Dalil Boubakeur est l’actuel recteur de la grande Mosquée de Paris. Depuis de nombreuses années, il défend une conception « française » de l’islam et, bien que je sois fort réservé sur la religion musulmane avec laquelle je ne suis guère en accord théologique, j’apprécie sa position intransigeante sur la nécessité pour les musulmans vivant en France d’être respectueux de son histoire nationale et de ses héritages religieux. Dans un récent article paru dans « Le Point » (jeudi 20 avril 2006), il rappelle cette position éminemment politique : « Il existe en France un véritable islam national et patriotique de par le sang versé des musulmans durant la Première Guerre mondiale. Un amour de la patrie aussi fort que celui de Maurras ou de Barrès ». Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il fait ainsi référence à cet « amour maurrassien » de la France : il l’évoquait récemment dans un article du « Monde », et il affirmait à l’automne dernier la nécessité d’un « islam nationaliste français » pour faire face au risque de dérive islamiste de certains jeunes des « banlieues chaudes ». Il est d’ailleurs fort dommage que les journalistes, mais aussi les politiques, n’aient guère prêté attention à ces propos, peu conformistes au regard du « politiquement correct » actuel
Je me souviens d’ailleurs que la première fois que j’ai entendu parler de Dalil Boubakeur, c’était dans les colonnes d’ « Aspects de la France », hebdomadaire royaliste d’Action française, journal auquel il a accordé au moins un grand entretien il y a quelques années. Tout comme je me souviens que les premiers musulmans rencontrés dans ma vie et avec lesquels j’ai conversé participaient, comme moi, à l’Université d’été royaliste « Camp Maxime Real del Sarte », au tout début des années 80 : il s’agissait de Chahis D., de l’île d’Anjouan ; de Zaïdou Bamana, de Mayotte, etc. C’est d’ailleurs Pierre Pujo, inamovible directeur (depuis 1966
) de la presse maurrassienne, qui me les avait présenté et qui me vantait les mérites des musulmans « nationalistes français » : il est vrai, d’ailleurs, que le premier musulman français d’origine algérienne assassiné en métropole dans les années 50 (par le FLN), Miloud Boudjelal, portait l’insigne fleur-de-lysé de l’Action française (alors rebaptisée « Restauration nationale »), et que les royalistes lui ont souvent rendu hommage au « carré musulman » du cimetière où il avait été enterré
« La France est un composé », affirmait Jacques Bainville en ouverture de son « Histoire de France » : elle doit être aimée par ceux qui en réclament la protection, et cela quel que soit le régime en place. La position de Dalil Boubakeur a le mérite de rappeler cette vérité humaine et politique.
Cette note mériterait d'être complétée pour éviter tout malentendu: aimer son pays, y compris d'adoption, ne veut pas dire tout accepter de ceux qui le représentent ou le peuplent, bien sûr. L'amour n'interdit pas la critique, la discussion, voire la dispute: mais il signifie que le désavouer c'est le perdre. Personnellement, je ne suis pas républicain et je suis fort critique sur la conception que la République a eu du "rapport au monde" de la France, en particulier sous la IIIe et la IVe République: mais, pour autant, si je condamne la République ou la politique d'Etat de mon pays, je ne le fais pas "contre" mon pays mais, au contraire, "pour" celui-ci, par amour pour lui. Je connais les défauts de ma patrie mais elle reste ma patrie sans laquelle je suis un apatride, un "exilé de l'Histoire" sans passé ni avenir constructif. C'est parce que l'amour est exigeant que les fautes de l'Etat de mon pays me navrent, car elles menacent parfois l'image, la nature, la justice même de mon pays.
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 02 mai 2006 à 17:53
Invoquer Barrès ou Maurras, je n'apelle pas ça de l'amour de son pays, désolé... Et prôner un "islam nationaliste français" (confusion et mélange des genres... Toujours mauvais signe) pour juguler la violence en banlieur, c'est du dernier comique. C'est pas des idées, surtout abstraites comme celles là, qu'il faut... Etre un religieux qui en plus s'offre le luxe d'être tolérant et patriote, c'est une activité de nantis, peu menacés...
Rédigé par : Hugo | 02 mai 2006 à 19:24
Sans doute l'accolade de certains mots et notions peut sembler maladroite, mais il s'agit justement, comme je le dis implicitement au début de ma note, de ne pas mélanger les genres mais de les accorder pour éviter des dérives "exclusivistes" religieuses. Boubakeur me semble jouer son rôle quand il rappelle que la religion doit s'inscrire dans un cadre national établi et non pas chercher à créer un "nouveau cadre" qui négligerait les solidarités "nationales" au profit de valeurs "pures et désincarnées". Face à l'islamisme, maladie autant religieuse que politique, le "nationalisme" (ici, je parle de l'attachement à un "être national" vivant et aux multiples formes, à l'histoire de l'Etat et de la nation françaises, nation "fédérative" et non jacobine: je réfute tout ... chauvinisme, bien sûr) permet de mettre en avant d'autres "points d'accroche", et c'est une réponse, non pas "laïque" telle qu'on l'entend aujourd'hui, mais politique, éminemment politique.
D'autre part, Barrès et Maurras, qui sont critiquables sur de nombreux points, restent tout de même les symboles d'hommes qui ont fortement aimé la France et dit cet amour aux autres. Il n'est pas indifférent de constater que ces deux hommes ont inspiré des politiques aussi différents que De Gaulle ou Mitterrand, tous deux grands amoureux (à leur manière...) de la France.
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 03 mai 2006 à 15:50
Mais pourquoi faudrait-il aimer la France... ? Moi, elle m'est bien indifférente la France ! Heureusement pour elle que j'y vis, sans quoi je l'ignorerais totalement...
Rédigé par : Anton Wagner | 03 mai 2006 à 21:05
Mince, si Sarko passe, je vais devoir partir... ;)
Rédigé par : Anton Wagner | 03 mai 2006 à 21:06
Mon chèr Anton Wagner,
Tu n'as pas à réfléchir, si tu es né en France, tu es français et tu reçois ce que t'ont apporté les milliers de français passés avant toi (y compris les morts de 14 et 40 qui t'ont permis de vivre en France).
Et tu léguera, même sans le vouloir, ces apports à ta futur progéniture.
C'est ce qui fait le bienfait de la nation française qui est plus grand corps protecteur pour ses habitants.
Rédigé par : roycobrother | 03 mai 2006 à 23:16
Comment ça, je n'ai pas à réfléchir...!!?? Encore heureux que j'ai à réfléchir !
Et si je n'ai pas envie de recevoir ce que ces millions de Français m'auraient légué (alors qu'ils s'en moquaient royalement d'ailleurs) ? Ce n'est pas parce des gens sont passés avant moi que je dois m'inscrire dans leur héritage, et heureusement.
Parlons-en de 14-18 et de 39-45... Quel sang versé pour une idée saugrenue ! La nation est l'argument de l'asservissement des gens. Que n'exige-t-on des uns et des autres en son nom...
Le pire c'est que ce n'est qu'une abstraction. Moi je ne l'ai jamais vue la France, je ne commais que des individus.
Rédigé par : Anton Wagner | 04 mai 2006 à 22:16
Bonjour,
ça faisait longtemps...
j'aime moi aussi l'islam de france puisqu'il est intelligent...
Rédigé par : Acrerune | 04 mai 2006 à 22:45
Peut-être Anton Wagner vit-il déjà dans le village mondial...
D'ailleurs vivre en Ethiopie ou en France, quelle différence ?
La France n'existe pas, personnnellement je ne l'ai jamais rencontrée.
Merci A W pour ce grand moment de philosophie politique.
Rédigé par : pv | 05 mai 2006 à 14:33
La France ne m'est pas indifférente, et la langue que j'utilise, la liberté que j'exerce en celle-ci, les sentiments et mon "être au monde", sont autant d'héritages dont je me sens redevable et que je ne dois pas gaspiller mais embellir, si je peux, et transmettre aux autres, à ceux qui viendront après nous. Je ne suis pas fils de personne mais d'êtres de chair et de sang, et de l'Histoire qui a rendu possible la vie que je mène ici, tout en ayant les moyens de critiquer tel ou tel aspect de celle-ci. La lecture de Marc Bloch ou de Simone Weil permet aussi de comprendre l'importance du cadre national, de la France et de l'enracinement dans la construction de la personnalité et dans la possibilité de la liberté.
Petite remarque annexe: au fil de mes lectures sur la guerre de 40 (cours en préparation pour mes Première), je constate que l'idéologie n'est pas tout et, le plus souvent, ce n'est pas elle qui fonde les débuts de la Résistance, mais un esprit de patriotisme, voire de nationalisme, de réaction contre l'Occupation plus encore que contre l'idéologie nazie, qualifiée d'abord d'"allemande" ou de "germanique" par les résistants de 40. Cf les écrits de De Gaulle, du colonel Rémy, ou de d4estienne d'Orves. C'est souvent, aussi, quand notre pays perd sa liberté que l'on se rend compte de son importance et de sa nécessité: la nation est, qu'on le veuille ou non, le plus vaste cercle protecteur des hommes en société. La nation est la "première protection sociale".
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 05 mai 2006 à 18:42
"Merci A W pour ce grand moment de philosophie politique."
Mais, à votre service. Je remets cela quand vous voulez...
Maintenant, le simplisme de votre réaction est confondant. Comme si mes propos impliquaient de ne voir aucune différence entre la France et l'Ethiopie... Risible !
Rédigé par : Anton Wagner | 05 mai 2006 à 22:44
"Maintenant, le simplisme de votre réaction est confondant (sic). Comme si mes propos impliquaient de ne voir aucune différence entre la France et l'Ethiopie... Risible !"
Vos propos impliquent certainement quelque chose, faute d'avoir été argumentés. Je n'ai pas forcément une bonne image de notre pays (enfin ce qu'il est devenu, et ce n'est pas près de s'arranger), mais chaque "nation" a ses particularités, que l'on voit ou non (il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre)...
Rédigé par : Elladan Eledhwen | 18 mai 2006 à 01:57