Depuis quelques années déjà, j'ai pris l'habitude, lorsque des événements importants ou des crises surviennent, de me constituer des "dossiers" sur ceux-ci, en collectant tous les articles qui me paraissent intéressants et utiles à la compréhension et à la résolution des problèmes soulevés. Evidemment, la crise actuelle autour du CPE ne me laisse guère de repos dans la lecture et, malgré mon tri sélectif, les coupures de presse forment déjà un fort beau paquet... Le temps me manque pour évoquer tous les articles qui peuvent contribuer à une réflexion, sinon dépassionnée, en tout cas passionnante : j'en ai, pour l'instant, retenu une bonne vingtaine, dont celui du philosophe Robert Redeker, intitulé "Quand le jeunisme trahit la jeunesse", publié dans "Le Figaro", lundi 3 avril 2006, et qui remet en cause quelques préjugés et conformismes, aujourd'hui (et malheureusement) bien établis.
Tout l'article serait à citer, mais je me contenterai de quelques unes de ses phrases, particulièrement significatives : "Nous voyons défiler par dizaines de milliers des enfants à qui personne n'a jamais dit "non", auxquels depuis le plus jeune âge on évite le contact avec la réalité. L'enfant-roi devenu jeune adulte ne comprend pas que la réalité économique diffère de ses aspirations à un emploi stable à vie. Les diplômes dévalués dont l'école l'a couvert, véritable monnaie de singe, l'entretenaient dans le mirage d'un avenir professionnel radieux. (...)
"Le succès de la mobilisation anti-CPE, le soutien qu'elle obtient dans l'opinion, doit se comprendre dans le contexte d'une société globalement jeuniste. Avec Alain Finkielkraut, repérons dans le jeunisme la valorisation inconditionnelle de la jeunesse. (...) On incite l'enfant à exercer la tyrannie de son désir sur les adultes coupables d'être adultes, comme les Occidentaux sont, au nom de la mauvaise conscience, coupables d'être des Occidentaux. Le mythe, si répandu, d'une culpabilité ontologique du monde adulte empêche l'oeuvre de l'éducation parentale aussi bien que celle de l'école. (...)
"L'impossibilité de se situer dans le réel, de l'accepter, si patente dans les discours des jeunes manifestants de ce printemps 2006, est une suite du pédagogisme, qui, inspiré par les ravageuses analyses de Philippe Meirieu, a été imposé au forceps à l'Education nationale. Dans les IUFM, de pitoyables Diafoirus imbus de leur pouvoir apprennent aux futurs professeurs d'histoire que c'est aux élèves de construire le cours, le professeur n'ayant pas le droit de leur imposer son savoir. (...)
"Habitué par l'école, par la famille, par la publicité, à être courtisé, flatté, le jeune lycéen ou étudiant, ancien enfant-roi, se sent de bonne foi dans son droit en entrant dans une logique du tout ou rien, en exigeant ce que la société ne peut lui donner, en continuant, comme on lui a appris à le faire, de nier la réalité. Le jeunisme et le pédagogisme, profondément enracinés dans la France contemporaine, sont les sources du déni de réalité des manifestants anti-CPE ainsi que de leur intransigeante intolérance".
Il n'est pas certain que ce langage, forcément âpre mais foncièrement juste, soit entendu, en particulier par les... adultes. Pourtant, le meilleur service à rendre à ceux qui sont appelés, un jour ou l'autre, à le devenir (parfois dans des formes diverses et peut-être différentes d'aujourd'hui), c'est de dénoncer ce jeunisme paralysant et infantilisant. Cela ne signifie pas oublier ou mépriser les jeunes mais, au contraire, marquer la volonté de notre société, de ses institutions et de ses acteurs socio-professionnels, de les aider à trouver leur place dans la société (même si celle-ci mérite d'être profondément changée), non par un assistanat permanent, mais par l'épanouissement et la mise en valeur des capacités, des potentialités, de la liberté, de chacun. D'ailleurs, de nombreux jeunes attendent cette impulsion (qui tarde parfois à venir...) pour construire, eux-mêmes, librement, leur avenir.
En tout cas, refuser le jeunisme, "maladie d'infantilisme de la société distractionnaire", c'est refuser la démagogie et la régression, c'est refuser ce "refroidissement de la jeunesse" que dénonçait Bernanos, c'est refuser la "ghettoïsation" des jeunes dans un "monde à part" qui refuserait de s'adjoindre à la société, à la communauté nationale, à ce "plus vaste des cercles communautaires d'enracinement existant à l'échelle des hommes".
Le jeunisme, en définitive, c'est l'antithèse de la "jeunesse de l'esprit"; c'est, donc, l'ennemi mortel des jeunes, comme cette pomme pourtant appétissante mais empoisonnée que la sorcière tend à Blanche-Neige...
Si notre société y a déjà mordue, il nous reste à espérer la venue d'un Prince pour la réveiller...
Bravo monsieur, qu' on l' apprécie ou pas, la remarque finale ne manque pas de finesse!
Au fait, le livre dont je vous avais parlé:
Murray Rothbard, L' éthique de la liberté
Boones vacances
Rédigé par : Nono (juste une envie de changer) | 06 avril 2006 à 17:05
Vous pouvez avoir accès à l' oeuvre complète
ohttp://membres.lycos.fr/mgrunert/ethique.htmeuvre
Rédigé par : Nono (Pentagramme si vous n' aviez pas fait le raprochement) | 06 avril 2006 à 17:15
je t'ai trackbacké ;)
Rédigé par : Acrerune | 06 avril 2006 à 21:23
Ayay,
La réalité, c'est quoi donc? Les enfants du Sahel? Emera en concert, ou on fait des pogos, on est des belreu, mais pas trop fort quand même, ca risque de faire des bleus?
Moi, je répondrais...
Explose de tout ton corps!
Hugo, en pleine phase martiale.
Rédigé par : Hugo | 08 avril 2006 à 16:40