La libération des infirmières bulgares a donné lieu à une abondante littérature sur le rôle de la femme du Président et certains socialistes et autres républicains attachés aux Grands principes et aux Valeurs de la République se sont empressés de crier haro sur cette Cécilia si impudente
« Le Monde » du jeudi 26 juillet évoque cette polémique en citant quelques unes des réactions à cette intervention de la « première dame de France » dans une affaire sordide dont il faut bien avouer que l’Opinion française se désintéressait complètement il y a quelques semaines encore alors qu’elle durait depuis 8 ans
: « Pierre Moscovici (PS) avait (
) estimé que, « si c’est une affaire politique, on entre dans une méthode diplomatique que je réprouve totalement ». Pour Arnaud Montebourg, vice-président du groupe socialiste à l’Assemblée, Mme Sarkozy « n’a aucun statut, aucun mandat prévus dans l’ordre institutionnel ». « Nous avons maintenant, non pas un président de la République, mais un couple à la tête de l’Etat. Est-ce que c’est ça, la République ? », s’est indigné le député (Verts) Noël Mamère. S’étonnant de cette polémique, Patrick Devedjian, secrétaire général de l’UMP, a fait remarquer que « dans les monarchies, le conjoint du monarque a une place institutionnelle ». »
Quelques remarques : d’abord, il me semble que l’on n’oublie trop facilement l’objectif premier à atteindre qui était, au-delà du coup d’éclat médiatique (dont M. Sarkozy a fait une stratégie, voire même une politique, comme l’a souligné avec un certain humour François Hollande
), la grâce et la libération des infirmières bulgares et du médecin d’origine palestinienne (naturalisé bulgare pour des raisons faciles et légitimes - à comprendre). Malgré l’action de la commissaire européenne aux affaires extérieures Benita Ferrero-Waldner, c’est véritablement la venue de Mme Sarkozy qui a permis un « déblocage » d’une situation encore diplomatiquement « embarrassante » à la mi-juillet, en permettant aux autorités libyennes de « se dégager du problème » sans perdre la face, c’est-à-dire en y trouvant une occasion de reprendre sa place dans le concert des nations par la grande porte : il n’est pas certain que la morale soit entièrement sauve dans cette affaire, mais qu’importe, le « souci politique », mais aussi humanitaire, doit parfois prendre des chemins moins éclairés pour atteindre sa destination
Ce « coup de reins » de la diplomatie française que certains lui reprochent (à défaut d’avoir été eux-mêmes plus efficaces, voire efficaces tout court) semble sortir des règles de la démocratie parlementaire parce que Mme Sarkozy n’avait pas de « mandat » et qu’elle n’a de comptes à rendre, en tant que telle, à personne, n’étant ni élue ni nommée à un poste politique ou administratif particulier : cela explique la colère de ces républicains qui ont le regret des pratiques de la IIIe et IVe Républiques et qui semblent oublier que ce n’est pas le respect des règles démocratiques qui font, en tant que telles, de la « bonne politique ». Faut-il rappeler les errements de la diplomatie républicaine des années 20-30 où ni la morale ni l’efficacité n’ont été au rendez-vous malgré les grandes déclarations d’un Aristide Briand comprenant trop tard le double jeu d’un Streseman ou le vote triomphal d’approbation des accords de Munich par la Chambre du Front Populaire (par 535 voix contre
74) ? Faut-il rappeler la sentence d’Anatole France haussant les épaules à l’évocation d’une « politique étrangère républicaine », inexistante, voire impossible, selon lui ? D’ailleurs, qui, à l’Assemblée nationale, se préoccupait vraiment du sort de ces infirmières et pensait même que la France ou l’Union Européenne y pouvait quelque chose ?
Ce qui choque tant M. Mamère n’a rien, pour le monarchiste que je suis, qui puisse me disconvenir : d’autant plus que je préfère cette situation à celle, trop courante en des temps pas si lointains, où des proches du Président (membres de la famille ou amis) profitaient de leur proximité privilégiée avec le Chef de l’Etat, non pour servir, mais pour « se servir », sorte de mauvaise habitude républicaine que le gendre de jules Grévy, le député Wilson, avait inauguré sous la IIIe République avec un certain « succès »
Pour une fois, cela ne semble pas être le cas, et c’est tant mieux !
Bien sûr le Président Sarkozy en tire grand bénéfice et fait grincer bien des dents, chez les « alliés » européens comme dans les rangs de l’Opposition intérieure : le risque est qu’il se prenne pour un « Napoléon » (dont il me semble d’ailleurs, détail amusant, avoir à peu près la taille) et qu’il oublie ses devoirs d’Etat
Le personnage a des inclinations autoritaristes qui ne sont guère rassurantes, ainsi que des penchants euro-atlantistes plutôt inquiétants pour qui reste attaché à une conception capétienne (certains diraient « gaullienne ») de la diplomatie française. Mais, cela étant dit, ce n’est pas une raison pour ne pas reconnaître ses succès quand il en obtient, succès qui peuvent donner un peu plus de crédit et de présence internationale à la France.
Dernière remarque : la réaction de Patrick Devedjian est, pour une fois, fort juste et rappelle à raison que les Monarchies européennes n’hésitent pas à jouer avec toutes les cordes « familiales » qu’elles ont à leur arc : que l’on regarde ce qui se passe en Espagne où la famille royale est la meilleure ambassadrice du pays, en particulier dans le monde d’Amérique latine (la communauté de langue et de culture hispaniques, « l’hispanidad »), ou au Royaume-Uni, où la reine comme tous ses enfants sont les représentants et l’incarnation la plus familiale qui soit du « Commonwealth »
Quand M. Devedjian affirme que « dans les monarchies, le conjoint du monarque a une place institutionnelle », il pourrait ajouter que, là aussi, cela rend possible une véritable diplomatie « discrète » qui ne doit rien aux jeux démocratiques ou parlementaires car les membres des familles régnantes n’ont pas de « mandat » pour pratiquer leur « action »
et personne ne le leur en fait reproche, pourtant !
Il m’amuse aussi de constater que M. Devedjian, qui dans notre fameuse « rencontre » filmée dans les rues de Sceaux en septembre 2005 (visible en cliquant sur http://www.youtube.com/watch?v=MI0TbDH1bkg ), voulait que la Ve République soit moins monarchique qu’elle ne lui paraissait être, semble découvrir que les monarchies européennes peuvent constituer une sorte de modèle pour l’actuel locataire de l’Elysée
Etonnant, non ?
Vous l'avez sans doute converti^^.
J'ai aussi consacré un texte à ce sujet: http://partisan-blanc.over-blog.com/
Rédigé par : partisan blanc | 27 juillet 2007 à 08:45
M. Devedjian a des aigreurs de ne pas être le vizir du calife et son ironie est au troisième degré. Il le déteste depuis qu'on l'a rangé sur l'étagère désormais inutile du politburo de l'UMP, avec un bavard-vaincu du style Raffarin.
Rédigé par : Catoneo | 27 juillet 2007 à 12:23
C'est fort probable car M. Devedjian n'est plus le "favori" du locataire de l'Elysée; mais la formule était trop belle pour ne pas la saisir au vol...
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 27 juillet 2007 à 13:52
Varrennes ayant sonné le glas de la monarchie en France (et ce ne sont pas les ultérieures restaurations ou empires qui pourront changer durablement cet état de fait), l'affaire de Cécilia est de l'ordre de la péripétie politico-médiatique qu'affectionnent en effet les monarques de tous poils. Léon Zitrone il est vrai a été remplacé par Stéphane Bern pour faire valoir et faire pleurer dans les chaumières.
Certes l'affaire des infirmières est détestable pour ces femmes, le médecin et leurs familles. Servir de monnaie d'échange est de surcroît fort avilissant mais au bout il y a la liberté. Remercions donc Cécilia notre Marie-Antoinette des temps modernes ou notre Eugénie (vue la taille du mari).
Cela n'empêche cependant pas de se poser des questions sur la durée exceptionnellement longue de cette affaire. Etait-ce Chirac qui bloquait, refusant de parler au dictateur fou ? Pourquoi diantre l'Europe ramait-elle ? L'Europe a le désavantage de ne pas pouvoir peser sur les services secrets de chacun de ses membres, et dans chacun des services secrets il y a des courants et chapelles qui se tirent eux-mêmes dans les pattes avec la délicatesse que l'on imagine. Tiens Claude Guéant était donc très proche du chef des services secrets libyens, et à peine arrivé à l'Elysée tout se débloque avec l'aide miraculeuse de Cécilia. Claude Guéant ce n'est pas Rondot ! Est-ce la rupture avec la présidence Chirac ?
Misterhasbeen
Rédigé par : misterhasbeen | 27 juillet 2007 à 18:09