils, l'oncle au neveu. Le XXe siècle, que Victor Hugo annonçait comme celui du Progrès et de la concorde universelle, vit les idéologies déchirer les nations et les peuples en "drapeaux ensanglantés", en "frères ennemis" dont les mémoires sont encore, malgré le sable des années écoulées, des tranchées vives.
La guerre d'Espagne (1936-1939) fut l'une des pires que la péninsule ibérique eut à connaître dans son histoire, et le vainqueur, le général Franco, ne pouvait être le réconciliateur, de par son rôle, de par sa victoire même et les moyens qu'il avait employé pour l'emporter. Le dictateur n'est pas un roi, et le roi Juan Carlos, qui monte sur le trône en novembre 1975, n'est pas le fils du dictateur, s'il apparaît pourtant successeur de son pouvoir ou de son usurpation.
Après la guerre civile, il faut un réconciliateur, un homme qui "réconcilie les contraires et les mémoires": Henri IV, au sortir des guerres de religion françaises, ne peut être celui-là que parce qu'il est le roi, héritier de l'Histoire, des bonheurs comme des misères, et qu'il en assume, tout en les dépassant (et en "oubliant" les injures faites à l'Etat et à ce qu'il représente), les poids, les raisons et les déraisons des hommes hier s'affrontant. Le roi n'est pas, ne peut pas être, ontologiquement même, le "chef d'un parti", fût-il royaliste : il est, par son principe, le "roi de tous", y compris de ceux qui lui dénient toute légitimité, car le "droit du roi" trouve sa raison d'être dans la "paternité symbolique" du pays et sa fonction de trait d'union entre les générations successives et les personnes d'un même présent, véritable trait d'union "vertical" et, en même temps, "horizontal", véritable carrefour statutaire, tutélaire et héréditaire ("le roi est mort, vive le roi") de l'Histoire d'une nation.
C'est ce que souligne "Le journal du dimanche" (26 mars) à l'occasion du voyage d'Etat du roi d'Espagne en France cette semaine : "Le 29, à Toulouse, il rencontrera, pour la première fois en trente ans de règne, les exilés républicains venus trouver refuge dans l'Hexagone après la prise du pouvoir de Franco en 1939. (...) Son geste vient, selon les propres mots du maire Jean-Luc Moudenc "sceller pour de bon la réconciliation des deux Espagnes"." Ce que confirme "Le Figaro" du lundi 27 mars :"Juan Carlos s'est toujours présenté comme le "roi de tous les Espagnols".
Il n'est pas indifférent de rappeler que Juan Carlos est issu de cette famille des Bourbons qui a donné à la France le roi Henri IV... En ces périodes fort convulsives, où les points de vue semblent parfois "irréconciliables", il est des exemples, français comme espagnols, qu'il n'est pas inutile de méditer...
à J.P. Chauvin
J'ai eu un ami espagnol à la maison, il y a de cela 2 semaines. Je ne veux pas être lourde, mais la décentralisation en ESpagne marche plutôt bien, c'est ce qu'il m'a confirmé, alors qu'il est de Seville, faisant partie des régions de l'Espagne plutôt "un peu délaissées", selon vos propres mots Monsieur Chauvin. D'ailleurs, et vous le savez très bien, il y a nombres de régions en France, dynamiques et avec un potentiel incroyables (cf. Bretagne) qui sont CARREMENT abondonnées, avec des leader politiques communales qui, au même temps, ont les mains liées, et qui ont en plus un "faire" assez féodal. Cette question des régions et la décentralisation en France me tient à coeur, comme vous pouvez le constater. Mon ami espagnol ne pourraît pas imaginer une Espagne sans Roi, vu le passé que vous avez évoqué!
Rédigé par : Princesse Palatine | 30 mars 2006 à 18:02