J’ai déjà évoqué il y a quelques mois le roi de Thaïlande dont l’intervention avait permis l’apaisement (sinon la fin, espérée pour le mois d’octobre avec de nouvelles élections législatives) d’une grave crise politique provoquée par les manifestations contre l’attitude du Premier ministre Shinawatra. Il y a quelques jours, le quotidien « Le Monde » lui a consacré une pleine page titrée « Roi et citoyen » (7 juin 2006), qui retraçait son parcours politique de souverain, et cela à l’occasion des cérémonies destinées à célébrer ses 60 de règne de roi constitutionnel. Celles-ci furent grandioses avec la présence d’environ un million de Thaïlandais à Bangkok, capitale du royaume (anciennement du Siam), tous habillés de jaune, couleur du roi et qui correspond au jour de sa naissance, un lundi. Comme le souligne « Le Monde » dans son édition du mardi 13 juin : « les cérémonies (
) en l’honneur du 60e anniversaire du règne de Bhumibol Adulyadej sont « un répit bienvenu dans la crise politique » que traverse la Thaïlande. En fait, la ferveur pour un monarque adulé traduit aussi un désaveu du public envers la classe politique, empêtrée dans un imbroglio qui a laissé le pays sans Parlement constitué, avec un gouvernement intérimaire ».
Petite remarque : alors que, dans notre pays, les électeurs désorientés ou désabusés se tournent vers des votes contestataires, le fait que le roi de Thaïlande apparaisse comme le « père de toute la nation » évite des glissements « populistes » qui pourraient être une menace sur l’unité du royaume et pour la paix civile. Le roi est le point de repère qui permet le dépassement des conflits, sans forcément les régler politiquement, puisque, comme le rappelle « Le Monde », « la Constitution en vigueur depuis 1932 le lui interdit » : « A chaque fois que militaires et politiciens civils échouent à s’entendre sur le partage des responsabilités (et souvent des prébendes), et que la cohésion nationale est menacée, Rama IX [autre nom du roi Bhumibol] intervient à sa façon feutrée, un peu amidonnée mais néanmoins énergique ». Ce rôle discret est l’un des avantages d’une Monarchie constitutionnelle qui n’a pas besoin d’user du Pouvoir et de dépendre des élections parlementaires pour assumer l’Autorité et jouer son rôle d’arbitre suprême au-delà des jeux gouvernementaux : cela pourrait, devrait même, faire réfléchir ceux qui, en France, se désolent des insuffisances de la Ve République et cherchent ce qui pourrait rendre à l’Etat son autorité et sa capacité d’arbitrage, ainsi que la reconnaissance de cette dernière, nécessaire au bon fonctionnement des institutions et des échanges civiques et politiques.
Dans le même temps, plus près de chez nous, nous sommes en train d'assister à un déchirement de la Belgique entre les Flamands (dans la partie nord la plus riche et la plus dynanique de Belgique) et au sud les Wallons francophones.
Déjà la Wallonie et la Flandre ont chacune un parlement.
Si les Wallons sont très royalistes et attachés à l'unité du pays , les Flamands sont quant à eux de plus en plus favorables (regardons les résultats en hausse du parti nationaliste flamand, le Vlaams Belang) à une république flamande.
Dans ce cas précis, le roi ne joue pas le rôle d'arbitreet semble au contraire cristallisé les oppositions entre ces deux peuples.
On voit bien que la monarchie en elle même ne résoud pas les problemes des sociétés mais comme en République , il faut une véritable volonté ( et une vision) politique que raman IX possède mais que la dynastie belge ne semble plus avoir.
Rédigé par : Kévin | 15 juin 2006 à 22:08
Le cas de la Monarchie belge est intéressant car elle doit faire face à la poussée de certains ethno-nationalismes, en particulier flamand, et elle est effectivement en première ligne car "supprimer la monarchie, c'est supprimer la Belgique" comme le dit le Vlaams Belang. En fait, le roi Albert II et sa famille sont plus actifs qu'on le croit généralement mais ils sont gênés par un certain esprit du temps qui pousse en avant les communautarismes au risque de défaire l'unité de la Belgique. Les discours récents du roi sont d'ailleurs fort explicites contre les dérives racistes de certains Flamands qui se veulent républicains car ils savent bien que, de par son essence, la monarchie dépasse les barrières communautaires et joue le rôle d'un trait d'union nécessaire. A lire le livre de Paul Vaute "Voie royale" qui fait la description la plus fine qui soit de la monarchie belge, de sa nature et de son fonctionnement; ainsi que l'article de Stéphane Bern d'il y a quelques mois qui a pris la défense de la monarchie belge contre les extrêmismes.
Cela rappelle que la monarchie, si elle doit sublimer par nature les différences et diversités d'opinion d'une nation, n'est pas pour autant un facteur "neutre" de l'unité de ce pays: j'en reparlerai prochainement.
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 16 juin 2006 à 14:06
On néglige trop souvent l'influence des familles royales dans nos monarchies people.
Outre le facteur de cohésion nationale, ces familles servent de repères et de modèle quand les temps l'exigent. Le roi de Siam est dans ce rôle. Le roi des Belges est intervenu efficacement contre les désordres des institutions dans les affaires de moeurs. Dans les vieilles monarchies nordiques (Pays-Bas compris) l'attitude de la famille royale en temps de guerre a été d'un grand secours moral aux affligés et au Danemark efficace tout court - le roi y fut un héros. Par contre celle du père d'Albert II fut mal acceptée, ce qui prouve en creux son influence.
Et plus récemment en Espagne, c'est bien le côté évènementiel de la famille royale qui a "décalé" les fermentations fascisantes en les ringardisant. Mais on aurait pu attendre de la reine Sophie le mot de trop qu'on lui aurait aussitôt pardonné, sur les lois décadentes du gouvernement Zapatero. En revanche l'implication (toujours indirecte) du roi dans le paysage basque est positive. Il est aussi leur roi, puisque titré "Roi de toutes les Espagnes". Dès qu'ils en seront vraiment convaincus les Basques se calmeront.
Les doctrinaires français qui poussent en avant aujourd'hui la monarchie absolue ou l'antiparlementarisme, jouent en fait contre le roi.
Il n'est pas impossible qu'on puisse substituer un jour prochain au président quinquennal actuel dont l'élection provoque un tumulte dévalorisant pour la fonction de chef d'état et un drainage d'énergie insupportable, une sorte de secrétaire perpétuel de la Nation qui ne s'userait pas dans la politique du quotidien, mais représenterait plus dignement le pays et serait son point fixe par rapport auquel les communautés diverses se parleraient.
Il suffirait peut-être de diffuser ces idées de règne sans gouvernement pour voir croître le "royalisme". Il y a de bons arguments dans tous les chapitres.
Il serait toujours temps ensuite de juger de la pertinence d'une meilleure implication dans les affaires de l'Etat.
Le combat doctrinal de certaines chapelles me semble vain.
Rédigé par : catoneo | 17 juin 2006 à 11:32
J'en suis bien d'accord et conscient, mais il me semble important de réfléchir sur des idées qui pourraient redonner de la visibilité et de la crédibilité à la pensée monarchique. Je travaille actuellement sur une sorte de manifeste royaliste et, aussi, sur une tentative de définition de ce que je nomme "la Monarchie active". Merci de votre contribution au débat.
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 17 juin 2006 à 17:31
Le dynamisme des monarchies européennes est notre meilleure publicité. C´est sur cette base solide et concrète que nous devons nous appuyer pour réaliser une instauration monarchique en France. La République a volontairement déformé l´histoire de France en présentant la monarchie comme un régime autoritaire. Quid de la monarchie constitutionnelle de 1815 à 1848 gênante à bien des égarts.
L´instauration monarchique passera par un dialogue permanent et un rétablissement de la vérité sur les vertus de la monarchie.
Rédigé par : sylvainb | 04 juillet 2006 à 19:59