La guerre en Irak n’est pas finie, contrairement à ce qu’avait annoncé le président états-unien George W. Bush en 2003 après la chute du dictateur Saddam Hussein. Et trois ans et demi après l’attaque des troupes alliées sur Bagdad, le pays est en proie à une véritable guerre civile qui a vraiment commencé après l’attentat contre la mosquée chiite de Samarra : chaque jour, des dizaines de femmes, d’enfants et d’hommes meurent déchirés par les attentats-suicides, égorgés par des milices de la confession « adverse » ou tués par des balles perdues
L’Irak se dirige, de façon de plus en plus rapide et manifeste, vers un véritable éclatement en trois entités, l’une chiite, l’autre sunnite, la troisième kurde. En somme, c’est la réalisation des plans de certains « néoconservateurs » de Washington qui souhaitent depuis longtemps une nouvelle carte de la région, leur permettant de préserver les intérêts occidentaux (en fait états-uniens
) en divisant ceux qui pourraient être des « gêneurs ». Il est possible que cette géopolitique mène aux mêmes catastrophes que celles issues des traités de paix de 1919-1920 qui, en s’appuyant sur les 14 points de Wilson et le « principe des nationalités », ont préparé le terrain au cataclysme de la seconde guerre mondiale et de ses suites, jusqu’aux guerres des Balkans des années 90, pas encore totalement soldées comme on le voit encore au Kosovo ou en Macédoine, désormais menacée par les revendications nationalitaires des groupes albanais
Devant ce gâchis, que peut faire la France ? D’abord, ne pas se réjouir des difficultés de l’armée états-unienne qui risque d’avoir des conséquences terribles si celle-ci se retire sans avoir stabilisé la situation. Comprenez-moi bien : j’ai regretté l’intervention des Alliés en Irak car je pressentais (comme la plupart des Français et, en particulier, des diplomates du Quai d’Orsay) que cette affaire ouvrait une véritable « guerre de cent ans » sans espoir de la clore rapidement. Sans éprouver aucune tendresse pour la dictature baassiste de Saddam Hussein, je percevais confusément (mais la réalité a malheureusement « éclairci » cette perception
) que son renversement sans alternative fiable risquait d’ouvrir la boîte de Pandore de tous les dangers, ce qui a effectivement été le cas. Mais, aujourd’hui, comme le signalait le géopolitologue Yves Lacoste il y a encore quelques semaines lors d’une conférence donnée à Paris, le retrait des troupes états-uniennes signifierait que, désormais, ce sont les pays du continent européen qui se retrouvent de ce côté-ci de la Méditerranée en première ligne : « la Méditerranée, c’est la nouvelle ligne de front » rappelait ainsi Lacoste, avec un certain désespoir dans la voix. Et il ajoutait, non moins inquiet, que le front passait aussi par les « banlieues » françaises dans lesquelles la désespérance sociale et les échecs de l’intégration nourrissaient les ressentiments et les extrémismes, en particulier islamistes.
Le mal est fait, et lorsque le vin est tiré, il faut le boire
La pire des choses serait, désormais, un retrait qui serait interprété comme un « recul », non des seuls Etats-Unis, mais de tous les Etats censés partager les mêmes valeurs et les mêmes intérêts idéologiques donc les pays d’Europe, y compris la France, déjà menacée par les islamistes depuis les années 90 et la guerre civile algérienne.
Ainsi, la France, qui avait prévenu George W. Bush des dangers d’une déstabilisation brutale de la région par une intervention inappropriée et inopportune, se retrouve elle aussi, malgré sa diplomatie prudente et intelligente de 2002-2003, prisonnière d’une situation qu’elle n’a pas voulue
Néanmoins, sa position passée d’indépendance à l’égard de la politique des Etats-Unis peut lui permettre de se poser en médiatrice entre les différentes forces qui s’affrontent en Irak et, au-delà, dans toute la région, même si les propos récents de Ségolène Royal sur l’Iran ne sont pas vraiment les plus « adaptés » ni les plus apaisants et qu’ils laissent craindre une perte de crédit de la diplomatie française si elle venait à être l’élue de 2007
En attendant le résultat de la prochaine élection présidentielle, la France ne doit pas s’empêcher de lancer des initiatives diplomatiques pour tenter de désarmer quelques conflits et préparer à « l’après-guerre » en Irak, par exemple en offrant ses services dans le domaine de la remise en état des infrastructures et des services publics, des universités, des institutions du pays. Cette diplomatie est évidemment délicate et pas totalement assurée du succès, mais ne rien faire équivaudrait à subir, et cela plus tôt qu’on ne le pense, un terrible contrecoup sur la scène internationale qui, elle aussi, a horreur du vide
et voici comme demandé l'article du fogaro sur la filière littéraire bonne lecture!
charles
Rédigé par : charles | 07 décembre 2006 à 18:22
Deux points retiennent mon attention.
Le retrait américain est sur les rails depuis hier, depuis la publication du rapport Baker-Hamilton. Ce retrait est irréversible de manière sournoise : si Maliki ce parvient pas à contenir les milices chiites, les Américains accélèreront leur repli. Si Maliki parvient à stabiliser la guerre civile, les Américains partiront progressivement. Dans les 2 cas , ils partent. Avec les conséquences que vous prévoyez.
L'astuce a été de ne pas donner de calendrier, car comme l'a dit Hamilton (je crois), "ce rapport est fait pour le mois de décembre 2006; nul ne sait où nous en serons en février 2007".
(2) La France n'a pas d'espace pour jouer un rôle en Irak car elle est cataloguée "baassiste" et la grande majorité du peuple iraquien ne l'est pas. En plus elle est considérée comme ne faisant pas le poids. Dernière démonstration : le Liban.
Chirac a fait des moulinets d'intimidation en rappelant le rôle de la France protectrice éternelle du Liban. En vain. Le Sud-Liban a été détruit par Israël sans que la France n'ait pu, su ou osé lever le petit doigt.
La force est respectée au Moyen Orient. la France n'en a pas montré de très longtemps.
J'ai été plus long que prévu. Désolé !
Rédigé par : Catoneo | 07 décembre 2006 à 22:15